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La Taupe et le Dragon

Joël CHAMPETIER

Première parution : Montréal, Canada : Québec/Amérique, 1991


QUÉBEC / AMÉRIQUE (Montréal, Canada), coll. Littérature d'Amérique précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1991, Achevé d'imprimer : octobre 1991
Première édition
Roman, 352 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : 2-89037-548-X
Format : 14,0 x 20,3 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture

Abitibien de naissance, Joël Champetier a publié de nombreuses nouvelles de science-fiction ainsi que des romans pour jeunes. Il est actuellement directeur littéraire de la revue Solaris.

Sur Nouvelle-Chine, la révolte gronde. Cette planète n’arrive pas à rembourser les énormes prêts que lui ont consentis le Japon et l’Europe lors de la coûteuse étape de la colonisation et de l’adaptation génétique de la flore. Selon les rumeurs, la Nouvelle-Chine romprait tout ses liens avec la Terre sans payer sa dette.

Le Colonel Wang et son aide, Réjean Tanner, reçoivent la mission de réveiller une «taupe» infiltrée dans le gouvernement néo-chinois et de recueillir tous les renseignements qu’elle a pu récolter à ce sujet.

Roman de science-fiction, roman d’aventure ou roman d’espionnage, La Taupe et le Dragon est tout cela et bien plus: c’est la peinture baroque d’une planète colonisée par les Chinois. L’exotisme à la fois géographique et culturel, l’intrigue savamment menée, l’originalité et la richesse de l’imaginaire de l’auteur maintiennent le lecteur dans un plaisir constant.

Critiques
     Après Chronoreg de Daniel Sernine 1 et avant Chroniques du Pays des Mères d'Elisabeth Vonarburg 2, les éditions Québec-Amérique nous ont offert La Taupe et le Dragon, premier roman de SF pour adultes de Joël Champetier — écrivain québécois dont les lecteurs d'YS vont commencer à connaître le talent puisqu'il est présent pour la seconde fois dans nos pages, et ce avec le texte le plus long que nous ayons publié jusqu'à présent.
     Si je précise « pour adultes », c'est bien entendu par opposition aux précédents romans de Champetier, parus dans les collections pour adolescents des éditions Paulines (« Jeunesse-Pop »). Et adulte, ce roman l'est assurément. Tout comme la SF québécoise, qui est parvenue ces dernières années à sa maturité : qualité stylistique, profondeur des thèmes, densité des intrigues, tonalité bien différenciée des autres SF dont j'ai connaissance (USA, Grande-Bretagne, France) mais qui ne saurait être réduite à une série de clichés locaux...

     La science-fiction se nourrit de l'air du temps, et il est clair qu'avec la fin de la Guerre Froide, c'est toute une déclinaison de thèmes et variations qui disparaît pour notre genre. Pas seulement pour notre genre, en fait : la Guerre Froide était une part importante de l'imaginaire collectif de l'Occident, et ce sous-genre littéraire qu'est l'espionnage (à moins qu'il ne faille le considérer comme un thème ?) en était une émergence particulièrement visible. Mais alors, que faire ? Avec les programmes d'exploration spatiale qui foutent le camp, les Soviétiques qui ne peuvent plus faire peur, le spectre de l'apocalypse nucléaire qui s'éloigne un peu, quels fantômes peut-on encore agiter, sur quel artefact de l'imagination doit-on jouer de nos jours ? D'aucuns répondent « informatique », d'autres « Mars ». Quelques-uns répondent « Chine ». Et beaucoup récupèrent la structure « espionnage » pour l'utiliser avec ces nouveaux ( ?) thèmes. Le plus fort étant bien entendu Paul McAuley, qui est apparemment parvenu dans Red Dust à utiliser tout ce que je viens de citer !
     « Chine », c'est la réponse d'un David Wingrove, bien entendu, qui est en train de bâtir une colossale saga (Chung Kuo) sur l'histoire future d'une Terre dominée par le Royaume du Milieu 3. « Chine » encore pour le magistral premier roman de Maureen F. McHugh, China Mountain Zhang, qui ramasse tous les prix de SF anglo-saxons 4 — et cette œuvre très « robinsonienne » nous offre également un passage martien.
     « Chine », encore, est la réponse de Joël Champetier.

     Nouvelle-Chine est loin de la Terre. Très loin. 1,22 Unités Astronomiques, pour être précis. Mais la distance n'est pas seulement spatiale. Le tissu social de la planète se tend sous la pression que lui imposent le Japon et l'Europe, qui ont prêté de colossales sommes pour financer la terraformation et la colonisation. Nouvelle-Chine cédera-t-elle aux tentations indépendantistes, histoire de se débarrasser du joug capitaliste terrien — et donc de sa dette ? C'est en tout cas ce que craignent les autorités de la Terre, qui dépêchent un espion, Réjean Tanner, pour s'informer de l'intérieur sur la situation. Mission : s'introduire en Nouvelle-Chine, au-delà des zones permises aux Occidentaux, et découvrir pourquoi une « taupe » infiltrée dans le gouvernement néo-chinois ne s'est pas « réveillée ». Pas facile, lorsqu'on est blanc (d'où retouches chirurgicales et maquillage sophistiqué) et débarqué de fraîche date dans l'environnement strictement étranger de Nouvelle-Chine.

     De même que Daniel Sernine dans Chronoreg, Champetier a choisi la structure « espionnage » pour bâtir son œuvre et lui donner son souffle. Pour autant, on est très loin des clichés du surhomme à la James Bond et (la comparaison avec Sernine est toujours valable). Champetier leur préfère un personnage plus « normal », un jeune homme un peu perdu qui nage tant bien que mal dans la tourmente de la Nouvelle-Chine, luttant pour ne pas perdre pied tant socialement que sentimentalement. Réjean Tanner prend rapidement de l'épaisseur, il est humain, attachant, réel. Tellement réel qu'une foi monolithique en sa patrie ne saurait être dans sa psychologie — ambivalence des sentiments d'un personnage dont on comprend bien qu'il n'est pas forcément du « bon » côté de la barrière... C'est peut-être ça, une des marques de la SF telle qu'on la pratique au Québec : les personnages n'y sont pas de simples vecteurs de l'action, ils vivent et aiment, sans pour autant que l'action cesse d'être au premier plan.
     La Taupe et le Dragon est significatif de cet équilibre entre psychologie et aventure, entre intimisme et sense of wonder. La majeure partie de l'intrigue concerne la vie même du peuple de Nouvelle-Chine, son étrangeté, sa complexité, mais le tout est assis des plus solidement sur un univers scientifiquement construit avec minutie. Le double soleil de la Nouvelle-Chine, dont le redoutable Oeil de Dragon qui baigne régulièrement la planète d'une lumière verte dangereuse pour l'homme, l'environnement, absolument tout est le fruit de recherches typiquement hard science (il est passionnant de lire le dossier de Solaris #103 à ce propos, une fois qu'on a lu le roman).

     Passionnant (j'ai dévoré les 346 pages de ce roman en très peu de temps), original (qui dit thème « à la mode » — la Chine — ne dit pas automatiquement « clichés », il s'en faut de beaucoup), fouillé, attachant, excitant, La Taupe et le Dragon est une œuvre SF de première catégorie ! Évidemment, je suppose qu'il n'y a pas d'édition française prévue ?

Notes :

1. Chroniqué in YS #93.
2. Chroniqué in YS #102
3. Chroniqué in YS #74. Très prochainement, un dossier sur cet auteur.
4. Il va bien falloir que je me décide à le chroniquer !

André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/10/1993 Yellow Submarine 104
Mise en ligne le : 4/3/2004

Prix obtenus
Boréal, Roman, 1992


Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000)

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