Circulant entre les planètes à des vitesses « supra-lumineuses », les hommes observent toujours, lors de la réintégration dans l'espace-temps ordinaire, une forme colossale et vague ressemblant à un 9 de pique. Un couple d'astronautes, fraîchement épris l'un de l'autre, est expédié aux limites de la Galaxie pour des essais de vol intergalactique. Obsédés par le problème du 9 de pique et aiguillés par certaines allusions ésotériques proférées par un Tibétain, ils finissent par conclure à une « conscience » de la galaxie, considérée comme un colossal être vivant. Cet être fabuleux existe-t-il vraiment ? Les explorateurs amoureux ne sont-ils pas les victimes de quelque magie ? Ou de quelque supercherie ? Le 9 de pique le leur dira...
Il s'agit d'un roman tout à fait remarquable et injustement oublié par les éditeurs de science-fiction.
John Amila a publié, sous ce nom, outre Le 9 de pique, plusieurs excellents romans parus dans la « Série Noire ». Mais il est aussi fort connu sous son véritable nom, Jean Meckert. Né en 1910, il a une longue carrière de romancier de talent derrière lui. Il a publié en effet de nombreux romans dans la collection blanche de Gallimard, en particulier Nous avons les mains rouges et Les coups. Il a aussi publié sous son nom et chez le même éditeur, en 1949, un curieux récit d'anticipation intitulé Journal de Marcel. La ville de plomb : 62 pages disséminées en 10 fragments dans son roman La ville de plomb. Il a été également le scénariste du célèbre film de Cayatte : « Nous sommes tous des assassins ». Il est, en outre, l'auteur de nombreux dialogues de films.
François Guérif, rédacteur en chef de la sympathique revue Polar, présente ainsi le roman d'Amila qui date de 1956 : « C'est l'originalité et le formidable humour de l'idée de base alliés à la simplicité d'un style populaire qui font que Le 9 de pique est une œuvre unique qui garde encore aujourd'hui tout son impact ». Comme on aimerait souscrire à cette généreuse évaluation ! Hélas, il m'a semblé que ces qualités étaient les principaux défauts du livre. L'écriture est lourde et sans finesse, si bien que le style « populiste à la française », qui pourrait être plein de charme désuet, n'est qu'irritant et ringard. Les personnages sont stéréotypés, les situations convenues et prévisibles. La fantaisie est étriquée, inversement proportionnelle à l'énormité du canular qui sert d'argument au livre. Le tout peut faire penser à du Boris Vian dégradé et ce « roman bâclé en trois semaines » (dixit l'auteur) ne méritait pas d'être repêché dans le catalogue du Rayon Fantastique, sinon à titre de curiosité perverse. Il est certes rassurant de voir que le développement actuel de la SF française conduit celle-ci à chercher à se constituer un passé. Mais, à mon sens, c'est une erreur d'exhumer pour ce faire d'imbuvables vieilleries, qui collent une bonne nausée au présent et sabotent l'avenir !