Mike RESNICK Titre original : An Alien Land, 1998 Première parution : Portland, USA : Dark Regions Press, juillet 1998 Traduction de Jean-Marc CHAMBON Illustration de KAÏN
FLAMMARION
(Paris, France), coll. Imagine n° (24) Dépôt légal : avril 2001, Achevé d'imprimer : avril 2001 Première édition Recueil de nouvelles, 336 pages, catégorie / prix : 104 FF ISBN : 2-08-067995-3 Format : 13,0 x 20,0 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Mike Resnick, né en 1942, s'est imposé ces dix dernières années comme un des grands de la science-fiction américaine grâce à des récits inspirés de sa découverte émerveillée de l'Afrique et conjuguant harmonieusement exotisme, ethnologie et enjeux éthiques. Le cycle de Kirinyaga (Folio SF), que l'on a pu comparer aux Chroniques martiennes de Ray Bradbury, lui a valu tous les prix spécialisés. La belle ténébreuse, paru dans la présente collection, a obtenu le prix Tour Eiffel 2000.
Que se serait-il passé si l'Afrique avait été colonisée par d'autres occidentaux que les Anglais, les Français ou les Belges ? Si Theodore Roosevelt, par exemple, s'était lancé dans la noble mission d'apporter au Congo le savoir et les principes démocratiques américains ?
Et si l'Ouganda, décimé par le Sida, recelait en même temps le secret de la guérison de ce terrible fléau ?
Longtemps après l'extinction de l'espèce humaine, qu'est-ce que la gorge d'Olduvaï, en Tanzanie, peut avoir à apprendre à une civilisation d'outre-espace hyper-évoluée venue se pencher sur ce que l'on dit être le berceau de l'humanité ?
Huit « impressions d'Afrique » dans le prolongement du cycle de Kirinyaga, le chef d'œuvre de Mike Resnick. De la fable humaniste à la vision d'ampleur cosmique, un voyage sur un continent que l'auteur juge « plus beau, plus sauvage, plus évocateur et certainement plus dépaysant que Mars ou Proxima du Centaure ».
1 - Pourquoi l'Afrique ? (Why Africa?, 1989), pages 8 à 13, préface, trad. Jean-Marc CHAMBON 2 - Le Dieu pâle (The Pale Thin God, 1993), pages 14 à 18, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 3 - Épatant ! (Bully!, 1990), pages 19 à 109, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 4 - Mwalimu et la quadrature du cercle (Mwalimu in the Squared Circle, 1993), pages 110 à 127, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 5 - La Fine équipe (The B Team, 1992), pages 128 à 149, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 6 - Mike RESNICK & Susan SCHWARTZ, Bibi (Bibi, 1995), pages 150 à 214, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 7 - L'Exil de Barnabé (Barnaby in Exile, 1994), pages 215 à 231, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 8 - Les Quarante-trois dynasties d'Antarès (The 43 Antarean Dynasties, 1997), pages 232 à 253, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON 9 - Sept vues sur la gorge d'Olduvaï (Seven Views of Olduvai Gorge, 1994), pages 254 à 320, nouvelle, trad. Jean-Marc CHAMBON
Critiques
Inutile d'aller dans les étoiles pour peindre des sociétés étrangères, c'est ce qu'affirme Mike Resnick, l'Africain, qui a depuis longtemps trouvé sa source d'inspiration dans le continent noir. Après Ivoire, Kirinyaga et d'autres, il nous régale à nouveau avec ces huit récits (un de plus que dans l'édition américaine du présent recueil), qui témoignent de sa fascination pour l'Afrique.
Toutes les nouvelles n'appartiennent pas au champ de la science-fiction : à côté de textes apparentés aux contes et légendes, comme « Le Dieu pâle », davantage empreints de magie et de fantastique (dans « La Fine équipe », les colons anglais opposent aux Mau-Mau qui ont convoqué pour les défendre Hermès, un autre dieu antique), on trouve des récits proches de la littérature générale. « L'Exil de Barnabé » s'y rattache, qui présente un chimpanzé bonobo, très doué pour parler le langage des signes, rendu à la vie sauvage faute de crédits, forcé de s'adapter dans un monde dont il ignore les règles.
L'exotisme dont parle Resnick réside d'abord dans la mentalité particulière des Africains, comme l'apprend à ses dépends le Théodore Roosevelt d'un univers parallèle qui a décidé de faire du Congo belge une nation démocratique dévolue au savoir et au progrès (« Épatant ! »).
Malgré un décor très typé, Resnick touche à l'universalité, raison pour laquelle ses récits, limpides dans leur simplicité, parlent à tous. Dans « Mwalimu et la quadrature du cercle », il évoque les ravages de la guerre en imaginant que les représentants de la Tanzanie et de l'Ouganda s'opposent en un inégal combat singulier pour épargner à leurs pays les désordres d'un conflit. « Bibi », écrit en collaboration avec Susan Swartz, traite fort singulièrement du Sida : alors que les associations caritatives, malgré leur insistante bonne volonté, demeurent impuissantes, c'est l'ancêtre de l'homme, la Lucy des origines, qui intervient pour soigner son peuple décimé.
Mais le récit le plus universel reste encore « Sept Vues sur la gorge d'Olduvaï », déjà publié dans la revue Galaxies, où des extraterrestres, en Afrique, interrogent des vestiges, recomposant à partir d'eux la fresque de l'humanité depuis ses origines jusqu'à sa formidable expansion dans l'univers et à son extinction... provisoire.
Au total, Resnick nous offre ici une magistrale démonstration qui prouve une fois de plus qu'en prenant l'Afrique pour thème, il parle à tous.
Prix Tour Eiffel de Science-Fiction 2000 pour La Belle ténébreuse, Resnick s'est imposé auprès des lecteurs français avec son superbe cycle de Kirinyaga. À juste titre : peu d'auteurs, outre-Atlantique, ont été moins “ nationaux ”, plus universels, mieux capable d'approcher des cultures différentes, sinon opposées...
Sous d'autres soleils, qui regroupe huit récits indépendants du cycle précité, renoue avec l'inspiration africaine qui vaut à l'auteur américain lecteurs, prix et considération. Le titre original du recueil, An Alien Land — qu'on pourrait traduire par Une terre étrangère comme par Une Terre extraterrestre, et qui renvoie à la préface de Resnick — , reflète l'intérêt de l'auteur pour l'Afrique, exprimé avec brio et émotion dans sa préface : “ c'est un pays plus beau, plus sauvage, plus évocateur et certainement plus dépaysant que Mars ou Proxima du Centaure III ”.
Cruel, dans sa présentation de Quarante-trois dynasties d'Antarès, Resnick ironise sur le touriste moyen (finalement, un type universel !) qui parle de football américain au lieu d'écouter les explications du guide égyptien, un homme “ de loin plus cultivé que 99 [%] des gens qui louaient ses services ”... Cette anecdote, recueillie par l'écrivain au cours d'un voyage au pays des pharaons, a inspiré une nouvelle caustique et bouleversante, décrivant avec autant d'acuité que de sensibilité l'humiliation du colonisé qui tente de conserver sa dignité face au touriste riche, arrogant, stupide et inculte issu de la puissance dominante...
Resnick mêle à ce regard critique sur sa propre société une volonté de compréhension de l'autre. Aucune fausse note dans ce recueil, à l'exception de La Fine Équipe, une pochade heureusement brève très en dessous de l'ensemble du volume. Mais le reste ! Satirique, férocement anticlérical, d'une rare cruauté, Le Dieu pâle est un chef d'œuvre du récit court. Bouleversant, Mwalimu et la quadrature du cercle est un superbe hommage à Julius Nyerere, ce socialiste africain échouant à transformer son pays... Saisissant, L'Exil de Barnabé offre une relecture africaine de Des fleurs pour Algernon, vertigineuse interrogation sur ce qu'est l'humain.
Mais s'il fallait choisir un récit encore supérieur à tous les autres, qui aborde lui aussi cette problématique chère à la SF, c'est Sept vues sur la gorge d'Olduvai, choisi à juste titre pour clore cet éblouissant recueil (NDLR : Galaxies est fière, rétrospectivement, de l'avoir choisi pour illustrer le dossier consacré à Resnick dans notre n° 8), que je désignerais. Cette novella, chef d'œuvre de sensibilité, d'émotion et d'intelligence, aborde avec une acuité saisissante la définition même de l'Homme ; on y trouve une référence explicite à une scène-choc de 2001, l'Odyssée de l'espace, le film de Stanley Kubrick, des références à l'un des hauts lieux de la paléontologie moderne, mais surtout une vision peu commune de la nature si particulière de l'humanité, aussi effrayante dans sa sauvagerie qu'extraordinaire dans ses ambitions cosmiques. Aucun texte ne pouvait mieux justifier ce recueil que cette réussite littéraire absolue, celle dont un écrivain peut être fier, l'un de ces textes que l'on relit périodiquement et qui reste dans les mémoires.
Indispensable à toute bibliothèque idéale du genre, Sous d'autres soleils est l'arme idéale pour gagner à la science-fiction tous ceux qui, jusque-là, croyaient qu'elle leur était nécessairement étrangère.