Le Voyageur de la Nuit tisse le récit singulier d'une histoire banale en Science-Fiction : la rencontre entre les hommes et une civilisation extra-terrestre.
La destinée de deux vaisseaux spatiaux, l'un pareil à un « disque niché dans une structure verruqueuse de bulles sans géométrie logique », l'autre étant ni plus ni moins qu'un tacot de l'espace (« les réservoirs étaient collés au petit bonheur sous le ventre et un écheveau de conduites dangereusement exposées menaient au moteur principal de récupération et aux directionnels incertains »), est tout à coup modifiée au-delà de toute mesure par leur brutale prise de contact. Les échanges entre la petite nef et la géante vont s'effectuer en respectant une logique étrangère tout à fait démente.
On ne peut guère imaginer space-opera moins touristique et plus extraterrestre que celui-là. Les signes qui désignent les étrangers, s'ils constituent l'aspect le plus visible de cette volonté de surprendre, n'en sont pas moins le plus superficiel.
Le Voyageur de la Nuit déconcerte par son écriture hachée et par ses descriptions d'événements discontinus. Les premières pages sont difficiles à assimiler. De façon plus générale, il est malaisé d'entrer en connivence avec ce livre bizarre dont le souffle et l'allant ne possèdent rien de commun avec, par exemple, Forteresse des Etoiles. Cherryh s'est ici dérobée au classicisme de ses précédentes œuvres telles que Port Eternité et Frères de la Terre, toutes deux parues aux éditions Opta.
Le roman fonctionne en circuit fermé et uniquement au second niveau. Sa lecture — son décryptage ? — demande réflexion, attention et quasiment concentration. Comme roman d'aventure et de délassement, Le Voyageur de la Nuit est nul. Il n'a pas été conçu dans cette optique. Il s'agit en fait d'un champ de recherche tout à fait original, portant sur la communication entre deux espèces très différentes. Cherryh a, semble-t-il, voulu décrire, ou du moins circonscrire l'altérité.
La tâche était ardue mais l'échec que l'on aurait pu redouter à juste titre ne s'est pas matérialisé.
Alors, une réussite ?
Sans doute. Cependant, ce livre ne se destine pas à ceux qui cherchent à se distraire à peu de frais. Il y a dépaysement, certes, mais nullement exotisme.
>< alias Trichanamarandu-Kapta, ne me contredira pas sur ce point !
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/1/1986 dans Fiction 370
Mise en ligne le : 5/3/2005