Alain le Bussy vient de passer le cap de la cinquantaine, dont tout juste trente ans à écrire des nouvelles et romans relevant pour la plupart du fantastique et de la science-fiction.

Publié depuis 1992 au Fleuve Noir, il a abordé tous les genres, du space opera à l'heroïc fantasy et s'essaye ici à une forme de science-fiction proche du roman d'horreur.

 

     C'était vraiment un beau petit nexus. En d'autres temps, en d'autres lieux, on aurait presque pu dire que Ktyk était tout ému de le contempler. Mais Ktyk ressentait peu d'émotions et elles étaient liées à la satisfaction de ses besoins de base. Il y avait la faim. Et le contraire de la faim. La satisfaction d'avoir pu se nourrir...

     Notre Alain le Bussy national est un malin. Entendez par là qu'il sait s'y prendre pour vendre, sous des dehors science-fictionnesques, un roman fantastique dans le sens le plus classique du terme, où hystérie collective, mystère, aventure et réflexion sur la vie se mêlent dans une intrigue au rythme endiablé. En fait de science-fiction au sens pur du terme (et encore, le vocable « pure science-fiction » n'est-il pas tout simplement un non-sens ?...), nous avons uniquement affaire à des petits interludes, chapitres courts, qui nous laissent imaginer que le destin des héros de l'histoire principale est lié à celui d'une entité (le fameux Nexus) dont l'omnipotence et l'appétit de tout dévorer sur son passage est peu à peu mis en doute. En réalité, les dates d'écriture et de révision de ce manuscrit que nous livre le Bussy en fin de volume, nous portent à croire que Nexus de feu était d'abord la « simple » histoire d'un jeune garçon maudit, qui déclenche des vagues de violence partout où il passe et que le roman est devenu, par la force des choses et sous l'impulsion d'impératif éditoriaux, une variation sur le thème de l'humain dominé par une intelligence extraterrestre. Si je me trompe, qu'Alain le Bussy m'envoie une petite bafouille à la rédaction de Phénix, le rédac' chef fera suivre...

     La qualité de Nexus de feu ne se trouve pas dans l'histoire racontée (elle est assez classique dans le répertoire du fantastique), mais dans l'urgence et la puissance avec lesquelles le Bussy traite le sujet. On sent passer le souffle de l'Apocalypse en tournant les pages, on réfléchit sur notre fin de siècle et on s'interroge sur la versatilité et l'étrange fascination de la foule pour tout ce qui sort de l'ordinaire... tout en étant véhiculé par des rites inchangés.

     Un très bon roman donc, que l'habillage SF ne sert pas vraiment.