Sous l'emprise d'une drogue, le dictateur Apelsinov apprend que sa mort pourrait venir d'un stylo et de l'encre. Il a aussi la vision de son « moi inversé », qui n'est autre que le guerrier tchétchène qui recherche l'Itchkérie céleste, le seul des neufs derniers derviches a avoir entendu une voix... Les agents du NKVD envoyés à la recherche du corps du lama-commissaire Noïon — un mongol qui prétendait être la réincarnation de Gengis Khan et qui a enseigné sa doctrine mystique à un groupe d'officiers soviétiques dans les années mil neuf cent vingt — rencontrent la veuve de Noïon. Elle est en fait son « shakti », sa moitié féminine. Au cours d'une danse grotesque et démoniaque, elle affirme que le monde n'est qu'illusion et leur confirme qu'Apelsinov est le seul à pouvoir s'unir à l'esprit de Gengis Khan, à pouvoir incarner le « souldé », la soif divine du pouvoir et de la conquête... Pendant ce temps, la jeune bouddhiste nue du premier album retrouve la mémoire et se souvient être l'assassin de Gengis Khan, tandis que le clone fou d'Isaac Newton, décidé à priver les hommes de leurs organes génitaux pour les débarrasser de leur violence, prend la tête d'une armée d'androïdes asexués... Sans parler des soucoupes volantes qui planent au-dessus de l'Ukraine...
Certains lecteurs auront sans doute du mal à rentrer dans l'univers hallucinant que décrit Baranko. Il faut dire que celui-ci ne leur facilite pas la tache, en éclatant son récit, en multipliant les intrigues, en y mêlant des scènes oniriques... Mais cette histoire est si riche et si puissamment originale que l'effort fourni pour lier les différentes trames narratives vaut vraiment le coup. L'ambiance générale, cette façon de mêler la politique, le fantastique et la mystique, rappelle Hugo Pratt — si celui-ci s'était essayé à la science-fiction. Par exemple, on verrait bien la « danse » de la veuve située au cours d'une aventure de Corto Maltese.
Bref, L'Empereur-Océan est sans aucun doute une œuvre difficile, exigeante, mais sa profonde originalité, probable reflet de la culture ukrainienne de l'auteur, la font chaudement recommander aux amateurs de récits hors normes.
Pascal Patoz nooSFere 28/07/2003
L'ancien écrivain de SF Apelsinov, devenu dictateur, se rêve en Gengis Khan. Il charge ses hommes de retrouver le corps d'un lama mongol qui aurait été la réincarnation du conquérant... Ce curieux et original univers mélange anticipation et magie : voyants, clones de personnages historiques, démons, popes qui se droguent pour prier... Si, comme nous, on peut ne pas adhérer aux choix narratifs et graphiques, cet OVNI a les armes pour en séduire plus d'un. (Note : bof, yapatrèbon)
Philippe Heurtel Bifrost n°32 01/10/2003 Mise en ligne le 01/12/2005
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