L'album fait suite à Les spectres d'Inverloch, sorti en 83. Il a donc fallu deux ans pour savoir quel danger menaçait Galaxity (si l'on n'est pas lecteur de Pilote). Ce ralentissement dans le rythme des parutions correspond curieusement (ou pas) à un ralentissement du rythme de l'action... Western de l'espace à ses débuts (et bien avant La guerre des étoiles qui a tellement fait fulminer Mézières !), Valérian est devenu au fil des ans, et selon l'évolution de Christin, une saga nettement plus intériorisée, mi-politique mi-philosophique, et faisant place à un humour plus sophistiqué. Les foudres d'Hypsis accuse ces tendances, même en comparaison avec l'album précédent, qui contenait de belles pages extra-terrestres (sur la planète Glapun't), et possédait un beau rythme interne scandé par les actions parallèles des personnages en passe de se rejoindre. Dans Les foudres, tout le monde, Terriens du présent et du futur et extra-terrestres sont réunis et, il faut bien le dire, passent beaucoup de temps en bavardages. L'humour est parfois un peu lourd (avec les Shingouz caricaturaux), et la résolution finale, à la Sheckley sans doute (le sort de la Terre est entre les mains d'une Trinité, ou d'un triumvirat Père-Fils-Saint Esprit des plus laïcs), me parait tomber à plat. Même le dessin de Mézières semble parfois relâché sur les détails, comme si le graphiste faisait tellement confiance à sa virtuosité qu'il passait un peu vite sur ses planches... Alors quoi ! Un « album du mois » carrément médiocre ? Je n'irai pas jusque là ! Valérian est, et reste une des deux très grandes séries de SF françaises (avec Les naufragés du temps de Paul Gillon), et tous les amateurs garderont à jamais cette saga au chaud dans leur esprit. Il n'empêche que Les foudres sent la fatigue de ses auteurs, leur irrésolution aussi. Ce n'est par hasard si Galaxity sombre dans la brume de l'inexistence et si Valérian et Laureline se retrouvent, à la fin de l'album, coupés à jamais du futur. Ce n'est pas par hasard non plus si l'épisode est ancré sur la thématique catastrophiste de La Cité des eaux mouvantes, première véritable apparition de nos deux héros. Retour à zéro, alors ? Ou fin de série ? Autant que la lassitude, Les foudres d'Hypsis sent aussi la nostalgie, celle d'une saga des étoiles qu'il est désormais difficile de retrouver, et qui se clôt par une gaudriole — ce Dieu le Père à l'allure d'un mafioso de troisième ordre. Oui, si ce dernier (mais bien sûr on espère qu'il ne sera pas véritablement le « dernier ») Valérian nous touche, c'est par sa lecture en creux. Signe d'époque...
Jean-Pierre Andrevon Fiction n°371 01/02/1986
|