Helliconia, planète de type terrestre, tourne autour de deux soleils, Batalix et Freyr. Elle accompagne Batalix, naine rouge, autour de Freyr, une étoile géante, en mille huit cent vingt-cinq petites années de Batalix. Parce que cette grande orbite est très elliptique, Helliconia connaît un terrible hiver de plus de cinq cents ans et un été torride de même durée.
Après Le Printemps d'Helliconia, voici venir l'été. Tandis que la température monte, les peuples sont agités par des prophéties selon lesquelles Helliconia finira dans le feu. JandolAnganol, roi mystique et paillard, rusé et indécis, de Borlien, y perdra son trône et sa reine en moins d'une petite année de Batalix.
Voici le deuxième volume de la trilogie d'Helliconia, le chef-d'œuvre de Brian Aldiss, l'un des principaux écrivains britanniques contemporains. Helliconia est une œuvre unique où l'histoire, les transformations de l'environnement, l'écologie et les lois de l'évolution s'enchevêtrent en une trame qui échappe à tout précédent terrestre. C'est un livre-univers comparable au célèbre Dune de Frank Herbert.
J'avais salué la parution du Printemps d'Helliconia, ici-même (FICT1ON n° 354), d'une longue critique qui tentait d'appréhender les multiples facettes de l'œuvre sans, si possible, la réduire à l'une ou l'autre de ses composantes. Aujourd'hui, au sortir de Helliconia, l'été, on peut avoir l'impression que Brian Aldiss a posé pour lui-même ce choix dangereux : privilégier une lecture, une anecdote, un aspect du monde, aux dépens du système global qu'il avait créé. Le présent roman tourne autour d'une seule intrigue et la mène tambour battant — même si, on ne se refait pas, Aldiss n'a pas pu écrire son livre linéairement : il est fait d'un tissu serré de différents plans temporels et l'action n'avance pas nécessairement du passé vers le futur ! Et puis, à bien y réfléchir, ce n'est pas aussi simple. Peut-être faut-il à nouveau percevoir la forme du récit comme métaphore de l'état du système mis en place. C'est l'Eté de Freyr : Helliconia brûle et ses habitants s'enterrent dans les régions torrides. Une économie de la glace polaire s'est mise en place. Dans le même temps, les passions (sentimentales, sensuelles et politiques confondues) s'animent d'un feu qui ne rend rien à celui de l'étoile géante. Les peuples s'agitent, oppressés, et le resserrement de l'action autour d'un homme, sur une petite année, vise semble-t-il à rendre grouillement et turbulence d'Helliconia directement perceptible au lecteur. Au-delà demeure l'immensité d'un monde et la démesure d'une création. Jandol Anganol, roi de Borlien, est le jouet d'événements et de projets qui le dépassent : il est une clé de l'évolution de son univers et à ce titre sa situation de personnage central se justifie. Il croit courir essentiellement après une union dynastique pour renforcer son royaume. Mais pour lui comme pour le lecteur, des pans entiers de l'histoire et du fonctionnement de l'évolution sur Helliconia demeureront dans l'ombre. On se prend à regretter le déploiement épique du premier volume, quoi qu'il eût été malaisé de reproduire ici des schémas qui dépendaient directement des soubresauts de (re)naissance d'une civilisation dans le Printemps d'Helliconia. Pourtant déjà alors, l'histoire de toute une civilisation n'existait qu'au travers d'individus. Déjà alors, il s'agissait d'un récit sur le Pouvoir et de l'aliénation qui en découle chez son possesseur.
Comme toujours chez Aldiss, comme déjà alors, la compréhension des choses, des êtres, finalement les intuitions de Sartori Irvrash sur l'évolution des espèces, proviennent d'une réflexion sur le langage et la communication. Dans le premier volume Aoz Roon, à parler phagor pensait phagor. Ici, des balbutiements linguistiques lèvent pour l'humanité d'Helliconia un coin du voile sur ses origines en tant qu'espèce et ses vrais rapports avec les phagors.
Face à de telles réflexions, amenées au cœur d'une histoire bien enlevée, les appariés qui ramènent le lecteur sur la station d'observation Avernus ou sur la Terre semblent quasi superflus. Aldiss tire là trop fort sur le parallèle qu'il désire esquisser entre la dualité helliconienne et l'évolution de la civilisation terrestre. Ce sera ma seule réserve. Certes, il y a la course à la mort de Billy Xiao Pin, qui préfère mourir sur Helliconia que vivre sans goût sur l'Avernus. Aldiss veut-il nous dire qu'on en est là et que la société terrestre actuelle aurait bien besoin d'un Helliconia à observer ? Pour moi, malgré un darwinisme social un peu simpliste, l'important gît là où révolution vient au jour — marquant la relativité des êtres (l'humanité comme accident temporaire, p. 278). Sartori Irvrash mourra comme blasphémateur, tué par les superstitions religieuses. Mais Aldiss a agité son petit monde et y a semé le germe de la curiosité envers la structure des êtres et des choses. On attend le troisième tome, d'impatience, et à la clôture de la trilogie on en redemandera, certainement !