Joseph Sheridan LE FANU Titre original : Carmilla, 1872 Première parution : The Dark Blue, de décembre 1871 à mars 1872 / Londres, Royaume-Uni : Richard Bentley & Son, dans le recueil In a Glass Darkly 1872 Traduction de Jacques PAPY Illustration de Christian BROUTIN
LIVRE DE POCHE
(Paris, France), coll. Libretti n° 20004 Dépôt légal : mars 2004 Réédition Novella, 126 pages, catégorie / prix : 1,5 € ISBN : 2-253-08779-3 Genre : Fantastique
Dans un chateau de la lointaine Styrie, au début du XIXe siècle, vit une jeune fille solitaire et maladive. Lorsque surgit d'un attelage accidenté près du vieux pont gothique la silhouette ravissante de Carmilla, une vie nouvelle commence pour l'héroïne. Une étrange maladie se répand dans la région, tandis qu'une inquiétante torpeur s'empare de celle qui bientôt ne peut plus résister à la séduction de Carmilla... Un amour ineffable grandit entre les deux créatures, la prédatrice et sa proie, associées à tout jamais « par la plus bizarre maladie qui eût affligé un être humain ». Métaphore implacable de l'amour interdit, Carmilla envoûte jusqu'à la dernière ligne... jusqu'à la dernière goutte de sang ! Maître du récit de fantômes et de vampires, dans la tradition romantique du roman noir, l'Irlandais Sheridan Le Fanu (1814-1873) est l'un des pionniers du roman de mystère anglais. Carmilla (1872), texte fondateur du récit de vampires, annonce le Dracula (1897) de Bram Stoker.
1 - François RIVIÈRE, Sheridan Le Fanu et les vampires, pages 7 à 13, préface 2 - François RIVIÈRE, Filmographie sélective du vampire, pages 15 à 17, bibliographie 3 - Carmilla (Carmilla, 1872), pages 19 à 123, roman, trad. Jacques PAPY
Critiques
Si le Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu n'est pas la première manifestation notable de l'histoire de vampires dans la littérature anglo-saxonne, il n'en reste pas moins une étape essentielle sur la longue route qui aboutira un quart de siècle plus tard au chef-d'œuvre incontesté du genre : le Dracula de Bram Stoker (1897).
Dans cette longue nouvelle gothique qui se situe au début du XIXe siècle, l'auteur adopte le point de vue de Laura, une jeune fille désœuvrée et un brin neurasthénique, qui vit avec son père dans un château de Styrie. Un beau jour, Laura et son père recueillent Carmilla, une jeune fille troublante et mystérieuse, ce qui réjouit particulièrement la narratrice, à qui la solitude pèse douloureusement. Cependant, d'inquiétants phénomènes surviennent bientôt dans les environs du château, tandis qu'un magnétisme singulier se développe entre Laura et son invitée. Qui est vraiment Carmilla ?
Comme Jacques Papy le souligne dans un avertissement au lecteur, puis dans diverses notes infrapaginales, l'intérêt de la nouvelle n'est pas franchement à rechercher dans sa forme : un style ampoulé (et on pourrait ajouter : désuet), parfois ridicule, des maladresses, voire des erreurs de narration (conséquences probables des troubles psychologiques dont souffrait l'auteur au moment où il composait son récit)... Bref, s'il ne marquait pas une borne majeure dans l'histoire de la littérature fantastique, par son thème et le traitement qui lui est réservé, ce texte pourrait facilement passer pour une œuvre mineure de son auteur.
Le vampire, ou plutôt la vampire, est en effet présentée ici sous un jour qui deviendra extrêmement populaire, et qui fera plus qu'inspirer Stoker : prédateur autant que victime, sauvage et romantique, le tout sous les séduisants atours de l'aristocratie slave. Mais l'histoire elle-même est loin d'être sanglante ou grand-guignolesque : le récit étant raconté du point de vue d'une jeune fille fragile et impressionnable, son approche est d'autant plus inquiétante qu'elle reste allusive et ambiguë, imprégnée de superstition, et pimentée d'une petite touche saphique qui donnera probablement du grain à moudre aux amateurs de croustillant.
Même si Carmilla ne risque plus de faire frissonner dans les chaumières plus d'un siècle après sa publication originale, il n'en demeure pas moins un grand classique, une lecture obligée pour tous les amoureux des suceurs de sang qui savent qu'il n'y a pas que Lestat — ni même Dracula — dans la vie.