Pour ceux qui ont lu les deux romans de Philippe Monot, Frère Aloysius et Sardequins, la préface qui introduit les douze nouvelles de cette anthologie sera une confirmation : voilà quelqu'un qui, comme tant d'autres, nourrit à l'égard de Jack Vance une admiration émerveillée, intacte. L'hommage, à la fois vibrant, instructif et drôle, se désole in fine de l'oubli relatif dans lequel le créateur de Cugel et de Rhialto semble avoir sombré ces dernières années en France, rares étant ses chefs-d’œuvre incontestables encore disponibles. De meilleurs jours se profilent cependant ; on annonce de nombreuses rééditions indispensables, et l'existence même de Sur les traces de Cugel l'Astucieux démontre de la plus belle manière combien est incontestable et durable l'empreinte laissée par Vance sur les terres de l'Imaginaire.

    Sous le globe rubicond qui n'en finit pas d'agoniser, douze auteurs se sont aventurés dans les contrées d'Almery, en ces éons ultimes de l'histoire de notre planète. Chacun à sa manière s'est inspiré du matériau fourni par Vance, respectant cependant la volonté du maître des lieux de ne pas remettre en scène le héros Cugel. Il en résulte une majorité de textes vanciens en diable, dont quelques perles brillantes comme des pierres IOUN, tels Misogynie à part et Filet d'oie braisé..., petits chefs-d’œuvre d'Ugo Bellagamba et d'Arleston qui, pour une première incursion littéraire, signe un coup de maître. À elles seules, ces deux histoires justifient l'acquisition de l'anthologie. Au fil des textes, on retrouve avec une joie teintée de nostalgie les ingrédients des plus belles chroniques d'Almery : l'humour, la misogynie potache où la beauté de la femme est constamment louée, les savoureuses formulations de la magie, une grande dose de liberté de création — qui permet à des textes beaucoup plus personnels comme ceux de Jean Millemann, de Johan Heliot ou de Thierry Di Rollo de trouver leur place dans cet univers —, sans parler de la poésie vancienne dont on retrouve le parfum dans Escale musicale ou Et Epucaü créa la vie, d'Eric David Saunier — son premier texte — et Georges Foveau.

    Une lecture conseillée donc, pour retrouver les charmes enfuis d'un monde magique à plus d'un titre.

Jonas LENN
Première parution : 1/5/2003 dans Asphodale 3
Mise en ligne le : 5/3/2025