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Concerto pour l'inconnu (opus 71)

F. RICHARD-BESSIÈRE

Première parution : Paris, France : Fleuve Noir Anticipation, 1971

Illustration de Gaston de SAINTE-CROIX

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Anticipation n° 461
Dépôt légal : 2ème trimestre 1971
Première édition
Roman, 240 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 11,0 x 17,0 cm
Genre : Science-Fiction


Autres éditions

Sous le titre Concerto pour l'inconnu   FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions, 1990

Quatrième de couverture
     Un lien qui m'avertit d'un danger imminent, comme le sentiment bizarre de me trouver au creux d'un estomac qui se refuse encore à m'assimiler.
     Et en moi la rage l'emporte, la colère, la fureur, la haine, le besoin de crier, de hurler, de frapper et de détruire...
     Je frappe... Je frappe à coups de marteau au hasard, dans un accès de démence, je frappe et je frappe...
     Je frappe les murs, et mon marteau cogne, cogne, cogne... A toute volée... sur les murs...
     Et le sang coule... Le sang coule des murs qui se fendent, se fissurent, éclatent... Un sang rouge... rouge, qui coule des murs comme d'une plaie géante.
     Et la chambre est rouge... rouge...
     Rouge de sang !
Critiques
     Il est plaisant de présenter dans la même critique le dernier Guieu et le dernier Bessière, respectivement leur 58ème et 71ème ouvrage dans la collection, et qui faisaient partie de la même livraison du Fleuve Noir. Non que ces deux romans aient, par ailleurs, des points de convergence bien précis. Il s'agit bien dans les deux livres d'une rencontre plus ou moins belliqueuse entre des Terriens de notre époque et des extraterrestres, mais l'analogie s'arrête là. Ce qu'il était plus tentant de faire, c'était de choisir, dans la production énorme et constante de ces deux auteurs, deux ouvrages presque au hasard, afin de voir de quelle manière ils évoluent, où ils en sont de leur thématique ou de leur stylistique.
     Dans la science-fiction française, où il est de bon ton de célébrer le génie d'auteurs qui n'écrivent plus ou dont la production se monte à quelques nouvelles (je précise que je ne vise personne, ne veux attaquer ni vexer personne !), Richard-Bessière et Jimmy Guieu sont des personnages presque mythiques, dont il serait vain de nier l'importance. La première apparition de Richard-Bessière (Les conquérants de l'univers) marqua aussi la naissance de la collection « Anticipation », puisque son premier roman publié portait le numéro un de la série ; Guieu suivit très vite, avec le numéro 5 (Le pionnier de l'atome). C'était en 1951 il y a juste vingt ans de cela ! Combien de lecteurs actuels de Fiction connurent ces débuts héroïques ? Pas beaucoup, probablement...
     En tout cas, pour les « grands anciens » dont hélas je suis, Guieu et Bessière font figure de compagnons de route, dont nous nous sommes un peu écartés parce que nos préoccupations sont devenues autres, mais qu'il est toujours agréable de revisiter a l'occasion, pour le seul plaisir de savoir qu'ils sont encore là, solides, fidèles au poste. En ce qui concerne leur évolution respective, il semblerait bien (mais ce jugement est peut-être hâtif) que Bessière s'est plutôt amélioré, alors que Guieu a tendance à piétiner. C'est naturellement une opinion de maître d'école... Cependant, délaissant ses intrigues simplistes du début — simples gambades spatiales — Richard-Bessière est devenu, au cours des ans, de plus en plus sophistiqué, jouant avec les paradoxes temporels, les dimensions à x prolongements et les « choses » venues d'ailleurs, nous donnant, sur un ton badin, une SF dont il faut bien reconnaître que sa force première est l'imagination. Le revers de la médaille est que notre auteur ne sait pas (ou ne veut pas, ou ne prend pas le temps de...) donner un peu d'épaisseur à ses romans, qui pèchent en général par leur minceur et la sécheresse de leur développement : dans le pire des cas, Bessière ne semble nous livrer que le canevas d'une histoire à faire.
     Jimmy Guieu, au contraire, nous distraya à ses débuts par des space-operas (Au-delà de l'infini et ses suites) ou des « time-operas » (Univers parallèles et la suite) vivants, décontractés, pleins de péripéties et de rebondissements. Et puis notre homme, sans se départir de cet humour bon enfant mais un peu laborieux qui le caractérise, s'est mis à insérer dans le tissu de ses romans tout le fatras de ses préoccupations parascientifiques : les soucoupes volantes, les « grands ancêtres », les continents disparus, etc. Et cela à grands renforts de citations, de références, de pointes lancées aux « savants officiels », Sans vouloir engager un débat sur !e fond du problème (et tout en soulignant l'originalité du processus créatif de Guieu, qui part de faits rééls, ou supposés tels, pour tramer ses romans d'imagination), force nous est de reconnaître que les « Anticipation » de l'auteur se sont comme sclérosés, l'imaginaire se trouvant alors par trop bridé par une prétendue réalité préexistante.
     Depuis que Jimmy Guieu a mis au monde son nouveau héros Gilles Novak, « reporter de l'étrange », le canevas de ses romans ne change plus guère et se déroule an trois parties immuables : 1) Novak enquête sur des faits inexpliqués ; 2) il prend contact avec les entités extraterrestres ou « infraterrestres » qui sont à l'origine des manifestations ; 3) il les aide à résoudre un conflit interne, qui se termine, grâce au Terrien, par la victoire des bons sur les méchants...
     Tel peut être résumé La voix qui venait d'ailleurs, sans qu'il soit besoin d'ajouter quoi que ce soit. On peut signaler toutefois cette curiosité : le roman débute par un cocktail où se trouva réuni le « Tout-Paris de l'insolite » (et de la SF), en l'occurrence Robert Charroux, Claude Seignolle, Maurice Limat, etc. Ce clin d'œil à ses amis est ma foi sympathique de la part d'un auteur chaleureux, et quelque peu mondain aussi : on boit toujours force drinks chez lui, et la douce amie de Novak répond au prénom très in de Régine...
     Il est bon enfin, pour en terminer (provisoirement) avec Jimmy Guieu, de signaler que les bluettes un peu pesantes dont il a l'habitude de corser ( ?) ses romans ont franchi un pas où la morale traditionnelle a pris un rude coup. Alors qu'il y a quelques années, héros et héroïnes ne dépassaient pas le stade des étreintes sportives et des joyeux baisers, il s'avère maintenant qu'on va (discrètement) au lit dès que le coup de foudre a dessillé les corps ardents des jeunes et beaux découvreurs d'étrange. Cela ne va pas sans précautions oratoires dignes du pas de charge d'un éléphant centenaire, mais quoi !... il faut bien écrire avec son temps.
     Le cas de Richard-Bessière est plus complexe. Mais peut-être faut-il chercher les causes de la diversité des romans publiés sous ce patronyme dans le fait que Richard-Bessière est « deux » (et peut-être même plus...), comme jadis Jean-Gaston Vandel, retourné hélas, et depuis bien longtemps, au sein de Paul Kenny. On trouve en effet chez lui deux lignes bien distinctes. La première est liée au destin fantasque du trio Sydney Gordon, sa fiancée (puis femme) Margareth, et son ami Archibald Brent, qui ne cessent de vivre des aventures plus farfelues les unes que les autres. La seconde, plus grave, décrit de sombres épopées qui se refusent souvent les facilités du happy end ; c'est à cette deuxième manière (où l'on trouve par exemple Planète de mort, Les jardins de l'apocalypse ou, plus récemment, Cette lueur qui venait des ténèbres) que se rattache Concerto pour l'inconnu.
     Ce roman est, paraît-il, construit comme une symphonie, dont il respecte les mouvements et les règles ; chaque chapitre est en effet intitué Agitato, Largo, etc. et, selon une manie récente de l'auteur, il est introduit par une préface due cette fois au chef d'orchestre Léopold Kovarski, qui nous explique que l'œuvre est wagnérienne, qu'elle est menée par un « chef d'orchestre » — en l'occurrence le narrateur — et qu'il était bien nécessaire d'être à la fois écrivain et musicien (ce qui est le cas de Richard, ou de Bessière) pour pouvoir l'écrire.
     J'avoue que toutes ses subtilités m'ont dépassé. J'y verrais volontiers une coquetterie un peu vaine mais, n'étant pas de la partie, je préfère laisser la conclusion aux lecteurs musiciens, qui trouveront peut-être les beautés cachées entre les lignes et sous les portées. Cela dit sans honte, le roman est agréable à lire et, si l'on excepte le dernier quart, il serait tout aussi à sa place dans la série « Angoisse », puisque les attaquants extraterrestres dont il est question ne se manifestent longtemps que sous la forme d'hallucinations (musique inquiétante, main rampante) et d'une pluie verte qui sème sur la Terre entière les germes d'une maladie mortelle.
     Pour nous conter son histoire, Bessière (ou Richard) a essayé d'utiliser une prosodie plus libre (plus musicale ?) que d'ordinaire, ce qui nous vaut des passages pointillistes en phrases ultracourtes, et même deux pages entières où l'auteur, tel un Joyce au petit pied, a carrément supprimé toute ponctuation. Ces efforts pourraient faire sourire, s'ils ne marquaient au contraire une sympathique tentative d'introduire un peu de « littérature » (comme on met de la moutarde dans sa mayonnaise) dans une collection grand public.
     Mais qu'on me comprenne bien : s'il me paraît difficile de recommander Concerto pour l'inconnu (au mieux passable) ou La voix qui venait d'ailleurs (bien terne) au lecteur moyen de Fiction, il ne sera pas non plus question d'écraser ces deux ouvrages (et surtout ces deux auteurs) sous les sarcasmes confortables de l'intellectuel averti. Par son tirage, la collection « Anticipation » fait de loin la plus forte vente de science-fiction en France. C'est donc que des gens l'achètent, et s'ils l'achètent, c'est qu'ils la trouvent à leur goût. Celte collection a une place bien à elle et remplit un but bien précis : aux adolescents, elle permettra d'accéder à des ouvrages plus difficiles ; à ceux dont le niveau d'instruction ne permet pas d'accéder à van Vogt ou à Dick (et peut-être serait-il bon de préciser que personne n'est responsable de l'instruction que, toute sélection faite, on lui octroit), elle suffit à donner une ration mensuelle de SF dont le « niveau » culturel n'a plus à être mesuré.
     On aura donc compris que Richard-Bessière et Jimmy Guieu peuvent se passer de notre avis. Car il est bien possible qu'ils nous enterrent !

Denis PHILIPPE
Première parution : 1/10/1971 dans Fiction 214
Mise en ligne le : 28/4/2002

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