FLAMMARION
(Paris, France), coll. Imagine n° (47) Dépôt légal : novembre 2003 Première édition Recueil de nouvelles, 266 pages, catégorie / prix : 17 € ISBN : 2-08-068265-2 Genre : Imaginaire
Quatrième de couverture
Kathe Koja est l'auteur des romans Brèche vers l'enfer (couronné du Prix Bram Stoker), Décérébré, Corps outragés, Le Sang des anges, ainsi que de nouvelles parues dans nombre de magazines et d'anthologies depuis 1988. Elle vit dans la banlieue de Detroit avec son mari, l'artiste et photographe Rick Lieder, et son fils Aaron.
Une femme délaissée prend racine dans le jardin de son compagnon... Un homme rescapé d'un accident d'avion se découvre le pouvoir de voler... Un thérapeute fasciné par les dessins obscènes d'une de ses patientes sent vaciller ses certitudes... Une jeune vendeuse épie à travers la cloison les ébats de sa voisine avec un amant mystérieux. Uri jour, elle décide de séduire celui-ci... Un couple recourt à un masque en cuir SM pour pimenter sa vie sexuelle. Mais ce troisième partenaire acquiert peu à peu une inquiétante autonomie...
Quand le sordide bascule dans le cauchemar, l'esprit enfante des monstres et les obsessions grandissent jusqu'à l'extrême. Seize tableaux des enfers de la folie, de la perversité et de l'autodestruction où l'on reconnaît la patte d'un maître de l'horreur moderne, entre Clive Barker et William S. Burroughs.
1 - Arrangement pour voix invisibles (Arrangement for Invisible Voices, 1993), pages 9 à 20, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 2 - Le Jardin abandonné (The Neglected Garden, 1991), pages 21 à 31, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 3 - L'Envol (Bird Superior, 1991), pages 33 à 48, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 4 - Illusions en relief (Illusions in Relief, 1990), pages 49 à 63, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 5 - Les Yeux d'ange (Reckoning, 1990), pages 65 à 95, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 6 - La Compagnie des orages (The Company of Storms, 1992), pages 97 à 108, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 7 - Monstruosités (Teratisms, 1991), pages 109 à 123, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 8 - Les Anges amoureux (Angels in Love, 1991), pages 125 à 137, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 9 - Le Bel endormi (Waking the Prince, 1995), pages 139 à 153, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 10 - Romance de la garde civile espagnole (Ballad of the Spanish Civil Guard, 1993), pages 155 à 164, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 11 - Lady Lazare (Lady Lazarus, 1996), pages 165 à 175, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 12 - La Muse obsédante (The Disquieting Muse, 1994), pages 177 à 196, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 13 - La Reine des anges (Queen of Angels, 1994), pages 197 à 215, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 14 - Jubilé (Jubilee, 1995), pages 217 à 226, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 15 - Pas de deux (Pas de Deux, 1995), pages 227 à 250, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL 16 - Bondage (Bondage, 1998), pages 251 à 259, nouvelle, trad. Nathalie SERVAL
Critiques
Voici donc un recueil de seize récits qui s'articule autour du plaisir et du sexe, de la perte de soi, de l'obsession qui mène à la folie.
Soulagement. C'est le premier mot qui vient à l'esprit lorsqu'on referme le livre. Deux ou trois nouvelles tirent péniblement leur épingle du jeu, telles « Les Anges amoureux », « Monstruosités » ou « Illusions en relief », grâce à un petit quelque chose d'intrigant, bien que pas franchement innovant. Le reste va, au mieux, de l'ennuyeux, comme pour « Pas de deux » ou « Arrangement pour voix invisibles », récits où il ne se passe rien et où l'intérêt est au plus bas, au ridicule : « Le Bel endormi », « L'Envol ». Pire, « Le Jardin abandonné » malmène sérieusement la fameuse « suspension de l'incrédulité » sans laquelle aucun récit fantastique ne fonctionne.
Certaines nouvelles auraient pu être intéressantes, mais à trop vouloir refuser de fournir la moindre explication, Koja drape ses histoires dans un voile de mystère qui, malheureusement, est tellement opaque qu'il largue le lecteur en route. La tension est absente, les mots tombent à plat, l'auteure rate sa cible (« Les yeux d'anges », « Compagnie des orages »). La seule nouvelle véritablement intéressante, « Jubilé », est cependant trop ramassée, trop abrupte pour qu'on puisse réellement l'apprécier. Là encore ça ne fonctionne pas, surtout parce qu'on a l'impression que l'auteur s'en est un peu « débarrassée », ne va pas au bout de son texte.
Quant au style pseudo-poétique... Imaginez un accouplement dénué de passion entre une logorrhée Francis Valéryenne sans le talent ni la beauté et du sous-Brussolo, un Brussolo dénué de la moiteur animale et de la chair glauque qui en font tout le malaise et l'intérêt, et vous aurez en main un recueil complètement plat, sans le moindre écho, que l'on referme avec soulagement tout en ayant, on l'a dit, le sentiment d'avoir perdu son temps.
Une aide-soignante qui travaille dans un service de réanimation tombe amoureuse d'un de ses patients, plongé dans un coma profond, et qui secrète des perles faites de ses humeurs internes. Des ébats amoureux violents et interminables qu'une voisine guette avec envie. Un homme, au cours d'un long voyage en voiture, découvre dans une ferme à l'écart sa femme qu'il croyait morte.
Dit comme cela, on peut encore croire qu'il y a de l'espoir dans le monde de Kathe Koja. Malheureusement, le patient finira par mourir, les ébats amoureux se termineront de manière tragique et la femme morte retrouvée se révèlera un piège pernicieux. Ce ne sont que quelques exemples parmi les seize nouvelles que compte ce recueil. Qu'il suffise d'ajouter qu'on y croise aussi des adeptes du sado-masochisme dont le « jeu » dégénère peu à peu, un tueur en série et un poète sur le point d'être torturé, et l'on saisira sans difficulté la noirceur de ces textes. Pas de rémission pour les protagonistes, pas d'humour — fût-il noir — pour désamorcer. Tout cela est âpre, dérangeant, choquant parfois.
Pourtant, l'auteur laisse de temps à autre entrapercevoir ce que l'on prend pour un coin de ciel dégagé, qui serait comme un échappatoire à ce cauchemar. Il n'est pas rare que l'on croit deviner des silhouettes d'anges dans ce ciel — nombre de ces récits ont trait au divin, le mot « ange » apparaissant d'ailleurs dans le titre de trois nouvelles — mais à mesure que l'on s'approche de celui-ci, il se couvre, et les silhouettes s'avèrent être celles, menaçantes, de démons. Et le piège de se refermer...
Descente en apnée dans les enfers personnels de personnes confrontées à leurs propres obsessions et perversités, Extrêmes est d'une lecture perturbante, et se rapproche en cela d'un autre recueil publié il y a quelques années, à savoir Ombres sur la route, de Steve Rasnic Tem. Comme celui-ci, Kathe Koja nous montre qu'il n'est nul besoin de déverser des tonnes d'hémoglobine pour faire froid dans le dos. Glaçant.