OPTA
(Paris, France), coll. Club du livre d'anticipation n° 72 Dépôt légal : 1er trimestre 1980, Achevé d'imprimer : 19 février 1980 Première édition Roman, 400 pages, catégorie / prix : nd ISBN : 2-7201-0117-6 Format : 13,5 x 20,3 cm Genre : Science-Fiction
Tirage limité à 3000 exemplaires numérotés de 1 à 3000 et à 50 exemplaires hors-commerce de collaborateurs marqués H.C.
Quatrième de couverture
Depuis quatre mille années, Doro le Nubien, produit de mutations multiples et étranges, s'efforce de fonder sur Terre une nouvelle race d'hommes. A cette fin, il fait croiser les êtres des divers continents. Il crée des familles, il est père, souvent incestueux, d'une quantité d'êtres qui tous participent de lui. Mary, sa propre fille, dont il est aussi l'amant, est douée d'une puissance étonnante, celle de créer un filet, un MOTIF télépathique qui régénère et guérit les victimes abandonnées du système d'élevage de Doro. Cette puissance entrera bientôt en conflit avec les instincts et les appétits de Doro d'où naîtra un Combat à mort.
1 - (non mentionné), Biographie, pages 5 à 11, biographie
Critiques
Etre mystérieux aux pouvoirs fantastiques né il y a quatre mille ans, Doro le Nubien essaie, par le biais de manipulations génétiques tentées sur le cheptel humain, de créer une race particulière autour de lui-même, un « peuple » façonné à son image, dont il serait à la fois le Maître redouté et le Fondateur vénéré. Au fil des siècles et de mutation en mutation, l'insensé programme de reproduction du Nubien — digne du Bene Gesserit herbertien — prend corps. Propre fille de Doro, Mary Larkin porte tous les espoirs de son père : telle une araignée mentale, Mary la télépathe est en effet capable de piéger dans sa toile n'importe quel psychisme passant à sa portée.
Ainsi se fonde, dans un obsédant climat de violence et d'inceste une étrange Famille dont le lien vénéneux est le Motif, inlassablement tissé par la vampinque Mary. Mais par son charisme, cette dernière arrive à sublimer les rapports de possession/dépendance établis entre elle et les Motivés. La Famille — qui s étend de jour en jour — échappe au contrôle de Doro. Dès lors, l'affrontement œdipien entre Mary et le Nubien est inévitable Plus qu à une banale lutte pour le pouvoir, c'est à un rituel de dévoration que le lecteur est convié : « Elle le consommait lentement buvant sa terreur et sa vie, prolongeant son propre plaisir et riant à travers les hurlements silencieux qu il poussait. » Le Père sacrifié et absorbé, c'est une nouvelle existence qui attend la horde primitive : « Maintenant nous étions libres de reprendre notre croissance... nous ses. Enfants ».
Ainsi s'achève, sur cette phrase de Mary, l'histoire de la Naissance de la Famille. Très inquiétante, d'ailleurs, cette Famille basée sur la notion d'esclavage mental « librement » consenti et sur la distinction entre les Motivés (télépathes, psychokinésiques, mutants aux pouvoirs psi) et les autres, les muets. N'y a-t-il pas quelques lambeaux du sinistre rêve hitlérien dans l'avènement de cette race supérieure ? Redoutable humanité qui peut asseoir sa jeune existence sur le meurtre du Père sans en éprouver de culpabilité. Totem sans Tabou ? A moins que la destinée de la noire Mary ne soit que le symbole de la juste revanche tant attendue par toutes les femmes noires américaines, dont Octavia Butler est la seule représentante en science-fiction ?...
Née en 1947 à Pasadena, marquée par une enfance très difficile Octavia écrit de la science-fiction depuis l'âge de douze ans. Sur les conseils d'Harlan Ellison, elle s'inscrit au fameux Clarion. Une de ses nouvelles est retenue pour The last dangerous visions, et en 1976 elle publie son premier roman, Patternmaster 1, qui est en fait la suite lointaine du Motif, deuxième roman de l'auteur paru en 1977.
Malgré quelques longueurs et une idéologie plus qu'ambiguë Le Motif est un intéressant roman qui réussit à renouveler, par ses connotations freudiennes, le thème pourtant classique des mutants. Cependant Octavia Butler n'a pas de chance avec le public français. Apres un premier roman passé totalement inaperçu au sein d'une collection de poche délaissée — à tort ! — par les fans, elle a le redoutable honneur d'être accueillie par le C.L.A. Or le prix du volume risque de décourager bon nombre d'amateurs 2.
Notes :
1. Emile Opta, perdu dans ses fiches, affirme dans la préface que ce titre n'a pas encore été traduit en France. Or, il s'agit du Maître du Réseau, paru en 1977 dans la collection « Futurama » (Presses de la Cité). 2. Sans parler de l'illustration de garde signée Cayrel, puérile et sans rapport aucun avec le texte. Quant à la traduction, elle pourrait nous éviter des phrases comme « Mais, il n'y avait pas à se méprendre à l'émotion qui soulignait les paroles de la jeune fille » (p. 318). Par respect pour le lecteur, à ce prix-là, tout devrait être parfait.