Le champion des hommes nus est un livre déroutant parce qu'infiniment lent. Il ne s'y passe pour ainsi dire rien, et le peu d'action qui en émaille le fond paraît à la fois tiré par les cheveux et déplacé.
D'ailleurs, s'agit-il d'un roman ? Ne serait-ce pas plutôt le manifeste descriptif (manifeste, au sens de « liste complète et détaillée », bien sûr !) d'un monde immobile qui n'évolue pas, tellement il est englué dans la surpopulation, la pauvreté et l'égoïsme. Alors, naturellement, dans ce monde amorphe peuplé d'indigents tout aussi amorphes et de citadins repliés sur eux-mêmes, sur leur petit bonheur-confort, on conçoit qu'il puisse ne rien arriver, sinon des événements insignifiants.
Livre d'une lecture où l'on doit s'impliquer, construit à petites touches autour des deux personnages principaux, Paik et Ellis ; livre qui « n'accroche » pas mais qu'il est nécessaire « d'accrocher ».
La surpopulation, ça n'est pas nouveau. L'éclosion et le développement des bidonvilles ne le sont pas davantage. Il n'y a aucune originalité dans cette promenade dans la misère, incrustée de tout un rituel glacial et d'une succession de scènes quotidiennes, banales, prises sur le vif et cruelles, et nous nous laissons conduire, parfois avec contrariété, dans un univers plausible qui ne nous est pas étranger. Tantôt nous suivons tout cela avec le regard froid et détaché de Paik, le policier bleu des indigents, tantôt avec celui, tourné vers elle-même. d'Ellis, son amante.
Un livre, qui paraît seulement à moitié réussi et agréable à lire — à déchiffrer ? — à condition de ne pas y chercher un parfum d'aventure. Il n'y en a pas au fil de ces pages qu'assombrit une mort permanente et statique, et où il n'y a ni véritable champion, ni véritables hommes nus...
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/2/1985 dans Fiction 359
Mise en ligne le : 1/10/2003