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Fuite dans l'inconnu

Jean-Gaston VANDEL

Première parution : Paris, France : Fleuve Noir, Anticipation, 1954
Cycle : Fuite dans l'inconnu vol. 1 


Illustration de René BRANTONNE

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Anticipation précédent dans la collection n° 34 suivant dans la collection
Date de parution : 2ème trimestre 1954
Dépôt légal : 2ème trimestre 1954
Première édition
Roman, 192 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 12,8 x 18,9 cm
Genre : Science-Fiction


Pas de texte sur la quatrième de couverture.
Critiques

[Critique des livres suivants :

- Chroniques martiennes de Ray Bradbury, Denoël Présence du futur n° 1

- Une étoile m'a dit de Fredric Brown, Denoël Présence du futur n° 2

- Ceux de nulle part de Francis Carsac, Gallimard Rayon fantastique n° 23

- Fuite dans l'inconnu de Jean-Gaston Vandel, Fleuve Noir Anticipation n° 34

Îles de l’espace d'Arthur C. Clarke, Fleuve Noir Anticipation n° 35

- L'Invention de Morel d'Adolfo Bioy Casares, Robert Laffont]

 

    Après Gallimard et le Fleuve Noir, les Éditions Denoël lancent, à leur tour, une collection d’anticipation scientifique romancée (pas uniquement S.-F., semble-t-il d’ailleurs, car le catalogue annonce pour paraître prochainement un ouvrage de H.-P. Lovecraft, un des maîtres britanniques du fantastique, de la sorcellerie et de la démonologie). Elle s’intitule « Présence du futur » et ses deux premiers-nés (Bradbury et Brown) sont l’un excellent, l’autre très bon.

    « Chroniques martiennes », de Ray Bradbury, est de la qualité de « Demain les chiens », de Clifford D. Simak, dont j’ai rendu compte il y a quelques mois. C’est l’histoire de la colonisation, du dépeuplement, de l’abandon et de la recolonisation de la planète rouge par les hommes. Le roman se présente sous forme de vingt-six chroniques, les unes assez longues, d’autres fort brèves, la plupart rattachées les unes aux autres par des liens assez lâches. Certaines sont de purs chefs-d’œuvre d’humour (« Les Hommes de la Terre », qui relate la façon étrange dont les Martiens accueillent les premiers Terriens), de terreur macabre (« La Troisième expédition », qui décrit le sort réservé à d’autres astronautes), de révolte contre la civilisation moderne (« Et la lune toujours brillante », où l’on voit un des conquérants de l’espace devenir l’allié des Martiens morts), de satire cruelle sur le sort des noirs américains (« À travers les airs »), ou, enfin, d’horreur sardonique (« Usher II »). J’arrête là l’énumération, car il me faudrait citer presque tout le livre. Comme dans la plupart de ses ouvrages, Bradbury, écrivain amer, cingle vigoureusement la culture de notre siècle et s’élève avec force contre les « tabous » venant du sommet de la pyramide. (N’imagine-t-il pas, dans un chapitre, que le gouvernement américain de la fin du XXe siècle a interdit les œuvres de Poe, les contes de fées et même les populaires nursery-rhymes ?) Sous ce rapport, il est proche d’un George Orwell, ce qui lui a parfois valu des piques de la part de certains critiques orthodoxes d’outre-atlantique. C’est d’ailleurs « une forte tête », un non-conformiste intégral qui, dans un pays de dictature, connaîtrait le camp de concentration. En formulant l’espoir qu’il ne lui arrive rien de tel, je ne puis que vous recommander ces « Chroniques martiennes », spécimen parfait d’une S.-F. intelligente, imaginative et admirablement contée.

    « Une étoile m’a dit » (Space on my hands), de Fredric Brown, est un recueil de huit nouvelles allant du « bon » au « très bon ». (Une seule m’a paru plus faible, « Mitkey », conte à tendances philosophiques qui tombe un peu à plat. Quelle idée aussi de « vaire barler doud au long afec l’agzent » le herr professor-Oberburger, ce qui rend la lecture irritante ?) Deux ou trois sont teintées d’un humour agréable (« Les Myeups », charmante ; « Anarchie dans le ciel », grandguignolesque ; « Un coup à la porte », spirituelle mais mélancolique, d’autres sont poignantes (« Quelque chose de vert » et « Tu seras fou », qui provoquera peut-être quelque colère chez les bonapartistes). Il n’y manque même pas un récit policier (« Tu n’as point tué »). « Cauchemar » rappelle un peu un roman de Maurice Renard, mais ces rencontres, dans le domaine du fantastique, sont inévitables. Il me serait difficile de désigner celle ou celles des nouvelles que je préfère. En fait, à l’exception de « Mitkey », je les ai toutes aimées et il ne me reste qu’à souhaiter que les lecteurs de cette chronique partagent mon opinion.

    Événement au « Rayon Fantastique » (Gallimard) : un roman français, « Ceux de nulle part » de Francis Carsac. Disons tout de suite que l’ouvrage soutient la comparaison avec les meilleurs d’A. S. américains et britanniques et dépasse même bon nombre d’entre eux. C’est le récit d’une guerre intergalactique, intelligemment conçu, avec une base profondément philosophique : la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Pas de politique, pas d’agent de la 1.005e colonne – oui, tout ceci est bien frais et bien plaisant. Et très d’actualité aussi. (Le roman débute par l’arrivée d’une soucoupe volante et se termine sur un sujet qui a intrigué nos ancêtres autant que nos contemporains – les disparitions d’hommes et de femmes qu’on ne retrouve jamais – thème cher aux auteurs de S.-F.) Les mondes « extérieurs » sont décrits avec beaucoup d’imagination, mais de façon fort logique. Bref, un excellent roman que je vous recommande chaleureusement.

    « Fuite dans l’inconnu », de Jean-Gaston Vandel (Fleuve Noir), n’a pas le fignolage, le fini de « Ceux de nulle part », mais il est bon et me semble promis à une fructueuse carrière. L’humanité se meurt d’un mal mystérieux, la cilicose. Un jeune savant, Dox Gavnor, émet alors une théorie révolutionnaire : comme de vulgaires ptérodactyles ou brontosaures, les hommes sont destinés à disparaître du fait d’une évolution normale. Un seul moyen de sauver la race : créer des êtres « concentrés ». Non sans difficulté, il parvient à implanter cette idée, mais l’expérience dépasse ses prévisions les plus optimistes et voilà les humains aux prises avec les « synthétiques » qui prétendent prendre possession du globe. Comme dans un roman policier, la fin ne se raconte pas – ce serait gâcher votre plaisir, car vous en aurez sûrement, du plaisir, à lire cette variante de l’histoire de « l’Apprenti Sorcier ».

    « Îles de l’espace » (Islands in the sky) – chez le même éditeur, s’adresserait plutôt à des adolescents ou à des J3 s’il n’était signé d’Arthur C. Clarke, un des « as » de S.-F. américaine. C’est le récit d’un garçon de seize ans qui, lauréat d’un concours publicitaire, se voit offrir comme récompense un séjour dans une station-relais de l’espace, à 800 kilomètres de la Terre. Il n’y restera pas, bien sûr, et d’autres aventures le mèneront plus haut, beaucoup plus haut. L’intérêt majeur de ce roman réside, à mon avis, dans son aspect documentaire. Ingénieur spécialisé dans l’étude de l’astronautique, Clarke, espèce d’Ananoff américain, est en effet l’auteur d’un remarquable ouvrage technique : « Exploration of space ». Et, dans « Îles de l’espace », il nous décrit la vie d’une station-relais, telle qu’elle le sera vraisemblablement une fois que l’homme aura réussi à créer ces « îles flottantes ». Il n’y a pas de fantaisie là-dedans, mais l’humour n’en est pas absent (exemples : l’expédition cinématographique ou la rencontre avec des Terro-Martiens). En outre, voilà un volume que feraient bien d’étudier tous ceux qui veulent écrire de l’A. S., voire ceux qui en écrivent déjà. Sa lecture leur permettra d’éviter bien des erreurs.

    « L’Invention de Morel », d’Adolfo Bioy Casares (Robert Laffont), se classe dans une catégorie à part. Ce n’est à proprement parler ni une œuvre de S.-F. ni un roman fantastique, et mériterait de porter en sous-titre le mot « cauchemar à quatre dimensions ». C’est l’histoire d’un condamné qui parvient à se réfugier dans une île déserte où l’on risque de contracter une espèce de peste. Seulement, déserte, l’est-elle vraiment cette île ? Il y trouve des gens, mais ceux-ci ne semblent ni le voir ni l’entendre. Peu à peu, il percera leur secret ; trop tard, hélas !… En réalité, le résumé succinct ci-dessus ne peut aucunement vous donner une idée même approximative de ce récit dû à un des plus grands auteurs argentins de notre génération, ami et collaborateur de Jorge Luis Borges, dont je vous ai souvent parlé ici même.

    L’action passe du réel à l’irréel avec une aisance qu’on pourrait presque qualifier d’inquiétante. On en vient à se demander si le héros du drame n’est pas fou. Il ne l’est pas, pourtant, puisqu’il raisonne, puisqu’il cherche aux phénomènes dont il est le témoin, et qu’il ne comprend pas, des explications logiques, tel un homme qui, se réveillant au milieu de la nuit, se demande s’il a rêvé ou non. C’est également un roman d’amour (mais d’Amour avec un grand A), dont l’objet, lui aussi, est tout à tour réel et irréel. Tout cela nous vaut une œuvre curieuse, pleine de symboles, pas toujours facile à lire, mais hautement intéressante, dans une très belle traduction d’Armand Pierhal.

Igor B. MASLOWSKI
Première parution : 1/5/1954 dans Fiction 6
Mise en ligne le : 27/2/2025

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions, Super-luxe (1978)

 
[ critique commune de plusieurs romans publiés au Editions Fleuve Noir
note nooSFere]


     POUR UNE POIGNEE DE SUPER LUXES

     La halte du destin par D.H. KELLER
     Glace sanglante par Kurt STEINER
     (Coll. Horizons de l'au-delà)
     L'ordre vert par Jimmy GUIEU
     La planète introuvable par B.R. BRUSS
     Le cri des Durups par B.R. BRUSS
     Vingt pas dans l'inconnu par RICHARD-BESSIERE
     Les chevaliers de l'espace par J.G. VANDEL
     Fuite dans l'inconnu par J.G. VANDEL
     (Coll. Lendemains Retrouvés)


     Tout ça en Superluxe, du numéro 47 au numéro 56, soit 10 titres parus de mars à septembre 78 1. Deux constations pour débuter : Primo, plus un seul titre inédit, uniquement des rééditions puisées dans le stock quasi-inépuisable des collections Anticipation et Angoisse. Secondo, le score est sans appel, Les Lendemains retrouvés battent Les Horizons de l'au-delà par 8 à 2.
     Le D.H. Keller de la Halte du destin n'a rien à voir avec celui de La guerre du lierre, auteur américain des années trente dont la nouvelle précitée est au sommaire des Meilleurs récits d'Amazing Stories 1926/32 (J'ai Lu). Non, celui-là est bien français puisque ce n'est autre que François Richard, directeur depuis 1951 de la série Anticipation au Fleuve Noir et élément du binôme Richard-Bessière. Ecrit en 1961, La halte du destin est un honnête produit de série sur le thème de la manipulation psychique à distance. Avec Glace sanglante de l'ami Steiner (une dramatique histoire de trésor dans les brumes de la lande bretonne) il donne une bonne image de ce que fut la regrettée collection Angoisse.
     Passons rapidement sur L'ordre vert de Jimmy Guieu, sinistre roman dans lequel l'auteur lâche ses Templiers, Gilles Novak en tête, contre les vils Hongs à la solde de Pékin. Péril jaune pas mort ! Ecrit en 1955, Vingt pas dans l'inconnu c'est un peu, la puérilité et le pesant didactisme en moins, Les Conquérants de l'Univers quittant le système solaire pour explorer l'infiniment petit. Richard Bessiére reprend le principe de base de The girl in the Golden Atom de Ray Cummings (paru en 1919 dans ALL-Story weekly) et fait voyager ses héros, non dans une pièce de monnaie comme Brick Bradford (BD de William Ritt et Clarence Gray), mais dans le canon d'un revolver. Se laisse lire, sans plus.

     C'est toujours avec plaisir que l'on retrouve dans la collection Lendemains Retrouvés la signature de Jean-Gaston Vandel, l'humaniste du Fleuve Noir des années 50. Ainsi le pacifisme des Chevaliers de l'Espace, même s'il n'est pas exempt d'une certaine mièvrerie, fait plaisir à lire. Quant à Fuite dans l'inconnu il traite avec générosité du thème classique des mutants, dans la grande lignée des Slans vanvogtiens. Vingt-quatre ans séparent ce livre du Crépuscule des Surhommes de Guy Charmasson, paru récemment chez Marabout et abordant lui aussi le même thème ; et pourtant si ce n'étaient les copyrights, on pourrait croire les livres contemporains, ce qui est tout à la gloire de Vandel 2.
     La planète introuvable et Le cri des Durups de Bruss sont deux romans bâtis rigoureusement suivant le même schéma. Deux races d'humanoïdes s'allient pour résister à une troisième, non humanoïde et tournée vers la destruction systématique. Cette lutte de l'humain contre le non-humain vecteur de mort, tel est aussi le thème du premier roman de Francis Carsac paru au rayon Fantastique Ceux de Nulle part. Les Hortolars et les Durups brussiens sont en effet les frères des Misliks éteigneurs de soleil, créés par Francis Carsac, c'est-à-dire l'image de l'Autre, de l'Ennemi, contre lequel tout humain croit devoir se liguer. Un thème trop connu et aux connotations peu sympathiques que l'on regrette de trouver sous la plume de Bruss, d'habitude plus inspiré (Signalons malgré tout la première partie très originale de La Planète introuvable : Visitée plusieurs fois par des expéditions scientifiques, la planète Brull, nouvellement découverte, offre à chaque fois aux astronautes ébahis un aspect tout à fait différent, tant sur le plan géographique, géologique, climatique que sur celui des civilisations qui y vivent !).
     C'est tout pour aujourd'hui. Prochain Check-up dans quelques mois ; bien sûr, l'article sera intitulé « Et pour quelques super luxes de plus » !


Notes :

1. Rassurez-vous, chers lecteurs, je sais encore compter jusqu'à dix ! Car il faut inclure dans cette liste L'Orphelin de Perdide de Stefan Wul et La Vermine du Lion de Francis Carsac qui ont fait l'objet de critiques séparées (Fiction 293 pour le Wul et, en principe, le numéro que vous avez dans les mains pour le Carsac).
2. ... Mais peu flatteur pour Charmasson qui, reprenant un thème ultra-classique ne se préoccupe en aucune façon de le renouveler (Si ce n'est par l'actualisation des connaissances scientifiques). Une regrettable banalité d'inspiration pour un premier roman plutôt décevant. Attendons le second !

Denis GUIOT
Première parution : 1/12/1978
dans Fiction 296
Mise en ligne le : 11/4/2010

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Dans la nooSFere : 87251 livres, 112067 photos de couvertures, 83685 quatrièmes.
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