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— Ainsi, tu n'as rien, tu arrives à la ville les mains vides et les bottes pleines de merde, et tu t'imagines que je vais t'accueillir les bras ouverts. Comme si quelqu'un m'avait aidé, moi.
— Je suis affreusement gêné, mon oncle. | |
Poursuivant leur entreprise insensée, Lewis Trondheim et Joann Sfar complètent les deux tomes actuels de la série Donjon (ou Donjon zénith), et celui de la série Donjon crépuscule (qui débute au n°101), par une nouvelle série, intitulée Donjon potron-minet, qui débute cette fois au n° -99 !
Parodiant joyeusement la fantasy, les romans d'apprentissage et les tribulations pseudo-historiques de vengeurs masqués, les aventures de Hyacinthe, jeune canard provincial naïf et idéaliste soudain confronté aux dures réalités de la ville, sont tout simplement hilarantes. Totalement inadapté, cet apprenti héros ne devra ses quelques succès qu'à une incroyable chance, car il n'a aucune capacité particulière, mis à part celle de susciter une certaine sympathie — voire même un peu de pitié.
Au premier degré, nous obtenons ainsi un récit d'aventures drolatiques mené à un rythme effréné, avec une suite de gags qui s'enchaînent sans temps morts et un festival de situations farfelues mais parfaitement logiques.
Dans un second temps, on admire l'habileté du pastiche qui reprend les clichés des contes philosophiques pour mieux les détourner. Pas un des éléments-clés du roman d'apprentissage — genre particulièrement présent dans la littérature du siècle des lumières —, ne manque, et c'est un véritable plaisir que de suivre le jeu des auteurs qui en détruisent systématiquement les fondements.
Christophe Blain a repris avec beaucoup de sûreté le graphisme original de ses compères, graphisme profondément moderne bien qu'il puise ses origines dans l'art fantastique des siècles passés, de l'oeuvre de Jérôme Bosch jusqu'à la peinture contemporaine. Ce dessin faussement naïf et souvent très sombre, est d'une remarquable expressivité : on ne peut que saluer la pureté d'un trait qui peut, avec une apparente économie de moyens, suggérer diverses atmosphères ou toute une palette de sentiment.
Cet album prouve qu'il est possible de marier humour, finesse et intelligence, mais aussi caricature et recherche graphique. Le résultat est étourdissant !
Pascal Patoz
Faeries n°1
01/06/2000
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