DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 363 Dépôt légal : mai 1983, Achevé d'imprimer : mai 1983 Première édition Recueil de nouvelles, 224 pages, catégorie / prix : 3 ISBN : 2-207-30363-2 Format : 10,8 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
Présenté sous la forme de quatre parties ("Les femmes", "Les machines", "Les enfants", "Les bêtes") contenant chacune deux nouvelles.
Quatrième de couverture
Cet homme est enformé avec dix femmes dans un bunker inexpugnable.
Celui-là est le Gardien d'une Terre désertée par ses habitants.
Cet enfant perdu n'a, pour l'élever, qu'une tribu de robots domestiques retournés à la sauvagerie.
Cette femme arpente désespérément une France vide, à la recherche d'un compagnon.
Cet autre homme a pour domicile Paris, un Paris livré aux animaux...
Cataclysme brutal ou fin du monde rampante, isolement volontaire ou plongée dans une expérience hors du commun, huit situations qui ont un dénominateur commun : la solitude.
Et huit personnages qui, à travers huit nouvelles sarcastiques ou tendres, poétiques ou dramatiques, drôles ou oniriques, ne peuvent avoir que cette certitude : il faudra bien se résoudre à mourir seul.
L'auteur,
Né en 1937 à Grenoble, Jean-Pierre Andrevon, outre ses activités littérairesdont (quinze volumes en "Présence du futur", autant chez d'autres éditeurs). est également critique (notanment dans Circus et Fiction),
peintre et graphiste, cinéaste et auteur-compositeur-interprète de chansons.
1 - Durer, c'est s'économiser, pages 9 à 41, nouvelle 2 - Alpha, pages 43 à 77, nouvelle 3 - Haute solitude, pages 81 à 113, nouvelle 4 - Un nouveau livre de la jungle des villes, pages 115 à 142, nouvelle 5 - Les Enfants ont toujours raison, pages 145 à 160, nouvelle 6 - La Tigresse de Malaisie, pages 161 à 186, nouvelle 7 - La Nuit des bêtes, pages 189 à 197, nouvelle 8 - Le Temps de la nuée grise, ou: Les aventures étranges du dernier homme dans Paris, pages 199 à 213, nouvelle
Critiques
Plus que jamais, on pourra parler avec ce recueil d'un Andrevon « conteur » plutôt que « nouvelliste ». Car ces récits ont les parfums, parfois suaves, parfois répugnants, souvent désespérés, des contes.
Quatre diptyques organisent le recueil : les femmes, les machines, les enfants, les bêtes. Mais le classement aurait pu être différent, et les huit nouvelles se répondent, se font écho, tissent un entrelacs de lectures possibles qui contribuent à unifier l'ouvrage.
Durer c'est s'économiser, qui ouvre le livre, est une farce, parfois un peu lourde, celle d'un homme qui s'est fait enterrer dans un abri anti-atomique avec dix femmes et leur fait croire (à chacune séparément) qu'il est seul survivant, qu'il travaille à les dégager, à décontaminer. Bien sûr, cela se paie. En nature. Alpha est une nouvelle superbe, où l'on retrouve l'empreinte (le parfum...) d'un Kafka, d'un Cortázar. La femme, ici, est plutôt un rêve/cauchemar inaccessible. On se croit dans un conte fantastique, mais non, c'est de la SF !
Mais j'ai encore préféré les six nouvelles suivantes. Qu'il récrive sur un ton sarcastique Le livre de la jungle avec un jeune enfant recueilli et élevé par les robots, qu'il décrive la solitude peuplée d'illusions du Gardien de la Terre, qu'il couche sur le papier un fantasme que nous avons tous eu — faire disparaître ceux que nous n'aimons pas, qui nous ennuient, nous écrasent — en le poussant à l'extrême dans une atmosphère résolument onirique, qu'il dissèque la douleur de la femme proche de la ménopause qui se cherche désespérément un compagnon pour avoir un enfant dans une France déserte, Andrevon émeut. La guerre a eu lieu, elle est passée, et les conséquences en sont pires que noires ; grises.
Mes récits préférés sont les deux derniers ; bien que je les ai déjà lus ailleurs, ils prennent dans ce contexte, dans cette progression, une nouvelle dimension.
La nuit des bêtes n'est pas vraiment de la science-fiction, mais c'est une splendide histoire où trois personnages à l'âge-clé (neuf, dix-huit et trente-six ans) qui se sont rencontrés par hasard ( ?) dans une ville désertée par suite d'une alerte atomique, décident de libérer les bêtes du zoo. Bien sûr, l'alerte n'était qu'une alerte, les citadins vont reparaître et, pour célébrer leur joie de vivre, se repaître de la mort organisée, systématique de ces animaux. N'empêche, durant une nuit, la ville a été autre, et la vie de ces trois compagnons comme « cristallisée » (au sens stendhalien). Le temps de la nuée grise m'a toujours paru un double mélancolique de l'utopie andrevonienne qu'était Le monde enfin (dans Utopies 75, Laffont, « Ailleurs et Demain »), et cette vision de Paris où le dernier homme se promène parmi les animaux redevenus, par-delà l'espace et le temps, maîtres incontestés de la ville, est plus qu'impressionnante : belle.
Le style est superbe : glauque, glacé ou chaleureux. Les nouvelles les plus réussies (mais aucune n'est moyenne) dégagent un irrésistible sentiment de tristesse et de fatalité. Peut-être Jean-Pierre Andrevon devra-t-il changer de manière et de thèmes pour se renouveler, peut-être lui sera-t-il difficile de faire mieux, après tous ses autres recueils ; mais en attendant, Il faudra bien se résoudre à mourir seul ressemble à ses précédents par un trait : l'excellence.