Génial ! Si, si !
Après deux premiers tomes absolument épatants, le troisième volume, axé sur l'écologie, était un peu en retrait car beaucoup plus simple, le vent de folie habituel y soufflant moins fort. Il y manquait aussi un thème scientifique fort, car Jules, c'est aussi de la hard science : voyage spatial et relativité temporelle pour le premier album, clonage et manipulations génétiques pour le deuxième.
Dans Un départ précipité, Bidule, le cochon d'Inde de Jules, est affecté d'un cancer et n'a plus que deux jours à vivre. Jules ne peut se résoudre à cette fatalité, alors qu'il doit déjà supporter son père et son frère chez qui une grave irradiation a eu un effet similaire à celui du poison-qui-rend-fou de Tintin. Il décide de se révolter contre les lois de la nature, contre les lois divines invoquées par sa mère, et, tant qu'il y est, contre quelques lois sociales comme l'interdiction de fuguer. Il fera d'abord appel à la mère de Janet, la géniale généticienne qui a déjà cloné sa fille à deux reprises, puis aux extraterrestres Tim (le p'tit gris) et Salsifis (le p'tit vert)...
Cette fois, côté « vent de folie », on est de nouveau gâté. On retrouve avec un immense plaisir tous ces personnages farfelus, ainsi que leurs incessantes et néanmoins amicales disputes. Les dialogues sont irrésistibles et les situations tout autant. Un régal !
Mais au-delà de la drôlerie, le récit tient parfaitement la route, tant sur le plan scientifique que philosophique, abordant de front les thèmes de la mort et de l'immortalité. Il introduit par exemple des concepts scientifiques complexes comme celui de la mort cellulaire programmée (l'apoptose) et le rôle des télomérases dans le développement fœtal et dans le vieillissement. Bravo nous montre les promesses de la science, puis le danger potentiel, de manière très intelligente : alors que dans La Réplique inattendue, le danger venait surtout d'un savant fou, il démontre ici qu'une erreur peut aussi provenir d'un scientifique parfaitement bien intentionné, simplement parce qu'il est difficile de manipuler la nature sans entraîner un déséquilibre imprévisible. De plus, s'appuyant entre autres sur le mythe d'Orphée, Bravo complète sa réflexion sur la nécessité de la mort et, par voie de conséquence, sur celle du deuil. Cela pourrait être sinistre, mais, grâce au talent de l'auteur, la réflexion est légère. Bravo sait faire sourire du sujet le plus grave, sans avoir recours au pipi-caca-prout qui résume l'humour de bon nombre d'autres séries. La fin est particulièrement habile. Le sort réservé à Bidule — que l'on devra en partie deviner grâce aux réactions des personnages — est parfaitement dans la logique de l'histoire, pouvant satisfaire les grands par l'absence de mièvrerie et les petits qui s'arrêteront à la première explication.
Bref, même si le très expressif dessin « ligne claire » paraît destiner l'album prioritairement aux enfants, Jules est une série « pour tous », bourrée de fantaisie et d'humour, qui se permet d'aborder intelligemment les problèmes scientifiques de notre époque, ainsi que certaines questions universelles... Génial, vous dis-je !
Pascal Patoz nooSFere 15/07/2003
Jules est désespéré : son hamster se meurt. Cancer. Refusant l'inéluctable, il fugue en Angleterre chez sa copine Janet, dont la mère est biologiste. Jugeant la solution du clonage inacceptable, il se rend chez ses amis extraterrestres : une civilisation avancée a forcément découvert le secret de l'immortalité... Non ? Voici une BD « jeunesse » qui ne prend pas les gamins pour des idiots, mêle personnages sympathiques, humour décalé et esprit didactique (astronomie, mythologie, biologie), se permet quelques réflexions sur la vie, la mort, la bioéthique, l'adolescence, le tout sur fond de mythe d'Orphée revisité de manière originale. On aimerait lire plus souvent des BD « adultes » de cet acabit... (Note : oulà ! ! yamaxibon, ça !)
Philippe Heurtel Bifrost n°32 01/10/2003 Mise en ligne le 01/12/2005
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