Jeune et brillante hématologiste américaine, Kate Neuman débarque à Bucarest afin de se consacrer aux orphelins atteints du sida. Là, elle découvre l'étrange cas d'un bébé, Joshua, qui, à chaque transfusion, développe pendant un court laps de temps une formidable résistance à la maladie...
Kate ne se doute pas encore que le cas de Joshua l'amènera à s'aventurer dans les mystères d'un pays encore marqué par les légendes de vampires, et le souvenir du terrible Vlad Tepes, dont la férocité sanguinaire n'eut d'égale que celle du dictateur Ceaucescu, fusillé peu de temps plus tôt...
Une fois de plus, Dan Simmons réussit l'impossible... Cet auteur fait se rejoindre le fantastique, le thriller et la science-fiction en une odyssée haletante et sanglante. A lire absolument avec une bonne dose de sang-froid.
Alain Gousset, Lire
Simmons nous entraîne une fois de plus dans une histoire d'une belle imagination et d'une efficacité rare, qui relie le mythe à la science d'aujoud'hui.
Les ruines du régime de Ceausescu fument encore lorsque s’ouvre Les Fils des ténèbres, au soir du 29 décembre 1989. Celui qui se faisait appeler le « Conducator » a été fusillé en compagnie de son épouse quatre jours auparavant. Et la Roumanie que découvre alors un groupe d’Américains appartenant à un certain « Contingent international d’évaluation » porte encore les effrayants stigmates de décennies de totalitarisme communiste. Le père O’Rourke et le businessman Vernor Deacon Trent parcourent ainsi des villes sinistrées, où les ravages de la pauvreté se combinent à ceux de la pollution industrielle. D’une plume dont la richesse documentaire n’ôte rien à sa capacité évocatrice, Dan Simmons colore alors peu à peu son portrait de la Roumanie de teintes infernales qui se font atrocement franches lors de la visite par O’Rourke et ses compagnons d’un orphelinat, objet d’une séquence achevant de transformer le prétendu paradis rouge en enfer sur terre. Le prêtre en a pourtant vu d’autres comme l’on dit. Vétéran de la Guerre du Viêtnam, il a été initié à l’horreur dès l’enfance, ainsi que Dan Simmons le raconte dans Nuit d’été. Et c’est pourtant d’un regard atterré qu’il découvre le spectacle concentrationnaire de ces enfants oubliés de tous, réduits à la survie. À moins qu’ils n’agonisent, frappés par le sida.
C’est cette même épouvante qui saisit Kate Neuman lorsqu’elle est confrontée, quelques mois plus tard, au sort des orphelins roumains. Venue elle aussi des USA dans le cadre d’une mission humanitaire, cette brillante hématologue s’attache au sort d’un nouveau-né. Le garçonnet est la proie d’une étrange maladie sanguine, déjouant aussi bien les tentatives de diagnostic que de thérapie entreprises par les médecins de Bucarest. Face au mélange d’incurie et d’indifférence de ses collègues roumains, Kate décide d’adopter celui qu’elle nomme désormais Joshua, pour aller le soigner aux États-Unis.
Aidée dans ses démarches par O’Rourke dont elle fait alors la connaissance, Kate parvient à emmener Joshua en Amérique. Après l’infernale Roumanie, celle-là s’impose comme une manière d’éden scientifico-médical, que Dan Simmons dépeint avec une profusion de détails techniques rendant alors la lecture des Fils desténèbres tout sauf passionnante… Mais au terme de ces (trop) longues considérations hématologiques, l’identification du mal frappant Joshua relance le rythme d’un récit qui ramène bientôt Kate et O’Rourke dans une Roumanie plus que jamais cauchemardesque. Montant inexorablement en puissance, la tension narrative culmine lors d’un final explosif dont l’intensité n’est pas sans rappeler celle, cinématographique, de la série des Die Hard…
Les Fils des ténèbres procurera donc son plaisant lot de sensations fortes aux lecteurs et lectrices ayant eu la patience de dépasser d’interminables tunnels documentaires… À condition qu’entre temps, le versant idéologique du roman ne les ait pas découragés. Ouvertement américano-centrée, manichéenne jusqu’à la caricature, cette relecture de Dracula met en scène des fils et filles de l’Oncle Sam aussi valeureux et vertueux que les Roumains sont lâches (pour les moins néfastes d’entre eux) ou (fiction vampirique oblige) monstrueux. Paru presque vingt ans avant le très « neocon » Flashback, Les Fils des ténèbres participe déjà d’une même géopolitique chère à la droite étasunienne la plus radicale. On y verra la preuve que l’engagement de Dan Simmons en faveur de celle-ci au début des années 2010 ne fut en aucune manière une surprise…
Pierre CHARREL Première parution : 1/1/2021 Bifrost 101 Mise en ligne le : 21/8/2024