Lee Correy est le pseudonyme de G. Harry Stine, un ingénieur qui travailla à la station expérimentale de White Sands, puis avec une compagnie de Denver, se spécialisant elle aussi dans les recherches sur les fusées. En date du 4 octobre 1957, le premier Spoutnik fit sa spectaculaire apparition ; le lendemain, G. Harry Stine déclarait : « Nous avons tout le temps sous-estimé les Russes. Nous avons perdu cinq années, de 1945 à 1950, parce que personne ne voulait écouter ce que disaient les spécialistes en matière de fusées. Il nous faut rattraper rapidement ces cinq années, sinon nous sommes morts. » Au cours de cette même journée du 5 octobre 1957, G. Harry Stine fut promptement licencié par ses employeurs, qui se refusèrent à donner leurs raisons. Dans un article remarquablement lucide (1), G. Harry Stine expliquait en détail son point de vue.
Tout cela montre l'auteur sous un jour assurément sympathique ; cela explique également les faiblesses de ce roman. Ce dernier raconte les efforts d'un groupe d'amateurs enthousiastes, qui font l'acquisition d'une vieille fusée (l'action se déroule dans un avenir modérément éloigné, dans lequel des relations commerciales régulières existent entre la Terre et ses colonies des mondes voisins) et qui, ayant remis l'engin en état, parviennent à l'amener jusqu'à la Lune. Le succès technique se double d'une victoire administrative : l'Office du Commerce Spatial, qui possède une sorte de monopole de fait sur toute navigation interplanétaire, cherche évidemment à arrêter cette tentative.
On sent que Lee Correy éprouve de la sympathie pour ses personnages, et qu'il a dû faire face, au cours de sa carrière, à des difficultés semblables aux leurs. Cependant, il ne parvient pas à s'assurer l'intérêt véritable du lecteur : le récit est fait de manière assez languissante et, avec leur passion commune pour les fusées, ses personnages sont à peu près tous semblables. Ils manquent par trop de caractère, et il est difficile, dans ces conditions, de sympathiser véritablement avec eux. En revanche, les détails d'ordre technique qui se rencontrent au cours du roman possèdent de la vraisemblance, mais ils ne parviennent pas à créer un décor effectif.
« Fusée de contrebande » mérite d'être considéré comme une sorte de documentaire romancé plutôt que comme un véritable roman – et le terme de documentaire peut s'appliquer aux points scientifiques du récit aussi bien qu'à la personnalité de l'auteur.
(1) La traduction de cet article a paru clans le n° 51 de « Fiction » sous le titre de « Pourquoi nous avons perdu la course au satellite ».
Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/1/1961 dans Fiction 86
Mise en ligne le : 29/1/2025