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L'Instinct de l'équarrisseur

Thomas DAY

Première parution : Paris : Mnémos, Icares, mars 2002

Illustration de Guillaume SOREL

MNÉMOS (Paris, France), coll. Icares
Dépôt légal : mars 2002, Achevé d'imprimer : février 2002
Première édition
Roman, 384 pages, catégorie / prix : 19,5 €
ISBN : 2-911618-77-7
Format : 13,0 x 21,5 cm
Genre : Fantasy

Sous-titre : "Vie et mort de Sherlock Holmes"



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     « Inimaginable, mes amis ! s'écria Jack London. J'ai l'impression que je peux mourir maintenant que j'ai vu cette chose qui a traversé les gouffres de l'espace interstellaire.
     — Essayez de délivrer Holmes avant de nous quitter pour un monde que l'on dit meilleur.
     — Sachez qu'il n'existe pas de meilleur monde que celui-ci.« 
 
     Londres, 1888.
     Rattrapé par le personnage qu'il a lui-même créé, Arthur Conan Doyle est surpris par l'arrivée tonitruante du professeur Watson au beau milieu de son bureau. Après un saut spatio-temporel approximatif, les deux compères retrouvent le célèbre détective afin de l'aider à résoudre une série de crimes...
     Une enquête qui aurait pu être simple, mais qui les mènera de Londen à la mystérieuse cité interdite de York, où complote le pire ennemi de Sherlock Holmes, puis de la Californie aux crêtes de la Cordillère des Andes.
     Il sera alors question de l'habituelle quête de l'immortalité, et d'une poignée d'aventuriers délirants, prêts à tout pour trouver l'Arche des Worsh et percer le secret de l'Instinct de l'équarrisseur...
 
     Né en 1971, Thomas Day vit à Paris quand il ne voyage pas aux quatre coins du monde. Il est l'auteur de nombreuses nouvelles et de quatre romans.
     Après Rêves de guerre, il propose ici une grande aventure dans la tradition de la littérature populaire du début du siècle, avec dans les rôles principaux : Conan Doyle, Sherlock Holmes, Jack l'Éventreur, Jack London, le docteur Moriarty, le professeur Watson, Oscar Wilde... Un hommage décalé et foisonnant au créateur et à sa créature.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Prolégomènes, pages 9 à 12, préface
2 - Bibliographe commentée, pages 361 à 369, bibliographie
Critiques
     Sherlock Holmes existe. Arthur Conan Doyle s'est en effet inspiré pour son œuvre du Sherlock Holmes et du John Watson de Londen, capitale dans un monde parallèle de la Monarchie Libertaire d'Angleterre. Un monde jouissant d'une technologie avancée grâce aux Worsh, des créatures d'origine inconnue qui cohabitent avec les humains depuis des siècles. Holmes est un monstre d'intelligence — comme dans l'œuvre de fiction dont il est chez nous le héros — mais aussi un monstre d'extravagance... et de cruauté. Assassin royal, il faut régner l'ordre par le chaos. Watson, lui, est un savant fou qui fait des allers-retours entre Londres et Londen, et rend régulièrement visite à son ami Doyle.
     Tous trois vont tout d'abord traquer Jack l'Eventreur, l'assassin de Whitechappel qui sévit dans nos deux mondes. Puis Holmes devra affronter son ennemi de toujours, Moriarty, et sa compagne Shiva Worrington qui n'a rien à lui envier en terme de cruauté. Tous deux sont en quête d'immortalité grâce à ce qu'ils appellent « l'instinct de l'équarisseur ». Cette traque mènera le lecteur jusqu'au Pérou et sur les traces de l'origine des Worsh.

     La première partie de ce roman, la traque de Jack l'Eventreur, reprend une excellente novella parue il y a quelques années de cela dans la revue Cyberdreams. Et le roman qui en résulte, dont la novella est en quelque sorte le prologue, est indéniablement placé sous le signe de la démesure, de l'humour et de la jubilation. Jugez plutôt : l'auteur nous offre pêle-mêle un Holmes et Watson parallèles des plus extravagants, des personnages historiques détournés (Oscar Wilde, Jack l'Éventreur...), des savants fous, des machines extraordinaires, des démons indiens, des mercenaires au Pérou, l'enlèvement par Moriarty d'Einstein de quelques autres génies scientifiques, une Cité Interdite d'York dans un monde parallèle, des États-Unis Socialistes d'Amérique, des dinosaures-robots, et j'en passe.

     Relevant du steampunk, L'Instinct de l'Equarisseur n'est pas écrit « à la manière de » comme on le voit souvent dans ce domaine. La langue est moderne, imagée, truculente, pleine d'humour (chose rare chez cet auteur, surtout dans ses romans). Les dialogues font mouche, contrairement à ceux de Daemon Eraser ou L'École des assassins, à mon sens parfois maladroits et ampoulés. Si ces deux romans ne m'avaient pas convaincu, je ne peux ici que conseiller la lecture L'Instinct de l'Equarisseur, une indéniable réussite.

Philippe HEURTEL (site web)
Première parution : 1/11/2003 nooSFere (rédigé en septembre 2002)


     Steampunk, post-modernité, collages et jeux littéraires ont le vent en poupe, au moins côté auteurs. On ne s'en plaint pas. Sherlock Holmes est souvent convoqué ; ainsi, naguère et magnifiquement, par René Réouven. Ici, sur la lancée d'une nouvelle, La Face claire des ténèbres, il vit dans un monde où des extra-terrestres en forme d'ours en peluche (ou d'Ewoks) ont autrefois fait naufrage, accélérant l'évolution technologique et modifiant l'Histoire. Conan Doyle y étant prématurément décédé, Dostoïevski n'ayant pas tenu le choc, Watson va de temps à autre chercher en side-car volant la version du premier qui vit dans notre univers, pour lui faire rapporter des exploits d'ailleurs très édulcorés, car le détective est un psychopathe sanglant, « assassin royal » très officiel d'une « monarchie libertaire britannique ».
     On est donc en partie dans une « uchronie de fiction », mais surtout dans un univers parallèle. Ce qui aide à jouer avec l'histoire, la géographie et les icônes : photographie inventée par Léonard — comme chez McAuley — , royaume d'Aigues France, Péruvie, États-Unis dont l'aigle emblématique tient faucille et marteau dans ses serres et dont la devise est « in socialism we trust », mission Spitz-Barsac en 1712, ou dirigeables, et apparitions plutôt brèves de Marie Curie, Albert Einstein, Thomas Edison, Butch Cassidy et le Kid, Buffalo Bill ou Sigmund Freud, plus brève encore de Picasso, moins brèves d'Oscar Wilde ou Jack London. Le flou des frontières permet aussi de jouer avec l'horreur en tirant le personnage du docteur Moriarty du côté d'Hannibal le cannibale, ou avec la fantasy, avec la malédiction plus ou moins scientifiquement explicable pesant sur la ville d'York. Avouons qu'on s'amuse bien, même si c'est parfois aussi sanguinolent qu'au Grand-Guignol, et si on aurait pu s'épargner quelques blagues de potache comme in fine la rigor mortis de tel élément de l'anatomie holmésienne. Mais peut-être sont-elles là pour désamorcer ce qu'il y aurait de trop gore.
     Pour le reste, cela se veut un feuilleton, « une grande aventure dans la tradition de la littérature populaire du début du siècle », entre pastiche et hommage, avec des titres de chapitre commençant systématiquement par Où... Ce qui fera pardonner par exemple, parce que Ponton du Sérail fit pire, un « vous n'êtes pas sans l'ignorer » dont l'auteur peut d'ailleurs s'exonérer : il l'a placé dans un dialogue. C'est aussi un livre fort stolzien, fonctionnant sur des images fortes. Successivement et sans préjudice d'autres épisodes et images mineures, Holmes et Wilde aux trousses de Jack l'Éventreur et poursuivant un démon, la cité interdite d'York déjà mentionnée, avec sa cathédrale pavoisée de peaux humaines, une expédition mercenaire en Amérique latine, un dirigeable vite détourné, une vallée andine perdue, riche — comme il se doit — en dinosaures... Les « grandes scènes » s'enchaînent, que l'intrigue cimente d'autant mieux que les péripéties entraînent le lecteur, l'empêchant de trop regarder aux détails et aux soudures. Et si, après avoir lu la dernière page, il se retourne en se disant qu'il a bien dû se faire avoir quelque part, l'affaire a été assez plaisante pour tout excuser. Il pourra même y voir, paradoxalement, une morale derrière les apparences, et un jeu bien plus subtil qu'il n'y parait sur le bien et le mal. Et cela donne envie de souhaiter que l'auteur ne se perde pas trop dans les travaux alimentaires.

Éric VIAL (lui écrire)
Première parution : 1/6/2002 dans Galaxies 25
Mise en ligne le : 1/2/2004


     « — Vous êtes sûr de tout ça, Holmes ?
     — Bien sûr que non, mais c'est toujours amusant de se lancer dans une telle narration déductive. »

     Voici quelques milliers d'années, le vaisseau extraterrestre des Worsh s'est écrasée sur la Terre, faisant éclater la « sphère des certitudes humaines » pour aboutir à la formation de deux univers parallèles. Dans notre monde, celui des « sceptiques », les Worsh n'ont jamais existé, pas plus que l'improbable détective nommé Sherlock Holmes. Dans le deuxième monde, celui des « crédules », la cohabitation des humains avec les extraterrestres a permis une évolution politique et technologique alternative, tandis que Holmes et Watson parcourent les rues de Londen, la capitale anglaise.
     Brillant inventeur, le docteur Watson a mis au point un « ondovibrateur » qui autorise le passage d'un univers à l'autre. C'est ainsi qu'il rencontre Arthur Conan Doyle, à qui il propose de devenir le « biographe » de son ami le détective.
     Le véritable Holmes est passablement différent de celui que peint Conan Doyle, poussé par la nécessité d'adapter ses récits à sa propre réalité, en gommant notamment toute allusion aux Worsh. A Londen, Holmes a obtenu de la Reine Epiphany Ière le privilège de rendre lui-même une justice expéditive en toute impunité. Il n'hésite pas, par exemple, à torturer et à crucifier un archevêque. L' « assassin royal » est un aventurier intrépide et même casse-cou dont le cynisme et la cruauté n'ont guère à envier à ceux de Moriarty. Bien qu'il demeure séducteur et charismatique, Holmes désobéit ainsi à l'injonction de Nietzsche placée en exergue du livre premier : « Quiconque combat les monstres doit s'assurer qu'il ne devient pas lui-même un monstre. »

     Le roman se structure en trois parties bien distinctes. Le premier tiers reprend une novella publiée dans Cyberdreams sous le titre de La Face claire des ténèbres. On y assiste aux enquêtes successives de Holmes puis de Conan Doyle dans leurs univers respectifs, chacun démasquant son Jack l'éventreur. Si la nature des criminels est différente dans les deux mondes, leur mobile est identique : c'est l'instinct de l'équarrisseur, ou la quête d'une singulière immortalité...
     La deuxième partie, nommée Entr'actes, est centrée sur Elizabeth « Shiva » Worrington, une femme ténébreuse et impitoyable en qui l'on reconnaît un véritable personnage de Thomas Day, à la (dé)mesure d'un Daemone Eraser 1 ou d'une princesse Lyrhène 2. Perçant le mystère de la cité interdite de York, où disparaissent tant d'enfants, elle s'associera à Moriarty pour rechercher en Péruvie l'arche légendaire des Worsch et rencontrera entre autres Jack London, Butch Cassidy et le Sundance Kid.
     La troisième et dernière partie confronte enfin Holmes et Conan Doyle à Moriarty. Le génial criminel a enlevé de nombreux savant, dont Marie Curie, Thomas Edison, ou encore Nikola Tesla. Une course-poursuite s'engage alors, au cours de laquelle nos héros devront inévitablement affronter quelques dinosaures...

     La mode est décidément au steampunk, au risque de provoquer l'indigestion du lecteur. Il serait compréhensible que la seule idée d'un nième pastiche holmesien mâtiné de SF pseudo rétro dans une nième Angleterre fantasmée puisse décourager l'amateur le plus patient, même si la figure mythique du fameux détective se prête particulièrement bien à ces multiples réappropriations. Que l'on se rassure : sauf à être totalement imperméable au steampunk, il faut reconnaître que le roman de Thomas Day s'avère aussi ingénieux que réjouissant !
     En effet, si l'intrigue délibérément feuilletonesque de ce récit alerte et inventif fourmille de rebondissements, elle n'en demeure pas moins parfaitement cohérente. Au-delà du divertissement, but premier de cette aventure extravagante, L'Instinct de l'équarrisseur est aussi une intéressante variation sur le thème immortel de la quête d'immortalité et sur la déshumanisation qu'elle suppose.
     En outre, l'humour est omniprésent, parfaitement intégré à la noirceur sous-jacente de l'histoire. Dérision subtile et ironie mordante rivalisent et cèdent même parfois la place à de véritables scènes burlesques, comme les transferts approximatifs de Watson d'un monde à l'autre, qui le projettent tantôt au beau milieu d'un plafond, tantôt du mauvais côté d'un balcon. On appréciera également les apparitions furtives de quelques illustres personnages, comme celle de William Hope Hodgson, qui en profitera pour baptiser son Carnacki, ou encore celle de Sigmund Freud, qui trouvera en Holmes un sujet d'analyse extrêmement récalcitrant...

     La dimension ludique de cet excellent pastiche crée ainsi un plaisant contraste avec les personnages violents et tourmentés chers à Thomas Day et très présents dans ce roman. S'il ne fallait lire qu'un seul roman de steampunk, L'Instinct de l'équarrisseur pourrait légitimement être celui-là !

Notes :

1. in Les Cinq contrats de Daemone Eraser
2. in Rêves de guerre

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 10/4/2002 nooSFere

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