Raoh a retrouvé la trace de son frère Toki, mais celui-ci refuse de combattre, et le Roi du Poing est obligé de l'enfermer à Cassandra. Il se met alors à la recherche d'un général pour conduire ses armées, mais au cours de ses errances, il découvre peu à peu qu'une menace inattendue risque de se dresser un jour sur son chemin. Kenshiro, le dernier des frères du Hokuto, suit la voie du sauveur !

     Ce troisième tome de La Légende de Raoh voit l'arrivée en scène de Toki, l'un des quatre pratiquants du Hokuto Shinken, un être fascinant de par ses paradoxes : d'apparence douce et paisible, Toki présente toutes les caractéristiques d'un être faible. Son tempérament altruiste l'a incité à délaisser les combats pour exploiter son art martial à des fins médicales : il fait ainsi office de médecin dans une bourgade surnommée « le Village des Miracles » où il guérit les laissés pour compte. Pourtant, Toki est aussi le meilleur disciple du Hokuto Shinken, initialement choisi comme héritier et surpassant Kenshirô et même Raoh par sa technique mortelle qu'il a choisi de consacrer à la vie en la déviant de son but initial, bien qu'il n'hésite pas à l'utiliser pour tuer lorsque des brigands viennent troubler la quiétude de son asile.

     Un pacifiste aux cheveux longs capable de recourir au feu et au glaive en cas de nécessité et dont la vie est consacrée à son prochain... Vous l'aurez compris : Toki est un personnage d'inspiration christique. Cet homme, en contre-pied total avec les puissants guerriers à la virilité affichée du Hokuto, pourtant surpassés par sa technique parfaite, fut sans doute le plus grand coup de génie de Buronson lors de l'écriture de Hokuto No Ken. Après une rencontre explosive (mais un brin frustrante) avec Souther dans le deuxième tome, les fans de HNK étaient donc en droit d'attendre beaucoup du passage de Toki dans La Légende de Raoh qui, rappelons-le, fait revisiter au lecteur toute l'histoire du manga Hokuto No Ken selon le point de vue de Raoh, frère d'adoption de son héros Kenshirô. Eh bien croyez-moi, vous ne serez pas déçus.

     L'incroyable charisme du personnage est ici mis en avant, véritable oasis d'harmonie face à la force brute de son frère de sang, Raoh, dans un monde en furie. Toki se bat rarement mais, lors de ses quelques démonstrations de force au terme desquelles ses ennemis meurent en extase, il paraît pourtant clair que son niveau égale et surpasse celui de ses frères, et cette force contenue rend le personnage d'autant plus fascinant et redoutable. Cet épisode est aussi l'occasion de confronter les philosophies des deux hommes ; malgré sa toute-puissance, Raoh se révèle incapable de comprendre l'essence même du Hokuto : la compassion. En considérant les sentiments comme une faiblesse, a contrario de Kenshirô ou de Toki, et en s'obstinant à vouloir conquérir les peuples par la peur afin de ramener l'ordre, Raoh s'interdit malgré lui de rejoindre le plus haut niveau du Hokuto, ignorant encore que cette incapacité à saisir la plus importante leçon délivrée par son frère causera un jour sa perte. Et le lecteur d'assister, impuissant, à l'endurcissement d'un homme pourtant animé de bonnes intentions mais sombrant sur la voie de l'inhumanité. Exposé sous cet angle, nous comprenons désormais beaucoup mieux ce personnage jusque-là perçu comme une brute cruelle et inexcusable.

     Au risque de me répéter, ce spin-off de Hokuto No Ken s'impose désormais comme une oeuvre parfaitement complémentaire, bien au-delà du gadget commercial. La légende du Hokuto n'a pas fini de faire parler d'elle.