Dans un monde barbare où règnent esclavage, tortures, viols, combats et violences en tous genres, un homme est conduit par l'espoir. Depuis une dizaine d'années, Nashguen rêve du Niwaâd, cet objet mythique doté du pouvoir d'abattre le grand mur séparant les hommes des dieux. Mais sa quête est fort dangereuse, car il n'existe dans ce monde qu'un seul crime intolérable dans ce monde, passible des tourments les plus cruels : le blasphème. Or, chercher à atteindre les dieux, voilà qui n'est pas pour plaire au clergé qui règne en maître incontestable sur la populace. Pourtant, le rêve de Nashguen le mènera bien loin, par delà le mur de l'infamie...
Après quelques navets, le Fleuve Noir publie enfin un grand roman. Mieux encore : on nous en offre deux pour le prix d'un, tant il existe de différences entre les deux grandes sections de ce livre. Autant la première partie — une sombre épopée d'heroic-fantasy — s'avère minutieusement structurée, autant la seconde est chaotique et plus proche d'un récit de science-fiction classique avec des touches de cyberpunk. Tout est dans la finesse des mots.
Dans la première moitié du roman, chaque chapitre commence par la présentation développée d'un personnage spécifique – sa personnalité et son histoire ajoutant à la richesse et à la crédibilité d'un univers de plus en plus cohérent. Mais l'on se rend compte bien vite que la plupart de ces personnages ne sont que secondaires et disparaissent plus ou moins rapidement. Une structure quelque peu déconcertante, mais néanmoins fascinante, puisque de fait on ne trouve pas ici de héros dans le sens traditionnel du terme. Pourtant, au fil des pages, on s'aperçoit qu'un seul personnage apparaît dans chaque chapitre, le plus mystérieux de tous — dont l'histoire nous sera révélée par bribes.
La noirceur du récit rappelle souvent Brussolo. Le style poétique de l'auteur évoque un peu Stefan Wul. Ce livre, à la fois beau et violent, se situe quelque part à mi-chemin entre les deux.
Mais la noirceur où se complait Brussolo sert ici à lancer un cri d'avertissement à notre société tout en délivrant un message de paix et d'espoir. Car ce récit, c'est aussi une vision possible de notre avenir et de ce que pourrait devenir le monde après l'Apocalypse. Un univers effrayant de vraisemblance lorsque, arrivé à la fin de ce surprenant roman, le lecteur — en même temps que le personnage — a la révélation brutale de tout l'historique du monde de Nashguen.
Si Le Niwaâd est un si bon roman, c'est parce qu'il possède le pouvoir des plus grands, celui de véhiculer des messages primordiaux et de nous faire réfléchir sur leurs implications profondes. Certains des thèmes abordés sont évidents — telles la violence et la religion — d'autres, comme le racisme, sont moins apparents. Notons toutefois que si la religion est omniprésente à travers le clergé et cette quête divine du Niwaâd, elle l'est également à d'autres niveaux, plus discrets, cachés entre les lignes.
Jean-Christophe Chaumette vient de réaliser un coup de maître. Espérons que son message sera entendu... et qu'il publiera bien d'autres chefs-d'œuvre.
Alexandre Stéphane GARCIA (lui écrire) (site web)
Première parution : 15/12/2001 nooSFere