Critique des n° 31 & 32 de la collection « Aventures Fantastiques » des éditions Opta.
Après les aventures de Tarl Cabot sur le monde de Gor, l'antiterre réfugiée dans un médiévalisme de bon aloi, où les femmes esclaves sont plus nombreuses que les femmes libres, et où elles ont pleinement l'occasion d'apprécier les subtilités, les saveurs et les bons moments de l'esclavage envers leurs seigneurs et maîtres, les vrais mâles goréens, après les aventures de l'infortunée ou bienheureuse ( ?) Judy Thornton, voici un nouveau héros créé par John Norman, Jason Marshall de la Terre, à qui seront réservées les charmantes surprises du monde goréen qui lui permettront d'évoluer harmonieusement de sa condition médiocre d'éphèbe entre deux sexes, asservi aux fantaisies de la belle et insensible Beverly Henderson, à celle du super-mâle goréen, qui représente ce qui se fait de mieux sur cette planète bénie des dieux où les hommes sont les maîtres inconditionnels des jeux de l'amour, de la guerre et du hasard !
Après la fracassante interview de l'auteur, réalisée par son traducteur attitré, Daniel Lemoine, les lecteurs de Fiction n'ont plus qu'un seul choix à faire, c'est de se débrouiller pour que les marchands d'esclaves goréens s'intéressent à eux, et aient l'amabilité de leur payer un ticket pour le monde de Gor et ses superbes esclaves ! Comme il est bon de rêver, sans être nécessairement un obsédé de la chose, les demi-hommes de la Terre peuvent donc avoir un avant goût des délices et diverses félicités offertes sur ce Nouveau Monde, que le prude Christophe Colomb n'aurait même pas soupçonnées, en se plongeant dans les gros volumes que le CLA distille avec sagesse.
Jason Marshall sera donc « éduqué », salivez tristes esclaves, à la manière goréenne. Et il a tout à apprendre le pauvre, non seulement de la duplicité féminine des terriennes, mais encore des maîtresses femmes libres de Gor, mais oui, il en existe, et elles sont aussi masochistes qu'on peut le désirer pour former cette petite créature qui s'appelle Jason. Elles commenceront par en faire un esclave de soie. Vous comprendrez à quelle fonction le beau garçon est destiné.
Mais le bonheur est fragile, on n'en a d'ailleurs pas toujours conscience, et après un séjour auprès de Dame Florence, Jason Marshall devra se battre contre d'autres esclaves pour affirmer sa virilité et sa force. Devenu un champion, il n'aura cependant pas le temps de goûter aux bienfaits de la gloire, qu'il lui faudra se consacrer à ceux de la guerre. Car le mâle Goréen quand il ne baise pas, doit occire son contingent de congénères, le sexe n'apaisant pas toujours les humeurs belliqueuses.
Il faut dire, et ce n'est pas en faveur de Jason. qu'il n'est pas complètement « éduqué ». ou que son « éducation » est par trop récente : il ne parvient pas à oublier la belle Beverly, avec qui il a été enlevé sur Terre, Et dès que les hasards de guerre lui accorderont la faveur de se libérer des femmes qui l'ont pris en charge, ce médiocre élève n'aura plus qu'une seule préoccupation retrouver celle qui l'a si fortement snobée à cause de son manque de machisme.
Une parenthèse avant de passer au second volet de la trilogie de Jason Marshall. Le Champion de Gor a visiblement été écrit pour les dames, et si les lectrices de Fiction ne doivent lire qu'un seul livre de la saga de Gor. c'est bien celui-là. Car le candide Jason ne sera rien moins que battu, humilié, fouetté, et suprême délice violé par une indélicate, qui le paiera très cher ! Toutes broutilles que Norman réserve oridinairement à la gent féminine !
Mais chassez le naturel et il revient au galop. C'est dans Le Forban de Gor que le superbe Jason commencera à montrer qu'il a compris l'efficacité de l'éducation Goréenne. Cependant, dès qu'il retrouvera la belle Beverly, une femme de la Terre, il ne sera pas loin de succomber de nouveau à ses vieux démons, et reprendra les habitudes du bon vieux ménage terrestre. Mais la guerre et les soudards sont là. et Beverly Henderson sera enlevée, juste à temps, pour que Jason retrouve une raison de vivre dans les complots et les coups de main. Fait prisonnier lors dune tentative pour délivrer Beverly, il parviendra à échapper à Kliomenes. le stupide lieutenant du forban Policrates. A la fin du volume Jason n'est guère plus avancé qu'au début : Beverly est toujours prisonnière, et il n'a pas trouvé de solution aux problèmes qu'elle lui pose, mais la bataille s'annonce, le Champion de Gor ne peut les résoudre que dans l'action.
John Norman ayant affirmé avec force qu'il n'aimait pas beaucoup les critiques, le signataire de ces lignes se sent obligé de dire clairement qu'il n'adhère aucunement à la thèse biologique qui soutend l'œuvre entière de l'auteur, et il reconnaît qu'il ne désirerait en aucune manière vivre sur l'impossible planète Goréenne (il est bon de le préciser à l'intention de ceux qui pourraient encore croire à son existence) issue de l'univers totalement obsessionnel et contradictoire où vit le seul John Norman. L'œuvre est pleine d'humour, volontaire ou non, mais l'écrivain, s'il est très cultivé, en manque sérieusement.
Charles MOREAU
Première parution : 1/1/1987 dans Fiction 382
Mise en ligne le : 20/1/2003
Dans Le Forban de Gor, Jason Marshall reprend le flambeau abandonné par le héros fatigué Tarl Cabot. Pour sa seconde apparition, devenu libre après avoir été un esclave de combat, il continue ses recherches afin de retrouver Miss Beverly Henderson qui a été enlevée sur la Terre par des marchands d'esclaves goréens en même temps que lui.
Il finit naturellement par la localiser et l'achète à un marché d'esclaves. Mais ses ennuis avec elle ne font que commencer car c'est une femme insupportable comme toutes les femmes libres de la Terre.
Nous revoilà en pleine propagande misogyno-esclavagiste. C'est la Normanie ou la Gormanie ! Les femmes sont faibles. Les hommes sont forts. Les femmes sont des esclaves nées, les hommes des maîtres innés. Les femmes sont faîtes pour être dominées et asservies, les hommes pour dominer et asservir. Norman insiste lourdement. Il écrit des pages et des pages de dialogues radoteurs : « Oh, Maître ! », « Tu es une esclave », « Oui, Maître. », « Qui es-tu ? », « Je suis une esclave, Maître. » ...Et ça n'en finit pas.
Littérature ou propagande machiste ? Peu importe, au fond. Cette critique se veut un amusement ; j'entre de plain-pied dans le jeu de Norman qui n'attend que ça pour ressortir sa rengaine goréenne.
Incidemment, Norman abhorre les critiques (évidemment, il ne comprend pas qu'on puisse ne pas le comprendre et n'accepte pas qu'on puisse ne pas l'accepter) — cf l'interview du Maître parue dans Fiction 379. Il méprise les mâles terriens qui, selon lui, aimeraient secrètement vivre sur Gor et n'osent par l'avouer... Peut-être ! Mais il ne faudrait pas projeter ses propres fantasmes sur les autres. Les fantasmes ne sont pas universels. Et celui des Goréens ne serait-il pas de devenir esclave d'une femme ou de vivre comme un terrien ? Voire de pousser l'homosexualité à son comble en devenant esclave d'un autre homme ? !
Caricature fantasmatique : toutes les femmes sont jeunes et belles au point que c'en devient lassant. Leur féminité — ou féminitude — se résume à la vie de leur corps et à l'assouvissement de ses besoins. Le pénis, c'est comme le petit doigt de Dieu...
Tout bien considéré, les habitants de Gor ne s'appellent pas des Goréens comme aimerait à nous le faire croire Norman, mais des Gorets (diminutif de l'ancien français gore...)
De deux choses l'une : ou Norman se moque de nous, ou nous devons nous moquer de lui et de ses excès.
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/12/1986 dans Fiction 381
Mise en ligne le : 1/5/2003