Nous rencontrons chaque jour de fameux entêtés, mais gageons qu'il est rare d'approcher un têtu tel que celui proposé par Jules Verne. Le seigneur Kéraban – prospère négociant en tabacs – refuse un jour de payer un impôt minime, pour traverser le Bosphore et aller de Constantinople à Scutari (faubourg élégant de l'ancienne capitale de l'Empire Ottoman). Plutôt que d'acquitter cette somme modique, ce Turc obstiné décide de rejoindre sa demeure... en longeant la Mer Noire. L'entêtement de Kéraban nous permettra d'accomplir un voyage merveilleux dans un Orient placé encore sous le signe des Mille et une Nuits. Un voyage, où ne manqueront d'ailleurs pas les aventures, parfois comiques, quelquefois dramatiques. Mais, dans ce charmant récit tout s'achèvera joyeusement ; même pour le malheureux Hollandais Van Mitten qui a fui une femme autoritaire... et se voit contraint d'en épouser une seconde ! Quant à Kéraban, il ne paiera pas la taxe – qu'il juge vexatoire – et franchira le Bosphore d'une manière plus qu'inhabituelle.
Charmante fantaisie où l'humour ne le cède en rien à la peinture des paysages et des caractères, Kéraban le Têtu est un « voyage extraordinaire » en des contrées qui exercent toujours un attrait féérique sur nos esprits. Une « turquerie » ? peut-être ; mais aussi réussie que l'Enlèvement au sérail, de Mozart.