Bernard Simonay place les décors de sa série Les Enfants de l'Atlantide à différentes périodes de l'Antiquité. Pour développer l'intrigue du Prince déchu, le premier volet, il retient le néolithique et plus précisément le mégalithique, à l'époque de l'érection des pierres levées de Carnac. Les chercheurs s'accordent pour dire que celles-ci n'ont pu être érigées que par des individus appartenant à une civilisation avancée. En effet, peu à peu, on découvre dans le golfe du Morbihan, l'existence d'une civilisation socialement organisée, maitrisant un niveau technologique remarquable tant en astronomie, médecine, architecture, qu'en poterie, vannerie...
C'est dans ce cadre que l'auteur fait évoluer Jehn. Il est le fils d'Aalthus, le chef du clan des Loups. Cependant, il est bien différent de tous ceux qui l'entourent. Sa conception, d'ailleurs, reste mystérieuse et à sa naissance les choses ont failli mal tourner. Il s'en est fallu de peu qu'Aalthus le tue d'un coup de poignard.
Jehn est troublé. Alors qu'il va vivre l'initiation à l'âge adulte, il découvre qu'il est capable, sous le coup d'une vive émotion, de se transporter dans le corps d'un animal. Il est sujet à des rêves, des cauchemars qui lui laissent des images qui persistent au réveil, comme une femme aux yeux verts qui l'appelle au secours dans un paysage d'apocalypse.
Après les cérémonies qui en ont fait un chasseur, il est confronté à la mégalomanie et la volonté d'hégémonie de Dravyyd, le kheung (chef) des tribus de la Petite Mer (Morbihan). Celui-ci veut réduire le pouvoir des clans, asseoir une autorité durable par la force des armes et non par la qualité de son gouvernement. Face à cet adversaire qui voit en lui un dangereux rival, Jehn doit faire face aux traquenards, à la trahison. Il vaincra, mais sans pourtant éloigner le danger car Dravyyd est prêt à toutes les compromissions pour rester au pouvoir. Alors qu'il chassait loin du clan, les siens sont trahis et emmenés en esclavage. Commence pour Jehn une quête initiatique vers sa propre découverte en même temps qu'il brave les mille dangers de ce monde hostile, dangers venant plus des hommes que de la nature.
Bernard Simonay, en retenant pour titre Le Prince déchu, écorne quelque peu le suspense. Cependant, ses qualités de conteur, son art de créer et faire évoluer les péripéties, d'animer des groupes de personnages donnent à ce récit une tension et suscitent un vif intérêt. Le cadre de l'intrigue, le décor, présentent également un attrait supplémentaire par la découverte d'une civilisation en devenir. Et on se laisse très facilement aller au plaisir de suivre cette histoire, d'en découvrir toutes les composantes. Bien sûr, le héros va évoluer vers son destin. Mais comment va-t-il y arriver et comment va-t-il le faire ?
Jehn, bien que héros de fantasy aux muscles aussi développés qu'un Conan, n'utilise ceux-ci qu'en dernier recours, quand les autres solutions restent sans effet. Il est vrai que l'auteur le dote de compétences paranormales intéressantes, qui l'aident fortement à se sortir des situations dangereuses. Il a le pouvoir de s'incarner dans des animaux, de ressouder ses propres plaies...
L'auteur décrit, avec le clan des Loups, un monde en harmonie, harmonie entre ses membres et avec leur environnement. Il montre aussi l'évolution de la nature humaine, l'émergence de la cupidité, de l'ambition, de la tyrannie « à la petite semaine ». Il émaille son récit de réflexions sur la morale, sur le respect mutuel, sur la nécessaire complémentarité des individus, sur le rôle d'un vrai gouvernant. Des déclarations bien pieuses, mais qu'il est bon de rappeler avant que leurs significations ne disparaissent !
Par contre, je me demande si l'expression : vieux bandit, était déjà en usage à cette époque.
Le Prince déchu est une excellente entrée dans la série, par ses qualités romanesques et la vision fugitive du Paradis Perdu !
Serge PERRAUD
Première parution : 10/10/2006 nooSFere