Le deuxième roman de Jan de Fast met à nouveau en scène le docteur Alan, déjà présent dans L’envoyé d’Alpha, et héros que son créateur se réserve sans doute de mettre sur la brèche de livre en livre. Agent spécial du Centre Démographique de l’Organisation des Planètes Unies, qui coordonne les activités de 97 planètes humaines, Alan est à la fois savant et homme d’action. Cette fois, il a à résoudre le mystère de la mort subite des 80 000 colons d’un monde nouvellement occupé, Skandia. Avec son aide, le jeune Axel, l’enquêteur débarque sur un continent jonché de cadavres qui ne se putréfient pas, car quelque chose a détruit tous les micro-organismes, faisant de Skandia une planète totalement abiotique, où l’écologie est perturbée en profondeur et où tout se meurt, faute des agents de synthèse microscopiques.
Ce beau début rappellera aux plus vénérables de nos lecteurs l’ouverture de la nouvelle Suicide, parue au sommaire du magnifique recueil de John W. Campbell, Le ciel est mort, jadis publié par « Présence du Futur ». Et en fait tout le roman de Jan de Fast, qui détaille une minutieuse enquête scientifique, rappelle la manière de Campbell, manière qui non seulement se retrouvait dans ses propres récits mais évoque la plus grande partie de la SF des années 40, avec l’influence d’Astounding, revue dont il fut le rédacteur en chef. Bien sûr, à la fin du roman de Jan de Fast, interviennent les classiques extraterrestres, qui expérimentaient là une nouvelle méthode (inefficace, nous respirons…) de « débarrasse-Terriens ». Mais, si cette fin déçoit, le roman reste passionnant à lire à cause de la rigueur du développement, bien consolidée par les connaissances scientifiques, apparemment vastes, de l’auteur, qui se révèle bien plus apte à travailler dans l’intrigue technologique que dans le flou de l’heroïc-fantasy. Ce qui veut dire que son second livre est nettement supérieur au premier.
Bien sûr, il pourra sembler curieux de célébrer ici (mais modestement) un roman dont la principale qualité est de nous rappeler la SF de l’an 40. Mais c’est que le Fleuve Noir ne s’est pas encore mis à la new thing sauce française, et qu’en attendant il vaut mieux lire dans la série « Anticipation » une bonne copie d’ancien que cette informe bouillie qu’on y trouve encore, étiquetée par exemple Limat ou Caroff.
Denis PHILIPPE
Première parution : 1/10/1972 dans Fiction 226
Mise en ligne le : 1/3/2019