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Par-delà le mur du sommeil

Howard Phillips LOVECRAFT

Traduction de Isabelle EMIN & Simone LAMBLIN & Jacques PAPY
Illustration de EIKASIA

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 107 suivant dans la collection
Dépôt légal : février 2012, Achevé d'imprimer : 16 février 2012
Retirage
Recueil de nouvelles, 336 pages, catégorie / prix : F7
ISBN : 978-2-07-042459-7
Format : 11,0 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
« Je t'en dirai davantage plus tard — à présent j'ai besoin d'un long repos. Je te parlerai des hor­reurs interdites qu'elle m'a fait pénétrer — des hor­reurs séculaires qui suppurent encore aujourd'hui dans des coins perdus, entretenues par quelques prêtres monstrueux. Il y a des gens qui savent sur l'univers des secrets que nul ne devrait connaître, et qui sont capables de choses que nul ne devrait pouvoir faire. J'y étais plongé jusqu'au cou, mais c'est fini. À présent, je brûlerais ce maudit Necronomicon et tout le reste... »
 
Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) fait partie des grands créa­teurs littéraires de ce siècle. Il est l'inventeur d'un genre inédit : le conte matérialiste d'épouvante, inscrit dans un cadre mythologique terrifiant car cohérent et scientifiquement plausible.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Par-delà le mur du sommeil (Beyond the Wall of Sleep, 1919), pages 9 à 27, nouvelle, trad. Simone LAMBLIN & Jacques PAPY
2 - Les Rats dans les murs (The Rats in the Walls, 1924), pages 29 à 61, nouvelle, trad. Isabelle EMIN & Simone LAMBLIN & Jacques PAPY
3 - Le Monstre sur le seuil (The Thing on the Doorstep, 1937), pages 63 à 106, nouvelle, trad. Simone LAMBLIN & Jacques PAPY
4 - Celui qui hantait les ténèbres (The Haunter of the Dark, 1936), pages 107 à 136, nouvelle, trad. Jacques PAPY
5 - L'Affaire Charles Dexter Ward (The Case of Charles Dexter Ward, 1941), pages 137 à 333, nouvelle, trad. Simone LAMBLIN & Jacques PAPY
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition GALLIMARD, Folio SF (2002)

     Les vieux renards comme moi se demandent toujours — avec condescendance — comment de jeunes lecteurs peuvent, encore aujourd'hui, se plonger dans les écrits de Lovecraft, les apprécier et, ainsi, faire fructifier un fonds de commerce rentable pour les éditeurs du reclus de Providence. Fort de nos certitudes, nous avons tendance à croire que cette jeune génération d'amateurs est issue du jeu de rôles et que, finalement, ils n'ont que le manque de goût qu'ils méritent, ces jeunes incultes remuants. Mais lorsque nous devons nous-même relire les nouvelles de Lovecraft, celles qui ont enchanté notre pré-adolescence, nous faisons la fine bouche et imaginons à l'avance les heures d'ennui et d'irritation qui vont suivre. Nous nous trompons. Force est d'admettre que nous avions oublié le plaisir du frisson viscéral, l'intemporalité des récits et des personnages, l'agréable morsure de la terreur suggérée, l'intelligence et le sens du récit de l'écrivain américain. Relire Lovecraft, c'est découvrir à quel point nous sommes victimes de nos propres faux souvenirs, clichés et préjugés (nés des différentes biographies publiées et des légendes entourant l'auteur maudit).

     Par-delà le mur du sommeil est un recueil de cinq nouvelles dont le plat de résistance — et quel plat ! — s'intitule L'Affaire Charles Dexter Ward, certainement l'un des plus longs et intenses récits du créateur de cette cosmogonie fascinante sur laquelle règne l'ombre de la créature la plus connue du mythe : Cthulhu. Ce court roman est un hommage à peine déguisé aux romans gothiques du XIXe siècle et surtout à Frankenstein de Mary Shelley. Ambiance et décors hors du temps, personnages d'une certaine modernité, tout dans cette novella en fait le condensé et le lexique incontournable du reste de l'œuvre de Lovecraft. Quant aux autres nouvelles, celle qui donne son titre au recueil démontre à quel point les rêves (ou plutôt les cauchemars !) sont le ferment de l'imaginaire de cet homme. Anecdotique certes, mais riche d'enseignement. Les Rats dans les murs est l'une des histoires les plus connues et reprises, un récit efficace et modèle (voire standard), tandis que Le Monstre sur le seuil et Celui qui hantait les ténèbres (nouvelle dédiée à — et mettant en scène — Robert Bloch) jouent dans le même registre glacé et glaçant, distillant la terreur à petites gouttes — et touches — , entrouvrant peu à peu les portes qui donnent sur les profondeurs terrifiantes de l'espace où se dissimulent les Grands Anciens.

     Difficile de juger ce recueil d'un œil neuf et naïf, mais savourer Lovecraft après plusieurs années d'abstinence provoque les mêmes sensations étouffantes et les mêmes frayeurs irraisonnées. L'âge venant, l'on se découvre un appétit de gourmet et non plus de gourmand. Seule faute de goût, cette présentation de l'auteur en quatrième de couverture qui bat tous les records de bêtise : « [Lovecraft] est l'inventeur d'un genre inédit : le conte matérialiste d'épouvante, inscrit dans un cadre mythologique terrifiant car cohérent et scientifiquement plausible. » Un monument de n'importe quoi à la sauce commerciale qui ferait presque pleurer si le plaisir de (re)découvrir Lovecraft n'était pas aussi intense.

Daniel CONRAD
Première parution : 1/12/2002
dans Galaxies 27
Mise en ligne le : 2/9/2004


Edition DENOËL, Présence du futur (1957)

    Aussi étrange que cela paraisse, Lovecraft est encore aujourd'hui méconnu des critiques spécialisés aux États-Unis. Dans « Fantasy and Science Fiction », la revue-mère de « Fiction », Anthony Boucher, qui n'hésite pas à consacrer, dans sa rubrique des livres, une page entière aux ouvrages qu'il aime, rendait compte récemment de la première réédition en librairie de « The dreamquest of unknown Kadath » en trois lignes dédaigneuses, en se contentant d'appeler Lovecraft « un écrivain discutable ». Faut-il voir là une forme de cet engouement des Américains pour tout ce qui est « nouveau » ? Cette manie du « toujours plus moderne » pourrait ne pas se limiter aux automobiles et aux machines à laver. En littérature aussi, le fantastique up to date serait préférable au néo-gothisme démonologique de Lovecraft. On n'achète pas un tacot démodé !

    En France, nous sommes nombreux à penser que Lovecraft est un des plus grands écrivains fantastiques – sinon le plus grand – du XXe siècle. Les critiques les plus divers ont parlé de lui. Son nom a dépassé le cercle des amateurs de fantastique. Consécration : les journaux réclament sa photo, cette unique et mauvaise photo que les services de publicité de Denoël ont tant bien que mal retouchée, et qui nous le montre pareil à un de ses héros hantés par une entité d'ailleurs.

    Enfin, sa vaste et chaotique production nous est peu à peu dévoilée. Il est devenu un des « piliers » de la collection « Présence du futur » chez Denoël. Et y voici aujourd'hui paru le quatrième recueil français de ses œuvres : « Par-delà le mur du sommeil ».

    Je ne suis pas trop d'accord avec la présentation de l'éditeur, qui prétend nous faire découvrir dans cet ouvrage un « aspect nouveau » de Lovecraft, où l'accent serait mis sur « la psychologie et les mystères du subconscient et non sur la démonologie ». Il s'agit bien de cinq récits de « possession » axés sur les réactions internes des personnages qui en sont l'objet, mais, à ce compte-là, c'était bien le cas aussi de « La maison de la sorcière » ou de « Dans l'abîme du temps », publiés dans un autre recueil. Donc, rien ici de nouveau. De plus, c'est tout entier, de A jusqu'à Z, l'univers lovecraftien qu'on y retrouve, même si l'évocation en est moins ample que dans les grands récits du cycle de l'espace-temps. En réalité, on a avec Lovecraft l'exemple le plus précis de l'écrivain enfermé dans le monde qu'il a créé et incapable d'en sortir. C'est à la fois une grandeur et une limitation. Limitation qui fut aussi bien celle de Poe. 

    Ce nouveau recueil présente un atout maître : un court roman (130 pages) qui est une des œuvres les plus sensationnelles de Lovecraft avec « Dans l'abîme du temps » et « À travers les portes de la clé d'argent ». Son titre est : « L'affaire Charles Dexter Ward ». C'est un modèle de narration : minutieuse mise en place, progression dramatique ménageant des effets savamment dosés, construction à recoupements où les éléments s'emboîtent comme les pièces d'un jeu de cubes ou d'un puzzle qui donnera le sens final (il y a là quelque chose de policier) – bref, un chef-d'œuvre de technique. Ce n'est pas tout : il présente ce caractère exceptionnel pour Lovecraft que rien ne nous y est montré ; tout y est seulement suggéré « de l'extérieur », relaté du point de vue de témoins non oculaires. On sait que la faiblesse occasionnelle de Lovecraft est sa trop grande concrétisation de l'horreur ; à nous être décrite de trop près, celle-ci peut perdre de son pouvoir de fascination. Dans ce roman, au contraire, tout se passe dans la coulisse, on nous laisse deviner quoi – mais deviner seulement, et ce n'en est que plus frappant. En ce qui concerne le sujet, « L'affaire Charles Dexter Ward » est une synthèse de tous les grands thèmes de Lovecraft : secrets permettant de percer le mur des dimensions et de vaincre l'espace-temps, jonction de la Terre avec d'autres plans du cosmos en d'abominables points de contact, emprise des êtres des ténèbres sur quelques créatures humaines. Mais ces thèmes sont considérés par le petit bout de la lorgnette, sur un plan limité et non plus démesuré. Ils en acquièrent une force de pénétration plus intense et peut-être plus terrible. On retrouve enfin dans ces pages le don flagrant de Lovecraft de captiver l'imagination par l'exercice du réalisme poussé jusqu'aux moindres détails. Il ne nous fait pas peur quand il nous met face à face avec un monstre haut comme une montagne, fût-ce le grand Cthulhu lui-même, mais il a une façon de décrire des lieux vides – simplement des lieux « innommables » désertés de leurs occupants et ne gardant que les traces de leur présence – qui vous donne le frisson. 

    Les quatre récits qui composent le reste du recueil sont moins extraordinaires. « Par-delà le mur du sommeil », qui fournit le titre, est une œuvre de débutant, remontant à 1919, et qui n'est que l'ébauche simpliste des thèmes ultérieurs de Lovecraft ; sa présence ici se justifie mal. « Les rats dans les murs » et « Celui qui hantait les ténèbres » sont du bon Lovecraft traditionnel et sans surprises – bâtis sur le même canevas révélation fortuite-découverte progressive, et conduisant chacun au même genre d'aperçu vertigineux sur des perspectives démentielles. « Le monstre sur le seuil », enfin, est nettement supérieur. Je comprends mal comment Jacques Van Herp, comparant cette nouvelle au « Rendez-vous » de Maurice Renard (« Fiction » n° 36, page 104), peut donner la palme à celle de Renard que, pour ma part, je trouve grotesque, alors que celle de Lovecraft, sur un point de départ pour lui classique, se développe superbement jusqu'à une fin étonnante.

Alain DORÉMIEUX
Première parution : 1/1/1957
Fiction 38
Mise en ligne le : 12/9/2025

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Annick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Necronomicon ( segment 1 : The drowned ) , 1994, Christophe Gans (d'après le texte : Les Rats dans les murs), (Segment film à sketches)
Thing on the Doorstep (The) , 2003, Eric Morgret (d'après le texte : Le Monstre sur le seuil), (Court Métrage)
Strange Aeons: The Thing on the Doorstep , 2005, Eric Morgret (d'après le texte : Le Monstre sur le seuil)
Beyond the Wall of Sleep , 2006, Barrett J. Leigh & Thom Maurer (d'après le texte : Par-delà le mur du sommeil)
Suitable Flesh , 2023, Joe Lynch (d'après le texte : Le Monstre sur le seuil)
Unspeakable: Beyond the Wall of Sleep , 2024, Chad Ferrin (d'après le texte : Par-delà le mur du sommeil)
La Malédiction d'Arkham , 1963, Roger Corman (d'après le texte : L'Affaire Charles Dexter Ward)
Resurrected (The) , 1992, Dan O'Bannon (d'après le texte : L'Affaire Charles Dexter Ward)

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