Claire NORTH Titre original : The Master, 2015 Première parution : Londres, Angleterre : Orbit Books (Lagardère Publishing), 3 novembre 2015ISFDB Cycle : La Maison des Jeux vol. 3
BÉLIAL'
(Moret-Loing-et-Orvanne, France), coll. Une Heure-Lumière n° 42 Date de parution : 19 janvier 2023 Achevé d'imprimer : janvier 2023 Première édition Novella, 160 pages, catégorie / prix : 10,90 € ISBN : 978-2-38163-073-1 Format : 12,0 x 18,0 cm✅ Genre : Fantastique
Dépôt légal à parution. Existe aussi en numérique au format ePub (ISBN : 978-2-38163-074-8) au prix de 5,99 €.
DE NOS JOURS. Ici, ailleurs et partout.
Le haut joueur connu sous le nom d'Argent a défié la Maîtresse des Jeux elle-même : le temps du Grand Jeu est advenu, et comparé à lui, tous les autres sont désormais dérisoires. Le monde entier s'en trouve réduit aux dimensions d'un échiquier, avec en guise de pièces des groupes mafieux, des armées officielles, des gouvernements, des nations... Et pour prix de cette partie sans égale, la réponse à la question qui les contient toutes : à qui échoiera la Maison des Jeux ?
« [...] surprenant, intriguant, à la fois récit fantastique et paranoïaque sur un monde où tout un chacun peut être acheté, doublé d'une sombre réflexion sur les choses qui comptent vraiment quand tout peut être mis en jeu. » KIRKUS REVIEWS
Critiques
Fonctionnant comme un zoom arrière, « La Maison des jeux » élargit l’échiquier au fil des tomes. Après la seule Venise du xviie siècle dans Le Serpent, puis la Thaïlande limitée à ses frontières pendant la première moitié du xxe siècle avec Le Voleur, c’est tout le globe terrestre, de nos jours, qui constitue à la fois le décor et l’enjeu de ce troisième et ultime opus – le Grand Jeu qui débute – condamné à ne pas décevoir, tant les deux premiers avaient mis la barre très haut. Le Maître, comme il se doit, agit bien évidemment en contrepoint à la Maîtresse des jeux, celle qui manipule tous les joueurs, qui distribue les cartes comme bon lui semble, quitte à fausser la donne — comme pour Remy Burke, dont les pièces étaient bien moins efficientes que celles de son adversaire dans Le Voleur. Et le Maître, on s’en doute depuis la fin de ce tome, c’est Argent, parti en guerre contre la Maison et sa « directrice », et qui assume son statut de narrateur de l’intégralité de la trilogie par l’emploi de la première personne. Pour réussir sa mission, il lui a fallu patiemment réunir ses pièces, qu’il va utiliser ici, usage qui va modifier profondément l’histoire de l’humanité. Car tant Argent que la Maîtresse se soucient peu des impacts qu’auront leurs coups : des femmes et des hommes meurent, des guerres éclatent, des gouvernements tombent (liste non limitative) et tout cela pour le plaisir des deux protagonistes principaux occupés à contrecarrer les plans de leur adversaire. Étourdissant dans son propos, où l’on se rend compte que l’histoire n’est pas faite de hasards mais téléguidée par les manipulations de deux joueurs peu scrupuleux, l’humanité réduite ainsi au seul rôle de pion sans âme manipulé avec malice, frénésie guerrière, ou dans la panique de perdre la partie. Le libre arbitre n’existe-t-il donc plus, pas plus que le hasard ? N’est-ce pas pourtant le propre de la condition de l’être humain ? Chacun des protagonistes a bien évidemment son avis sur la question, même si Argent évoluera dans sa réflexion lors de la longue traque dont il fera l’objet et qui répond à celle de Burke dans le tome précédent. L’intelligence du propos ne serait rien sans la maestria avec laquelle Claire North organise tout cela, gérant le crescendo, distillant coups de théâtre et coups d’éclat (sans oublier divers moments plus intimes, contrepoints à la débauche de moyens par ailleurs employés), convoquant des personnages des tomes précédents et en introduisant un nouveau qui rajoute tout un pan de l’intrigue jusqu’alors occulté. On ne saurait oublier non plus la langue, rendue avec justesse par un Michel Pagel impeccable de bout en bout de cette trilogie pour laquelle Claire North n’a rien laissé au hasard, et qui s’impose définitivement comme une œuvre incontournable de ces dernières années.
Après la Venise du 17e siècle dans Le Serpent et la Thaïlande de 1938 dans Le Voleur, le troisième opus de la Maison des Jeux se passe à notre époque au niveau mondial. Argent, un vétéran de la Haute Loge, défie la maîtresse de la maison. S’engage alors une partie terrible où tous les coups sont permis et tous les moyens utilisés : détournement des moyens de la CIA ou de la NSA, usage de l’armée populaire de libération chinoise jusqu’au coup d’état, massacres à grande échelle.
Après deux premiers tomes forts réussis, on attendait beaucoup du final de cette série, notamment concernant la nature de la maison des jeux. Disons-le tout de suite : les attentes sont récompensées. Si la démesure de la partie impressionne, l’autrice ne fait pas pour autant n’importe quoi et le récit reste cohérent jusqu’au bout. Ce combat titanesque dénué de toute morale nous dévoile deux joueurs ayant perdu leur humanité, utilisant les humains comme des pantins à leur service, sacrifiables à tout moment. « Un joueur n’a nul besoin d’être une personne » nous dit Claire North, et elle le montre : les personnages des tomes précédents réapparaissent, pièces parmi d'autres utilisées par Argent et la maîtresse dans un combat à mort.
Récit cruel et brutal, Le Maître conclut brillamment cette trilogie, jetant un regard froid sur les manœuvres politiques, diplomatiques et guerrières du monde actuel, en poussant juste un peu plus loin leur logique. Absolument remarquable.