Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
Immobilité

Brian EVENSON

Titre original : Immobility, 2012
Première parution : New York, USA : Tor, 10 avril 2012   ISFDB
Traduction de Jonathan BAILLEHACHE

RIVAGES (Paris, France), coll. Rivages / Imaginaire précédent dans la collection suivant dans la collection
Date de parution : 4 janvier 2023
Dépôt légal : novembre 2022, Achevé d'imprimer : novembre 2022
Première édition
Roman, 272 pages, catégorie / prix : 22 €
ISBN : 978-2-7436-5845-8
Format : 14,1 x 20,6 cm
Genre : Science-Fiction

Couverture : © D.R.


Quatrième de couverture

Lorsque vous ouvrez les yeux, vous ne savez plus qui vous êtes ni d'où vous venez. Vous savez que le monde a changé, qu'une catastrophe a détruit tout ce qui existait, et que vous êtes paralysé à partir de la taille. Un individu prétendant être votre ami vous dit que vos services sont requis. Vous voici donc transporté à travers un paysage de ruines, sur le dos de deux hommes en combinaison de protection, vers quelque chose que vous ne comprenez pas et qui pourrait bien finir par vous tuer. Bienvenue dans la vie de Josef Horkaï.

Brian Evenson (né en 1966) est romancier, enseignant, essayiste, traducteur, et dirige un programme d'ateliers d'écriture à la Brown University. On lui doit notamment La Confrérie des mutilés, Inversion et Père des mensonges, parus dans la collection « Lot 49 » du Cherche Midi. Son œuvre a été récompensée par de nombreux prix, dont le prix Shirley-Jackson et le prix World Fantasy.

« Il n'y a pas d'écrivain de fiction plus intense, prolifique ou apocalyptique en Amérique que Brian Evenson. »
George Saunders

« Brian Evenson est l'un des trésors de la littérature américaine.»
Jonathan Lethem

Critiques

    Publiés par deux éditeurs différents, Im­mobilité et L’Antre forment pourtant un diptyque. Il est l’œuvre de Brian Evenson, adepte d’une weird fiction génériquement bigarrée, mais à la forte homogénéité stylistique et spéculative. L’auteur a créé une écriture à la froideur clinique parsemée d’é­clats d’une violence parfois extrême. Sobre et irradiant pourtant d’une cruelle tension, cette prose se fait l’implacable médium d’une ré­flexion sur une (in)humaine condition oscillant entre absurde beckettien et noirceur sadienne.

    Ainsi en va-t-il d’Immobi­lité et de L’Antre, inscrits dans un même univers, futur et post-apocalyptique. Des événements constitutifs du « Kollaps », c’est-à-dire le dé­sastre au fondement des deux livres, on ne connaît d’emblée que des bribes selon la description lapidaire qu’en fait Immobilité. Le point de vue du premier volet de ce diptyque post-apo épouse celui, lacunaire, de son protagoniste Josef Horkaï. Arraché en ouverture du roman à un coma cryogénique l’ayant privé du souvenir du Kollaps, Horkaï s’en avère aussi ignorant que lecteurs et lectrices. Et pour découvrir ce monde frappé d’anéantissement généralisé, il leur faudra donc suivre les pas d’Horkaï…

    … ou plutôt ceux des « mules » chargées de transporter à travers la désolation un héros privé non seulement de la mémoire, mais encore de l’usage de ses jambes. Les mules sont des humanoïdes, artificiellement engendrés par ce qui demeure d’authenti­ques humains. On use de ces esclaves géné­tiquement modifiés lorsqu’une mission doit être accomplie à l’extérieur de « la ruche », soit le complexe souterrain protégeant de l’atmosphère fatalement viciée par le Kollaps. C’est là qu’Horkaï émerge de sa narcose. Il s’entend alors ordonner par Rasmus, le leader de la ruche, de partir en quête d’un mystérieux cylindre conservé par une autre communauté de survivants. Rasmus explique encore à Horkaï que bien que paralytique, il présente entre autres extraordinaires capacités aux échos transhumanistes celle d’être immunisé face à l’indéterminé poison am­biant. Confié à deux mules nommées Qanik et Qatik, porté tantôt par l’une, tantôt par l’autre, Horkaï s’engage dès lors dans l’amas de ruines qu’est devenu le monde…

    Le périple ainsi entrepris donnera tout son sens au titre du roman. N’évoquant pas uniquement l’hémiplégie d’Horkaï, le terme d’ Im­mobilité renvoie encore à la sclérose d’un univers tétanisé par le Kollaps, et surtout à celle de la psyché humaine à l’origine de la catastrophe. Explicitement inspiré par la pessimiste pensée de Thomas Ligotti exprimée dans The Conspiracy Against the Human Race (inédit en français), Immo­bilité met en scène une humanité à jamais enferrée dans ses erreurs ontologiques. Et de même que Thomas Ligotti voit dans l’extinction par la nulliparité de notre espèce la seule réponse quant à son aberrante existence, Immobilité dépeint une humanité au bord du précipice comme l’heureuse conséquence de l’armageddon qu’elle a elle-même déchaîné.

    Cette peinture de notre annihilation comme un sort aussi inévitable que souhaitable est encore au cœur de L’Antre, l’opus du diptyque le plus complexe car le moins narratif. Prenant la suite chronologique et théori­que d’ImmobilitéL’Antre condamne tout espoir de conjurer son extinction pour l’humanité. De celle-ci, il ne demeure bientôt plus personne pour assister à la progressive agonie d’un nommé X. C’est-à-dire un huma­noïde transhumaniste conçu pour abriter dans son seul corps les esprits de dizaines de personnes. In fine inéluctable, l’effondrement de cet Antre psychique dessine l’horizon d’un anéantissement en réalité sal­va­teur…

    Et c’est ainsi une relecture aussi inattendue que troublante du genre post-apocalyptique que propose le toujours iconoclaste Brian Evenson, en faisant de l’impuissance de l’espèce humaine à échapper à la disparition un paradoxal motif d’espoir !

Pierre CHARREL
Première parution : 1/4/2023 dans Bifrost 110
Mise en ligne le : 9/9/2025


Lorsque Josef Horkaï se réveille, son environnement immédiat est inconnu. Et pour cause : il a perdu la mémoire et est entouré par trois hommes qui ne lui expliquent pas grand-chose, si ce n’est qu’ils l’ont sorti d’un sommeil de trente ans pour accomplir une mission : se rendre sur le dos d’une autre personne (car Horkaï découvre qu’il est paraplégique) dans un autre bâtiment à quelques dizaines de kilomètres pour voler un cylindre.

Le même jour que l’Antre (déjà chroniqué sur nooSFere) a paru Immobilités, quatorzième livre de Brian Evenson et huitième traduction en français. Se déroulant dans un monde post-apocalyptique fort semblable à celui de l’Antre, ce roman est un road trip étrange et noir. De ce monde détruit on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il est issu d’une catastrophe, le Kollaps, à l’origine mystérieuse. La nature même des personnages est porteuse de questions ; et Horkaï, avec son double handicap, physique et mémoriel, ne peut qu’essayer de déduire, sans disposer de toutes les données, ce qu’il doit faire et ce qu’il est, laissant le lecteur dans le même flou que lui.

C’est là que s’exprime le talent de Brian Evenson : disséminant les informations au compte-gouttes, incomplètes et prêtant au doute, il nous force à nous mettre à la place d’Horkaï et à se poser les mêmes questions que lui. Doit-il accomplir sa mission ? Doit-il faire confiance à ceux qui l’ont réveillé ? A quel point est-il manipulé et peut-il vraiment reprendre sa vie en main ? Ce monde en ruine, dont toute trace de vie semble avoir disparu en dehors des quelques personnes que croise Horkaï, mérite-t-il d’être sauvé ? Evenson développe tout cela sans fioriture, sans gras, limitant les descriptions et se concentrant sur les personnages, tous plus étranges les uns que les autres, ajoutant l'opacité des esprits à celle du décor.

Roman à l’ambiance sombre, croisement entre la science-fiction et le Weird, Immobilité est une œuvre forte qui n’étonnera pas les connaisseurs de l’œuvre de Brian Evenson. Doté d’un style redoutablement efficace, il trace sa route vers une fin aussi noire que le chemin emprunté tout en s’interrogeant sur la nature de l’humanité. Brillant si vous ne craignez pas de faire un tour dans ce monde désolé.

 

René-Marc DOLHEN
Première parution : 25/1/2023 nooSFere

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87335 livres, 112305 photos de couvertures, 83770 quatrièmes.
10839 critiques, 47176 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3916 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD