Gregory BENFORD Titre original : Against Infinity, 1983 Première parution : Amazing Science Fiction, mars et mai 1983. En volume : Timescape Books, avril 1983ISFDB Traduction de Monique LEBAILLY Illustration de Georges RAIMONDO
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 364 Dépôt légal : juin 1983 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 7 ISBN : 2-207-30364-0 Format : 11,0 x 18,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Un monstre hante les solitudes glacées de Ganymède, le satellite de Jupiter, que les hommes travaillent à terraformer. Être vivant ou artefact, cet Aleph qui tue et ravage, comme au hasard ? Sa traque devient une obsession pour Manuel, son élimination un rite nécessaire de passage à l'âge adulte. Mais qui sait la fonction exacte de l'Aleph dans l'écologie de cette planète étrangère et qui sait si l'on peut tourner le dos à l'adolescence sans tuer son père ?
Par l'auteur de Paysage du temps, un roman d'apprentissage et d'aventures qui est aussi une extrapolation des théories scientifiques les plus avancées.
L'auteur :
Né en 1941 en Alabama, Gregory Benford est professeur de physique à l'université d'Irvine.
Scientifique de réputation internationale, connu aussi pour ses articles sur la physique du plasma et l'astrophysique dans l'Encyclopaedia Britannica, sa notoriété se double maintenant de son succès d'écrivain, couronné par de nombreux prix littéraires, notamment le Nébula.
Critiques
Contre l'infini est tout d'abord un roman sur la terraformation et la colonisation de Ganymède, satellite jovien au relief tourmenté, un monde hostile où des rivières d'ammoniaque traversent d'immenses déserts de glace. Les colons vivent dans deux villes sous dôme et s'aident, pour les travaux d'extérieur, d'animaux génétiquement transformés. Mais Contre l'infini est aussi l'histoire, sur plusieurs années, de Manuel, un jeune garçon qui découvre la vie — et la mort — lors d'excursions destinées à détruire les animaux transformés devenus nuisibles après avoir muté. Ces excursions sont également l'occasion de donner la chasse à l'Aleph, un artefact mystérieux que l'on n'a jamais réussi à capturer et qui sème la mort et la destruction.
Si dans la deuxième partie l'action s'essouffle — quelques années plus tard, les choses ont changé sur Ganymède : Manuel est devenu adulte, le temps des pionniers touche à sa fin, et la Terre exerce plus étroitement son contrôle sur la colonie — c'est surtout l'occasion pour Benford pour nous livrer ses réflexions. Réflexions sur l'écologie : comment l'homme essaie de modifier un écosystème, et comment le contrôle des choses lui échappe. Réflexions politiques sur le socialisme, le capitalisme, l'importance comparée de l'individu et de la société. Réflexions sur l'humanité, enfin : un homme « transformé », « animalisé », est-il encore un homme ?
Ces deux parties, qui bien que contrastées s'enchaînent fort bien, font la richesse de Contre l'infini, à la fois roman de hard-science sur la colonisation du système solaire — les descriptions de Ganymède et de la vie des colons sont détaillées et brillantes — , roman initiatique d'un jeune colon, et roman de réflexion. Sans être incontournable ni constituer un des meilleurs romans de Benford, il reste toutefois d'une lecture très intéressante.
Philippe HEURTEL (site web) Critique déjà parue sur ce site Parution sur nooSFere : 1/1/1999 Dragon & Microchips 15 Mise en ligne le : 21/10/2003
Moins élaboré que Un paysage du temps. Contre l'infini n'en demeure pas moins une réussite en intégrant davantage les commentaires scientifiques au corps même du récit. La hard science, si elle donne au sujet de solides postulats comme base crédible, n'interfère pas avec le récit, aux préoccupations plus romanesques. La chasse au monstre qui fait des ravages sur Ganymède en cours de colonisation a pour Manuel, qui s'y consacre avec acharnement, la valence symbolique du meurtre du père ; comme dans les meilleurs westerns, le rêve de conquête (la terraformation de Ganymède) coïncide avec un idéal de la réalisation de soi-même.
On peut faire la fine bouche devant les lieux-communs du sujet et leur univocité, mais il n'en demeure pas moins que Benford a réussi avec Contre l'infini à réconcilier hard science et littérature. Et comment ne pas rester en extase devant les décors grandioses de Ganymède en pleine mutation écologique, habitée par des animaux génétiquement fabriqués, desquels se dégage une poésie d'une dimension romantique ?
Alors que les hordes « héroïco-conanesques » déferlent sur la SF, on aurait plutôt tendance à réserver un accueil favorable à un roman de science-fiction a priori adulte et « pensé » en tant qu'œuvre littéraire. Ne serait-ce que parce qu'il est signé Gregory Benford, que je tiens comme l'un des écrivains du moment les plus doués et les plus aptes à « imaginer » une fiction scientifique « réaliste » qui sache intégrer technologie et science et éléments psycho-sociologiques (lire le remarquable Un paysage du temps chez le même éditeur).
Hélas ! Hélas ! Aleph fois hélas ! Que sauver de cette aventure sur les étendues glacées de Ganymède, de cette chasse à l'Aleph, artefact mystérieux qui sème la mort sur son aléatoire trajectoire ? Que sauver de ce rite de passage à l'âge adulte (thème maintes fois illustré) que subit le jeune Manuel tout au long d'un roman construit en plusieurs blocs tout aussi aléatoires qui semblent s'ajouter les uns aux autres comme pour tenir la distance ? Que sauver de ces longues descriptions du paysage ganymédien qu'une traduction parfois maladroite heurte encore davantage ?
Peut-être les « seconds rôles » — les mange-roc, les jeannotlaps, les véloces et autres barons — ces curieux animaux-mutants qu'une technologie de pointe a adaptés aux conditions de la planète pour servir les hommes et recréer la faune domestique de la vieille Terre. Sans doute aussi — et on retrouve là un éclair du talent de Benford — cette « philosophie de l'infini » qui embrase un temps les dernières pages.
Ce n'est pas suffisant pour sauver un livre qui n'a pas su trouver la bonne longueur de son propos (impératif commercial ?) et que mon éditeur préféré aurait mieux fait de laisser aux oubliettes de la littérature de consommation. Ce Benford-là vaut un « Asimov trente ans après... ». Ni plus ni moins.