« Bien que publiant de la science-fiction depuis 1953, Robert F. Young est presque un inconnu dans notre pays où sa première nouvelle parut, pourtant, en 1956. Pourquoi une telle ignorance du public français ? Parce que Young est à peu près exclusivement un auteur de nouvelles et que c'est dans les revues et dans les anthologies collectives comme celle du ''Livre de Poche'' qu'il faut aller chercher ses textes, de sorte que seuls les lecteurs assidus de ''Galaxie'' et de ''Fiction'' savent quel grand écrivain il est. Cet Américain bien tranquille sait jouer de la satire comme de l'émotion, de la psychanalyse comme de la religion. Sa thématique cohérente et complexe emprunte à plusieurs registres dont certains ne sont pas sans rappeler l'œuvre d'un Paul Diel ou celle d'un Mark Twain, voire même d'un Lewis Carroll. On lui doit, entre mille autres choses, un des plus beaux textes jamais écrits sur le thème de l'échec (Milton le malchanceux, Fiction, n°287), ainsi qu'un certain nombre de réflexions aussi novatrices que déconcertantes sur le ''milieu divin''. »
Daniel Riche (Orbites, n° 2).
Au moment où les lignes ci-dessus étaient écrites, Le pays d'esprit, premier effort pour remédier à cette situation, paraissait dans cette même collection. Depuis, les deux romans de Young, Baleinier de la nuit et Le dernier Yggdrasil, ont constitué, grâce à Daniel Walther qui le dirige, le n°100 du CLA (Opta) et voici maintenant Le léviathan de l'espace, comprenant neuf nouvelles dont un long texte inédit : La fille qui arrêta le temps.
Né aux USA en 1915, Robert F. Young, après avoir combattu, durant la dernière guerre, dans le Pacifique Sud, les Philippines et le Japon, a travaillé dans une fonderie. En avril 1953, paraît son premier récit dans Startling Stories. Depuis, son nom est apparu au sommaire des principaux magazines américains de SF mais aussi dans le Saturday Evening Post et dans Playboy. Plusieurs anthologies ont en outre consacré son talent : The World of Robert Young (Simon & Shuster, 1965), A glass of stars (Harris-Wolfe & Co, préface de Fritz Leiber, 1968). Son premier roman fut traduit en France sous le titre La quête de la sainte Grille (Opta, 1975). Depuis, il a publié Starfinder (Pocket-Books, 1980), The last Yggdrasil (Del Rey Books, 1982) et, en France, ont paru Le pays d'esprit (NéO, même collection) et Baleinier de la nuit suivi de Le dernier Yggdrasil (CLA, n°100, Opta).
1 - Jean-Pierre FONTANA, Introduction, pages 5 à 6, introduction 2 - L'Arc de Jeanne (L'Arc De Jeanne, 1966), pages 7 à 36, nouvelle, trad. Michel DEMUTH 3 - Les Sables bleus de la Terre (Hopsoil, 1961), pages 37 à 44, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE 4 - Idylle dans un relais temporel du XIe siècle (Romance In An Eleventh-Century Recharging Station, 1965), pages 45 à 53, nouvelle, trad. Yves HERSANT 5 - Orage sur Sodome (Storm Over Sodom, 1961), pages 54 à 77, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE 6 - La Fille qui arrêta le temps (The Girl Who Made Time Stop, 1961), pages 78 à 93, nouvelle, trad. Jean-Raymond BROCARD 7 - Poète, prends ton luth... (Emily and the Bards Sublime, 1956), pages 94 à 105, nouvelle, trad. Evelyne GEORGES 8 - L'Origine des espèces (Origin of Species, 1965), pages 106 à 129, nouvelle, trad. Michel DEMUTH 9 - Rapport sur le comportement sexuel des habitants d'Arcturus 10 (Report on the Sexual Behavior on Arcturus X, 1957), pages 130 à 142, nouvelle, trad. Christine RENARD 10 - Le Léviathan de l'espace (Jonathan and the Space Whale, 1962), pages 143 à 178, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE 11 - (non mentionné), Bibliographie, pages 179 à 179, bibliographie
Critiques
Non, décidément, NéO n'est heureusement pas uniquement l'éditeur de Robert E. Howard l'imbuvable ! Outre l'attachement de la collection à Rider Haggard, les recueils de Daniel Walther, les rééditions de Jean Ray et/ou John Flanders, l'exhumation de vieille SF, l'enchantement des nouvelles de Gérard Klein ou la maîtrise époustouflante de Graham Masterton, voici pour la deuxième fois que Robert Franklin Young entre à son catalogue. Après Le pays d'esprit (n° 100, en 1982), Jean-Pierre Fontana nous offre avec Le Léviathan de l'espace une nouvelle fournée de ces nouvelles stylisées et envoûtantes dont l'américain avait le secret (et a toujours, espérons-le !).
On a tout dit sur Robert Young, et Jean-Pierre Andrevon l'a répété lors de sa critique des deux superbes romans qu'Opta a publié l'an dernier (Baleinier de la nuit et Le dernier Yggdrasill, CLA n° 100, critique dans FICTION n° 353). Son romantisme, sa nostalgie du passé, son écologisme avant l'heure, sa sentimentalité... Tout cela est bien de Robert Young, mais dans le même temps ces quelques étiquettes, comme toutes les étiquettes, cachent irrémédiablement l'écrivain au lecteur qui s'en contenterait. Car lire Young n'est pas réduire ses textes à quelques recettes faciles ou à quelques clichés définitifs. Certes, il est tout cela. Poète, prends ton luth pousse l'émotion à son comble, Idylle dans un relais temporel du Xle siècle revisite la Belle au Bois Dormant et Le lévlathan de l'espace (source, d'ailleurs, de Baleinier de la nuit) renoue avec le motif épique de l'homme minuscule confronté au géant, comme L'ascension de l'arbre ou La Géante. Young peut également être capable d'humour, et Les sables bleus de la Terre est une relecture délicieuse des Chroniques martiennes de ce Bradbury auquel on n'a cessé de le comparer alors qu'il vaut cent fois mieux.Il est à espérer qu'enfin le public s'en rende compte et lui rende l'hommage dû à un auteur majeur. L'édition française entreprend d'y contribuer(que NéO et Opta soient remerciés !), et Young réapparaît au sommaire de FICTION. Tant mieux, Jean-Pierre Fontana peut sans crainte mitonner un troisième recueil.
Que Young vaille mieux que les étiquettes dont on l'affuble sera évident au lecteur attentif. La nostalgie youngienne, qui a pu passer pour réactionnaire, semble aujourd'hui empreinte avant tout d'empathie envers les êtres et les choses. Ce sont les sentiments de Jonathan envers la baleine de l'espace. Son romantisme sentimental, agaçant dans L'origine des espèces où la femme est souillée dès qu'elle s'accepte en tant que corps, se voit transcendé dans Orage sur Sodome qui montre la victoire de la passion animale sur l'amour chaste. Rien n'est simple, et toujours la puce humaine tente de montrer à l'univers qu'elle existe, désir profond et éternel.