« Mais qu'est-ce que vous me voulez ? Je ne sais pas ce que je fais ici, j'ai mal à la tête, il fait chaud, et tous ces gens, qui sont-ils ? » (p.39) Voilà ce que pourrait penser le lecteur à la lecture de ce deuxième tome. Celui-ci est indiscutablement à la hauteur du premier (lire la critique de La dernière vague). On soulignera juste que le caractère énigmatique de l'intrigue se renforce encore — que sont ces mystérieux palmiers noirs ? La narration, insaisissable comme le contenu d'un rêve, est aussi saccadée que le trait est anguleux. Le va-et-vient de personnages étranges et excentriques — tragédiens masqués, Pythie, atlantes, espions... — confère au récit le rythme d'une danse en état de transe, où les images nous parviendraient par bouffées désordonnées, entrecoupées de flashes-back entêtants. Cette atmosphère énigmatique rappelle celle de certaines « fables » de Pratt : le fantastique est diffus, les objets semblent prendre la parole, tandis que le texte raconte parfois tout autre chose que ce que nous montrent les images. Bref, Kaarib est une série qui déroutera le jeune public, et probablement aussi une partie du public adulte. Mais ceux qui accepteront l'univers logiquement absurde de David Calvo ne pourront qu'en apprécier l'originalité et la puissance d'évocation. Si la suite est du même tonneau — de rhum bien sûr — , la série pourrait bien devenir un chef d'œuvre.
Pascal Patoz nooSFere 01/06/2003
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