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L'Amiral d'Arkonis

Clark DARLTON & Karl-Herbert SCHEER

Titre original : Der Einsame der Zeit / Der Zweikampf, 1962
Cycle : Perry Rhodan  vol. 22 
Cycle : Perry Rhodan - 2040-2045 : Atlan et Arkonis vol. 1 

Traduction de Jacqueline H. OSTERRATH
Illustration de Gaston de SAINTE-CROIX

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Anticipation n° 541
Dépôt légal : 1er trimestre 1973
Première édition
Roman, 240 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 11,0 x 17,0 cm
Genre : Science-Fiction



Pas de texte sur la quatrième de couverture.
Critiques
 
     Attention ! Un, deux, trois... Je plonge avec témérité dans le courant Anticipation du Fleuve Noir crue février. Cette témérité est double : du côté des lecteurs, on se plaint que Fiction donne la part trop belle à une série médiocrement estimée ; du côté des auteurs encadrés par mon collimateur, on parle du mépris des critiques « intellectuels » (de gauche ?) envers la SF populaire française... Mais qu'importent ces reproches à ma vaillante âme éprise de danger ? Je commence donc en épinglant :
     M. A. Rayjean, une de mes têtes de Turc favorites, qui a écrit, avec La loi du cube, un space-opera de série (ce qui ne saurait trop surprendre sous sa plume) où l'on voit trois trafiquants de drogue, poursuivis par la « spatiale », s'échouer sur une planète déserte où un engin électronique extraterrestre leur fournit, grâce à la transmutation énergie-matière, des vivres, des armes, des femmes... en attendant de leur demander en échange un service qui entraînera un dénouement fort tragique. Sur cette donnée empruntée à Sheckley ou Simak, l'auteur n'a écrit qu'une nouvelle étirée, qui se lit cependant sans déplaisir à condition d'aller vite, le suspense étant relativement bien orchestré. En somme, un Rayjean un peu meilleur que la moyenne des Rayjean.
     Pour A l'aube du dernier jour, Robert Clauzel a abandonné la quête spatio-temporelle d'Eridan le Gremchkien qui avait fourni la matière à tous ses précédents ouvrages, pour nous conter l'histoire de la maturation, sur notre planète et à notre époque, de spores venues de l'espace et du temps et qui, rassemblées par différents messagers involontaires, forment une masse (la Moniade) qui va engloutir la Terre. Le début est fort bien raconté, l'auteur sachant incontestablement tracer un décor angoissant ancré dans la quotidienneté (voir aussi L'horreur tombée du ciel). Le livre, d'ailleurs, eût pu aussi bien trouver place dans la collection « Angoisse », car l'élément scientifique ou logique est pratiquement absent du récit. Cependant ça se gâte vers la fin, où l'apparition de jolies filles nues (créations de la Moniade) rend un son plutôt grotesque, et semble un hommage involontaire à la SF de papa... Ajoutons une curiosité de nature idéologique. La Moniade, pour précipiter la Terre dans le chaos, va insuffler psychiquement à ses habitants des idées subversives, des « faux concepts », qui vont ruiner inéluctablement les familles et les patries. Le retour à la nature est ainsi assimilé à ces « idées mortelles » et l'auteur, par la voix de sa Moniade, ajoute : « Déjà, nous influençons des individualités dans la plupart de vos corporations, médecins, avocats, enseignants surtout, qui nous aident à répandre des idées vénéneuses, venimeuses, pétrissant, pourrissant, flétrissant les cerveaux les mieux équilibrés... » Peut-être faut-il voir là l'expression d'un solide sens de l'humour, mais si nous prenons Clauzel au pied de la lettre, attention Andrevon : nous avons là enfin pu débusquer un auteur d'extrême-droite ! Pour ceux que cela n'effraierait pas (ou réjouirait ?), disons quand même que ce Clauzel est un peu meilleur que la moyenne des Clauzel...
     La planète enchantée, c'est le Barbet « classique », typique de la plupart des romans de ce prolifique et sympathique auteur, plus celui qui a déjà montré le bout de l'oreille dans A quoi songent les psyborgs et L'empire du Baphomet, c'est-à-dire un Barbet fortement attiré par l'heroic-fantasy. Dans le cadre d'un vaste conflit embrassant l'espace et le temps, et où une race de crustacés, les Rorx, venus du nuage de Magellan, essayent de conquérir la Voie Lactée, Barbet s'est surtout attaché à décrire une planète moyenâgeuse où force sorcelleries sont à l'œuvre, et qui n'est autre qu'un monde régressif soumis aux envahisseurs qui ont traversé le temps. Comme la majorité des ouvrages de l'auteur, La planète enchantée souffre d'un défaut évident de construction, les actions y étant confuses et plus ressenties comme une suite de tableaux que comme une structure vraiment organisée ; d'autre part, la deuxième partie du roman retombe dans le space-opera avec batailles d'astronefs, qui sont une constante chez Barbet. Mais la partie sword and sorcery vaut le détour, et certaines digressions prouvent que l'auteur, à condition de se donner la peine de l'aiguiser, peut avoir une plume : « Vois ici ce tronc élancé qui file vers le ciel sans aucune fourche : c'est le pin qui fournit aux navigateurs les mâts robustes transmettant aux navires la poussée des fougueux aquilons. Celui-ci est le chêne, roi des forêts, dont la puissance défie à travers les ans les plus terribles ouragans. Là, cette sombre verdure orne le cyprès dont la triste parure sied au repos des trépassés. Et voici l'odorant laurier que l'on tresse en couronne pour orner de ses feuilles lancéolées le front des conquérants. Le morne saule qui laisse pendre vers la terre ses flexibles rameaux est à juste titre l'emblème des amants délaissés... » (etc...). Le dirai — je ? Ce Barbet est meilleur que la moyenne des Barbet.
     On retrouve Perry Rhodan dans L'amiral d'Arkonis, mais cette fois le docte héros de Scheer, Darlton et quelques autres ne tient plus le rôle principal de cette vingt et unième aventure mise en forme pour le Fleuve Noir par Jacqueline Osterrath, d'après les brochures bimensuelles d'origine. La figure du premier plan, c'est Atlan, un représentant quasi immortel de la puissance déchue d'Arkonis, qui est en mission de surveillance sur la Terre depuis plus de mille ans. Lorsque le récit commence, l'amiral s'éveille, en l'an 2040, sur une Terre qu'il trouve pour la première fois unie et apaisée, mais qui lui apparaît comme une menace pour sa propre planète dont il ignore la situation exacte. L'Arkonide est rapidement repéré par les services secrets terriens, et une lutte à mort s'engage entre lui et Rhodan, lutte qui se poursuivra jusque sur la planète Vénus, en voie de colonisation. Nous avons là un space-opera classique et linéaire, sans beaucoup d'actions d'éclat, mais au déroulement très bien mené, qui se situe sur un décor technico-social fort bien brossé. De plus, l'aspect psychologique du conflit est tracé sans schématisme : il n'y a pas de méchant dans l'histoire, chacun des adversaires ayant ses motivations propres ; et comme le récit est écrit du point de vue de l'Arkonide, lequel se raconte à la première personne, le décalage qui se fait sentir joue comme effet de distanciation. En somme, mais vous l'avez deviné, ce Rhodan est nettement meilleur que les Rhodan précédents (mais j'avoue ne les avoir pas tous lus !...).

     Le secret d'Ipavar consacre le retour en « Anticipation » de Louis Thirion, qui n'y avait point paru depuis près de deux ans. Hélas, rien n'est bien convaincant dans cette histoire de race antique ayant domestiqué le temps et l'espace et voulant dominer l'univers (exactement le même sujet que le Barbet !) grâce au point de passage que représente une sphère gigantesque faisant communiquer une infinité de mondes parallèles. Il y a de belles images de planètes sauvages par-ci, par-là, mais la plus grande partie du livre est consacrée à des combats stellaires et à des batailles de sol aux armes de poing, qui font dangereusement pencher la galère Thirion dans les eaux saumâtres habituellement occupées par Peter Randa, dont le temps nous manque pour critiquer les livres qui tombent comme des petits pains durs faits au moule... Pour conclure, ce Thirion est nettement moins bon que la moyenne des Thirion. Cette savante volte-face m'amène à la mise au point suivante : comme Thirion est, en moyenne, plus doué que ses confrères passés au crible dans cette chronique serrée, son livre précédent rejoint en qualité (une toute petite étoile) ceux précédemment critiqués — à l'exception du Rhodan, qui remporte aisément le cocotier du mois.

     Et c'est avec une nouvelle guerre interstellaire que je terminerai ce pensum, celle déclarée aux Voles par Charles Platt, dans La planète des Voles. Comment ? me direz-vous. Mais vous quittez le Fleuve Noir sans crier gare pour Albin Michel, et le marais des auteurs français et allemands pour un représentant de la new thing britannique !... Vraiment ? Alors excusez, je n'ai pas vu la différence. D'ailleurs, entre nous, y en a-t-il ? Si l'on oublie un prestigieux démarrage aux noms de Clarke, Henneberg et Weinbaum, la série « Science-fiction » dirigée par MM. Gallet et Bergier est très exactement un Fleuve Noir où se retrouvent, rapprochés dans le temps et dans l'espace par la même fixation sur le space-opera traditionnel, Français et Anglo-Saxons, jeunes et vieux fraternellement mêlés dans la SF de tonton. Qu'on remonte aux années trente et qu'on se nomme Cummings ou Smith, ou aux années 60 et qu'on se nomme Asimov ou Platt, le nivellement opère de la même façon. Je n'ai rien contre le space-opera ni contre la SF de cape et d'épée (pardon : de scaphandre et de désintégrateur), ma constance à analyser ici les Fleuve Noir et assimilés prêchant au contraire pour mon goût des aventures fracassantes. Encore faut-il qu'elles fracassent : ici, Platt ne fracasse rien, ne casse pas davantage, si ce n'est les pieds de ses lecteurs. Je ne connais pas l'œuvre de cet auteur, dont voici le premier texte publié en France. Mais je suppose, ayant vu son nom accolé à ceux de Ballard et de Moorcock, qu'il a dû donner à la speculative-fiction des ouvrages de valeur qu'il faut souhaiter voir traduits rapidement, à seule fin de rétablir l'équilibre sur son dos.
     Dans La planète des Voles, seul le départ est intéressant, qui nous fait pénétrer dans l'intimité d'un vaisseau de guerre terrien « génétique » (car les mille combattants composant son équipage sont issus d'un même « œuf » qui s'est développé en cours de voyage, tant sont grandes les distances, à traverser). Malheureusement, le vaisseau coule au bout de trente pages et son équipage est exterminé — à part deux survivants qui ne sauront plus, pour notre consternation, que se livrer à quelques insipides gambades dans une jungle hostile. Il vaut mieux ici tirer un trait... et attendre le mois prochain.

Denis PHILIPPE
Première parution : 1/6/1973 dans Fiction 234
Mise en ligne le : 22/11/2017

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