Anna Quibler travaille à la National Science Foundation, un organisme américain sélectionnant et finançant les projets scientifiques les plus prometteurs. Parallèlement à son travail, elle rencontre des représentants du Khembalung, un micro état de réfugiés tibétains, établi sur une île de l’océan indien menacée de disparition par la montée des eaux. Frank Vanderwal, un collègue, est expert en bio-mathématique, détaché pour un an à la NSF pour évaluer les projets. Charlie, le mari d’Anna, ne travaille plus pour s’occuper à temps plein de leur fils. Il participe néanmoins, en tant que conseiller sur le climat, à l’équipe de campagne du sénateur Phil Chase, qui tente de faire passer une loi importante de lutte contre le réchauffement climatique. Loi qui sera en partie vidée de sa substance par la majorité du sénat alors que les catastrophes climatiques s’abattent sur les Etats-Unis, d’abord avec des pluies torrentielles noyant Washington, puis avec une vague de froid inédite…
En trois tomes, écrits entre 2004 et 2007, Kim Stanley Robinson dressait un panorama très négatif des conséquences du changement climatique puis, mêlant recherche publique et privée, ambition et volontarisme politique, glissait doucement vers des solutions pratiques contrant les effets les plus dévastateurs (le ralentissement du Gulf Stream provoquant un refroidissement global de l’atlantique nord et l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes) et concluait sur une note d’optimisme.
Cette trilogie climatique est extrêmement riche par les thèmes abordées, aussi bien politiques que scientifiques : le fonctionnement de la recherche publique et privée, celui du pouvoir législatif américain, les possibilités de dérèglement climatiques et les moyens de les contrer, tout cela est creusé en profondeur, avec la méticulosité habituelle de Kim Stanley Robinson, et avec aussi parfois ses défauts, certaines pages très techniques pouvant paraitre arides. Mais l’auteur parvient toujours à raccrocher le lecteur en se recentrant sur ses personnages et leur évolution, mulipliant les points de vue, mêlant vie publique et vie privée, réussissant à les rendre plus complexes et moins archétypaux (pour ne pas dire caricaturaux) que ceux de la trilogie martienne par exemple.
Quinze ans après, cette trilogie est plus que jamais d’actualité. Si les conséquences du changement climatique se font de plus en plus sentir et que les politiques publiques actuelles ne sont clairement pas à la hauteur, on ne peut manquer de faire un parallèle entre l’élection dans les romans d’un président se référant sans cesse à Roosevelt et l’arrivée au pouvoir de Joseph Biden, utilisant les mêmes références et marquant un véritable tournant, au moins dans les discours (on attendra un peu pour juger des faits), sur le sujet climatique avec son prédécesseur. Si les deux premiers tomes (les 40 signes de la pluie et 50° au-dessous de zéro) sont résolument pessimistes avec leur cortège de catastrophes, 60 jours et après change de ton et parie sur un futur proche capable de relever les défis. Il sera intéressant de relire ces romans dans 20 ou 30 ans pour voir si l'auteur avait raison de parier sur l’intelligence. En attendant, on peut lire tout de suite ces romans pour constater que Kim Stanley Robinson est certainement l’écrivain actuel mêlant le plus habilement politique, science et science-fiction pour faire réfléchir le lecteur sur notre monde.
René-Marc DOLHEN
Première parution : 2/5/2021
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