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Vous avez dit virtuel ?

Pat CADIGAN

Titre original : Tea from an empty cup, 1998
Traduction de Nathalie SERVAL
Illustration de Sofiane TILIKETE

FLAMMARION (Paris, France), coll. Imagine n° (2)
Dépôt légal : avril 1999
Première édition
Roman, 250 pages, catégorie / prix : 104 FF
ISBN : 2-08-067718-7
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Y aurait-il quelque chose de pourri au royaume de la réalité artificielle ?
     Dans l'espace virtuel, promu au rang de parc d'attractions en ce début de troisième millénaire, certains joueurs disparaissent... D'autres en reviennent, mais dans quel état !
     C'est que l'on ne visite pas impunément « New York postapocalyptique », « Los Angeles post-sismique », ni ce Japon virtuel que certains cherchent à faire revivre dans le réseau depuis que tout l'archipel nippon a été rayé de la carte par un tremblement de terre.
     Yuki, inquiète de ne plus avoir de nouvelles de son amant, et l'inspectrice Dore Konstantin, qui enquête sur la mort d'un cybernaute égorgé dans sa cabine, vont en faire la cruelle expérience en se risquant de l'autre côté du miroir. Un voyage dans un univers de cauchemar où rien ni personne n'est jamais ce qu'il paraît être et dont la violence, pour virtuelle qu'elle soit, peut mener à une mort bien réelle...

     Pat Cadigan, née en 1953, est considérée aux Etats-Unis comme une des plus vigoureuses rénovatrices des littératures de l'Imaginaire. Côté fantastique, elle explore des territoires de l'inquiétude très personnel (L'épreuve du feu, Les garçons sous la pluie, Denoël). Côté science-fiction, elle se situe dans la mouvance des Cyberpunks comme le montrent Les synthérétiques (Denoël) et Mise en abyme (J'ai lu), deux romans couronnés par le prix Arthur C. Clarke.
Critiques
     Si les modules de Réalité Virtuelle récréatifs les plus populaires sont ceux mettant en scène des guerres de gangs dans des villes post-apocalyptiques, quand les usagers commencent à mourir sous le casque au moment même où leur arrivent des malheurs dans le virtuel, il y a quelque chose qui cloche. Et de quoi motiver l'intervention de la police.
     L'inspectrice Konstantin enquête sur le meurtre de Tomoyuki Iguchi, un jeune homme retrouvé la gorge tranchée dans le club de RV duquel il se connectait à Noo Yawk Sitty post-apocalyptique. Elle doit faire face à une patronne de club peu encline à coopérer avec les forces de l'ordre, à des employés frustrés, et à des clients qui éprouvent pour la virtualité une loyauté à la mesure de leur échec dans la réalité ordinaire. Pendant ce temps, Yuki, une jeune femme d'origine japonaise, recherche désespérément le même « Tom » Iguchi, qui n'a plus donné signe de vie après être entré en contact avec une femme à la réputation de caïd du milieu, Joy Fowler.

     Chacune des moitiés de ce court roman pourrait constituer une longue nouvelle (et celle qui met en scène Konstantin a déjà été publiée en 1995 dans Omni On Line sous le titre « Death in the Promised Land », avec un dénouement quelque peu différent). Le résultat global est enlevé, moins ambitieux peut-être mais beaucoup plus lisible que Les Synthérétiques. Surtout, la virtualité y est vue avec beaucoup d'humour, sans doute parce que vue par les yeux de Konstantin, novice en matière de RV. Elle y accumule les bévues — souvent sans gravité — et s'indigne du commercialisme rapace et du légalisme hypocrite qu'on y rencontre sans cesse. Quant aux aficionados de la RV, ils paraissent aussi obsédés et ridicules que, disons, des fans de SF ! (du moins dans l'image la moins favorables qu'on peut s'en faire).

     Un fantôme plein de dignité plane cependant sur ce livre, celui du Japon, englouti bien avant dans une catastrophe jamais détaillée. Le pays ne vit plus que dans les coeurs de ses enfants dispersés dans le monde, qui sont passionnés par sa culture sans toujours bien la comprendre. On pourrait prendre cela comme une touche d'ironie de plus, un regard biaisé sur la fascination japonaise des fondateurs du cyberpunk qu'ont été William Gibson et Bruce Sterling ; mais ce Japon virtuel sait exercer une véritable fascination, susciter de véritables émotions.

     On peut comparer ce livre au 10ème Cercle de Guy Thuillier : celui de Cadigan est l'oeuvre d'une auteur infiniment plus expérimentée, voire blasée ; ses personnages ne remettent pas en question la structure de leur univers, restent au niveau de l'anecdote, mais brillamment exécutée, pleine de petites trouvailles, et sans cesse prenante. Comme un très bon roman policier.

Pascal J. THOMAS (lui écrire)
Première parution : 1/9/1999 dans Bifrost 15
Mise en ligne le : 20/1/2001


     Les cybernautes louent à des sociétés équipées pour le virtuel des cabines dans lesquelles ils peuvent enfiler une combinaison et visiter des mondes artificiels cataclysmiques tels que Los Angeles post-sismique, New York postapocalyptique. Le prochain succès pourrait être le Japon virtuel que certains cherchent à numériser depuis que l'archipel a été englouti dans un tremblement de terre. Mais, à l'instar du Mystère de la chambre jaune, les meurtres s'accumulent dans les cabines sans que personne n'y ait pénétré. L'inspectrice Dore Konstantin enquête sur la mort d'un cybernaute égorgé en reprenant son avatar, Shantih Love, et en le promenant dans l'inquiétant module de Guerre des gangs. De son côté, Yuki, inquiète de la disparition de son amant Tom Iguchi, se lance à son tour dans l'exploration de l'univers virtuel. Les deux enquêtes finiront bien évidemment par se rejoindre.
     Les deux femmes sont des naïves qui permettent de faire découvrir au lecteur le fonctionnement de la société virtuelle du xxie siècle. Ces univers où les lois physiques n'ont plus cours, où les délires et les faux-semblants sont la norme, reposent sur un mensonge permanent propre à déstabiliser les novices. Personne n'est jamais sûr d'obtenir un renseignement juste ni de parler à la bonne personne, pas même d'être assuré qu'il s'agit d'une personne et non d'un programme évolué.
     À partir de ce postulat, condensé en un bel oxymore, la Réalité Artificielle, Pat Cadigan décline les impacts sociaux et psychologiques qui en découlent, dans un assez époustouflant bouillonnement d'idées. Face au virtuel, la réalité est considérée comme une vie Kleenex, molle et sans relief. Les gens préfèrent obtenir des accès à des clubs inexistants, acquérir des prestiges virtuels plutôt que devenir quelqu'un dans la vraie vie. Il est sûr que l'impression d'immortalité donnée avec la possibilité de recommencer un parcours est plus exaltante et plus rassurante que les risques pris dans la réalité, où les conséquences sont effectives et les décès irrémédiables. Du coup, le virtuel équivaudrait à cultiver l'irresponsabilité et le mensonge comme art de vivre.
     Du très bon Pat Cadigan.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/6/1999 dans Galaxies 13
Mise en ligne le : 15/12/2000


Le titre original, bien plus poétique, est extrait d'une énigme zen : "Comment peut-on boire du thé dans une tasse vide ?"
     En avançant dans le roman, dont le thème central est la réalité virtuelle, le sens de ce titre sibyllin s'impose : "Où trouver de la réalité dans le virtuel ?", "Comment trouver la vérité dans un univers où par définition tout est mensonge ?"
     C'est là toute la difficulté de la double enquête de Yuki et de l'inspecteur Konstantin, toutes deux novices en réalité artificielle. Elles devront découvrir et explorer ces univers falsifiés, se heurter aux codes et coutumes des initiés, chercher derrière les apparences une ombre de véracité...

     Sans originalité majeure dans sa thématique si on le compare à l'ensemble de la littérature cyberpunk, ce livre est néanmoins une excellente synthèse de ce genre, servie à la fois par une intrigue policière bien menée qui tonifie l'histoire et par un style rapide et clair.
     En effet, l'une des principales qualité de ce roman est sa simplicité d'écriture. Loin de la complexité habituelle des univers cyberpunks et loin du style difficile et tortueux d'un Gibson, Pat Cadigan a signé ici un thriller qui se lit d'une traite et qui peut constituer une excellente initiation pour les lecteurs habituellement rebutés par les concepts cyberpunks.
     L'autre grande qualité est la vision très crédible que l'auteur donne à l'approche de la réalité artificielle et à la difficulté d'accès pour les non initiés. A travers les tracasseries de sous-programmes fonctionnaires et tatillons, à travers d'obscurs traffics d'icones ou de logiciels permettant d'accéder à des niveaux supérieurs, à travers la gestion prosaïque du "crédit-temps", à travers les perversions et les fantasmes assumés, nous est dépeint une sorte d'univers bancal qui oscille entre une jungle où tout est permis et une administration omniprésente et aliénante.
     Mais l'auteur n'oublie pas les mythes du genre, qu'il s'agisse de la fascination pour la culture japonaise, ou encore de la porte que l'on peut franchir si l'on va suffisamment loin, ou suffisamment vite, et qui emmène "au-delà"... Cet au-delà représente dans une société futuriste à la fois le seul espoir de conquérir encore des territoires inexplorés, de redécouvrir l'aventure et la liberté, mais aussi le seul moyen de fuite, sorte d'équivalent virtuel du "grand bleu"...

     En bref, un livre rapide et efficace, qui permet d'aborder sans difficulté les méandres insaisissables de la virtualité qui nous guette.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 15/5/1999 nooSFere

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Science-Fiction (2001 - 2007) (2002)

     Dore Konstantin est chargée d'élucider une affaire de meurtre : Tom, un jeune homme, a été égorgé alors qu'il était plongé dans une simulation urbaine post-apocalyptique. Curieusement, son avatar — son identité virtuelle — a subi le même sort. La thèse du suicide est-elle plausible ? Tom a-t-il été assassiné ? Mais d'abord, qui était-il vraiment ? Était-il japonais comme son nom complet, Tomoyuki Iguchi, le laisse penser ? Sinon, pourquoi ce pseudonyme ? L'inspectrice Konstantin, novice du réseau, va risquer sa vie et sa santé mentale en multipliant les immersions dans ces New York et ces Tokyo virtuelles mais authentiquement dangereuses, poussant le vice jusqu'à usurper l'avatar de la victime. Konstantin n'est cependant pas seule à suivre les traces de Tom, puisque Yukiko, sa petite amie, recherche une hypothétique persistance virtuelle du défunt, dont elle a également emprunté l'identité.

     Vous avez dit virtuel ? est un pur roman cyberpunk. Pat Cadigan en reprend les motifs principaux (réalité artificielle, influence japonaise, problèmes d'identité) et les décline en y adjoignant ses mythes propres sous la forme d'une enquête déjantée. Rien de nouveau sous le (cyber)soleil donc ; William Gibson est déjà passé par là. Du reste, à cause d'un style laborieux et de personnages falots, Vous avez dit virtuel ? ne convainc guère ! Ses nombreuses références à un Japon mythique paraissent artificielles et les doutes existentiels des héroïnes (Qui suis-je vraiment ? Qu'est-ce qui est réel ? Etre ou ne pas être ?) lassent vite le lecteur. L'énigme de départ — un meurtre en chambre close — n'est que prétexte à l'exploration de l'univers numérique. Ce court roman (il se lit d'une traite) anticipe néanmoins avec justesse l'absurdité potentielle du virtuel qui, par souci de réalisme, se borne souvent à imiter le réel jusque dans ses creux, sa lenteur. Cela donne lieu à des situations cocasses où l'héroïne se voit forcée, par exemple, de patienter dans une salle d'attente — virtuelle bien sûr — pour gagner un autre niveau du jeu. Car la réalité artificielle a deux inconvénients majeurs : la vitesse et, surtout, le coût. Chaque service, chaque déplacement y est en effet facturé ; argent, crédits sont le principal sujet de discussion dans les salons virtuels...

     Grâce à cette acuité, par ailleurs non exempte d'humour (voyez ces logiciels utilitaires à visage humain, programmés pour tailler une bavette avec le joueur et grignoter ainsi son crédit !), et à sa modestie, Vous avez dit virtuel ? échappe au ratage et à la mauvaise humeur du critique. Le titre original (Tea from an empty cup) était certes plus poétique. Réflexion faite, le titre français rend mieux compte de la valeur du roman : sans grand intérêt mais plutôt sympathique. Ou l'inverse.

Olivier NOËL
Première parution : 1/12/2002
dans Galaxies 27
Mise en ligne le : 2/9/2004

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