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La Loterie et autres contes noirs

Shirley JACKSON

Titre original : Dark Tales, 2016
Première parution : Londres, Royaume-Uni : Penguin, octobre 2016   ISFDB
Traduction de Fabienne DUVIGNEAU
Illustration de Miles HYMAN

RIVAGES (Paris, France), coll. Noir (grand format) précédent dans la collection suivant dans la collection
Date de parution : 13 mars 2019
Dépôt légal : février 2019, Achevé d'imprimer : février 2019
Première édition
Recueil de nouvelles, 250 pages, catégorie / prix : 16,00 €
ISBN : 978-2-7436-4642-4
Format : 12,0 x 19,5 cm
Genre : Fantastique

Ce recueil est une traduction partielle (il manque quatre textes) du recueil "Dark Tales" paru au Royaume-Uni en 2016.
Seuls deux textes (La Loterie et Les Vacanciers) sont des rééditions, tous les autres sont inédits en français.


Quatrième de couverture

Shirley Jackson n'aura pas eu besoin de publier des dizaines de livres pour marquer la littérature. Une nouvelle, La Loterie, a suffi à laisser une empreinte indélébile dans l'esprit de tous les lecteurs de ce texte, qui fit scandale lors de sa première parution dans le New Yorker. Les autres nouvelles qui composent ce recueil sont autant de diamants noirs, troublants, obsédants, dérangeants. Tout se passe dans de petites villes, avec des commerces de proximité, dans des maisons aux pelouses impeccables et aux salons confortables, et pourtant, sous la plume diabolique de Jackson, ces lieux deviennent incroyablement anxiogènes. Sans qu'on n'ait rien vu venir, le mal s'est installé.

Shirley Jackson est née en 1916 à San Francisco et décédée en 1965. Elle est considérée comme une figure phare du roman noir gothique. Elle est l'auteure de Nous avons toujours vécu au château et de La Maison hantée (qui a donné lieu à la série The Haunting of Hill House sur Netflix). Son nom est associé à un prix littéraire important, les Shirley Jackson Awards, qui a récompensé entre autres Emma Cline.

Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - La Loterie (The Lottery, 1948), pages 7 à 20, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
2 - La Possibilité du Mal (The Possibility of Evil, 1965), pages 21 à 37, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
3 - Louisa, je t'en prie, reviens à la maison (Louisa, Please Come Home, 1960), pages 39 à 67, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
4 - Paranoïa (Paranoia, 2013), pages 69 à 86, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
5 - La Lune de miel de Mrs Smith (The Honeymoon of Mrs Smith, 1997), pages 87 à 104, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
6 - L'Apprenti sorcier (The Sorcerer's Apprentice, 2014), pages 105 à 114, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
7 - Le Bon Samaritain (Jack the Ripper, 1997), pages 115 à 121, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
8 - Elle a seulement dit oui (All She Said Was Yes, 1962), pages 123 à 143, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
9 - Quelle idée (What a Thought, 1997), pages 145 à 151, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
10 - Trésors de famille (Family Treasures, 2015), pages 153 à 173, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
11 - La Bonne épouse (The Good Wife, 1997), pages 175 à 186, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
12 - A la maison (Home, 1965), pages 187 à 201, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
13 - Les Vacanciers (The Summer People, 1950), pages 203 à 226, nouvelle, trad. Fabienne DUVIGNEAU
14 - Miles HYMAN, Shirley Jackson, la métaphysique de l'angoisse, pages 227 à 251, postface
Critiques

    Ce livre est la traduction du recueil Dark Tales, duquel ont été retirés cinq textes, mais com­plétée par la plus célèbre nouvelle de Shirley Jack­son, « La Loterie », qui ouvre le volume. Et qui constitue le premier choc, tant la scè­ne initiale de loterie organisée dans un village à l’ambiance plutôt apaisée ne peut laisser prévoir ce qui va se passer ensuite. Plus de soixante-dix ans a­près sa publication dans The New Yorker, où il avait fait scandale pour sa fin sans concession, ce texte n’a rien perdu de sa force. Shirley Jackson s’empare de lieux paisibles, y instille un léger doute, et le laisse croître et mûrir jusqu’à ce qu’il devienne appréhension, puis angoisse, et enfin terreur lorsqu’on s’aper­çoit que de doute, il n’y a plus. Plusieurs textes rassemblés ici obéissent à ce principe, com­me « Les Vacanciers », qui clôt le recueil avec la même force que « La Loterie » l’avait ouvert : un couple de retraités, habitué à aller en vacances dans un coin tranquille, décide pour une fois de prolonger son sé­jour au-delà de sa traditionnelle date de départ ; dès lors, leurs relations avec leurs voisins autochtones se détériorent progressivement, jusqu’à l’iné­luctable et horrible fin. Tragi­que destinée que Jackson a le bon goût de ne jamais dévoiler réellement : on dépasse le stade de l’allusion, l’autrice ne laisse au­cune ambiguïté sur ce qui se passera ensuite, mais conclut avant que la terreur ne devienne visuelle. Un procédé d’une efficacité redoutable : pendant la majorité du texte, la réalité de la menace fait débat, le lecteur espère toujours que les protagonistes s’en sortiront ; Jackson sape peu à peu ces espoirs, prenant au piège ledit lecteur dans la nouvelle… et la fin ne le libérera pas, puisqu’il sait ce qui arrivera aux personnages, et risque fort de voir ensuite son imagination travailler autour de ces scènes atroces. Mais les échéances affreuses ne sont pas obligatoires pour susciter l’anxiété : dans « Louisa, je t’en prie, reviens à la maison », une jeune fugueuse retourne chez elle après une parenthèse de plusieurs années, espérant se réconcilier avec ses parents. Or ces derniers la rejettent, convaincus d’avoir affaire à une usurpatrice…

    C’est sans doute aussi pour gagner en effica­cité que Jackson n’emprunte guère au fantastique : très peu de textes de genre ici, comme si user d’un argu­ment non réaliste risquerait d’amoindrir l’effet souhaité ; nul besoin d’aller chercher une créature fantastique quand une femme au foyer qui adore son mari a brusquement des visions où elle tue celui-ci ( « Quelle idée »), quand une septuagénaire qui bichonne ses roses voit ses voisins sombrer dans l’inquié­tude à mesure qu’ils reçoivent des lettres anonymes… qu’elle a elle-même rédigées ( « La Possibilité du mal »), ou quand une jeune fille kleptomane fait peser les soupçons sur d’autres élèves de son pensionnat ( « Trésors de famille »).

    La force des textes est également liée au traitement qu’en fait Jackson : délaissant tout second degré, tout humour noir à la Robert Bloch, l’autrice préfère narrer ses contes « À plat » : peu d’émotions, mais pour autant aucune distanciation qui pourrait vite se transformer en satire (une partie du propos est pourtant bien là, dans une critique sociale de l’Amérique du xxe siècle). Non, Jackson reste à proximité de ses personnages, ménage ses effets avec une économie de moyens remarquable : le style est simple, les phrases courtes, et pourtant l’impact sur le lecteur est énorme.

    De Shirley Jackson, on connaît surtout La Maison hantée et Nous avons toujours vécu au château, deux splendides romans fantastiques. On aurait tort de passer à côté de La Loterie et autres contes noirs, recueil de textes brefs où le fantastique cède la place au réalisme, mais avec la même ambition de semer tourment et angoisse dans l’esprit du lecteur. Mission réussie.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/8/2020 dans Bifrost 99
Mise en ligne le : 12/4/2024


    On a du mal, aujourd’hui, à peser combien la nouvelle de Shirley Jackson « La Loterie » a pu bouleverser son lectorat en 1948 ; on a à vrai dire du mal à comprendre comment cette nouvelle, certes très réussie, a pu susciter un tel scandale — comme l’illustre Miles Hyman, petit-fils de l’autrice, dans une édifiante postface. Aujourd’hui, la célébrité de cette nouvelle joue un peu contre elle : si le propos demeure juste, et glaçant, le lecteur de 2019 ne saurait être choqué comme celui de 1948 — ni même aussi surpris.

    Mais la malédiction de « La Loterie » est peut-être celle de l’arbre qui cache la forêt, et l’initiative de Rivages consistant à publier le présent recueil n’en est que plus salutaire : ces Contes noirs regorgent de merveilles qui valent bien, voire surpassent, « La Loterie », et révèlent l’incroyable talent de Shirley Jackson, figure éminente du fantastique contemporain — encore que le qualificatif de « fantastique » puisse prêter à débat : le surnaturel n’est que bien rarement de la partie ; ce qui est au premier plan c’est alternativement la terreur, l’angoisse, le malaise…

    L’autrice a un don inégalé pour susciter tout cela dans le plus terne des environnements : ces petites villes banlieusardes américaines, souvent, parfois quelque trou plus reculé où des citadins se rendent comme par défi — ou par désir maladif de jouer aux châtelains (La Maison hantée et Nous avons toujours vécu au château partagent bien des traits avec ces nouvelles). Des mondes clos, où tout le monde connaît tout le monde… Des pavillons qui se ressemblent tous, des ragots qui s’échangent chez l’épicier, des vieilles dames souriantes quand leur cœur est vicié, des coutumes que rien ne justifie sinon un bête « on a toujours fait comme ça »… Sous les façades proprettes, « La Possibilité du mal » ; dans la communauté, l’oppression conservatrice du troupeau — ou de la meute ; dans les couples, rancœurs et abus de pouvoir ; partout, la mesquinerie triomphante, la méchanceté à l’état pur, non assumée mais pas moins redoutable — l’hypocrisie et le mauvais esprit comme traits caractéristiques d’une Amérique des années 1940-1950 qui s’affiche pourtant bien plus admirable.

    Dans cet environnement devenu emblématique, Shirley Jackson tisse des récits courts à l’intrigue resserrée, au style faussement simple mais toujours percutant. Nombre de ces nouvelles sont « à chute », un exercice périlleux dans lequel elle brille — mais son art du récit ressort bien davantage de ces quelques phrases en apparence anodines qui, le moment venu, font brutalement basculer le récit, et sans pour autant que la rupture ne sonne artificielle. Elle bâtit une façade avec adresse, mais se réjouit probablement davantage à la fissurer, voire à la démolir — et le lecteur marche, ravi d’être manipulé.

    Cet excellent recueil est une ode à la nouvelle « fantastique », au malaise et aux vices cachés. À le lire, on voit bien tout ce que les auteurs ultérieurs du genre doivent à Shirley Jackson — pensons à un Stephen King, tout spécialement quand il délaisse ses pavés romanesques pour retourner à l’épure et à la densité du récit court ; les deux auteurs partagent cette qualité rare leur permettant de poser une ambiance en trois phrases, et de dynamiter les certitudes du lecteur en une seule.

    Lire les nouvelles de Shirley Jackson ne relève en rien de l’archéologie critique : ces « contes noirs » se montrent toujours aussi redoutables aujourd’hui, pour la plupart, et constituent une lecture délicieuse. L’ensemble est un modèle du genre, chaudement recommandé à quiconque apprécie les frissons littéraires, et est prêt à affronter la réalité du mal, dissimulée sous le sourire des proches.

Bertrand BONNET
Première parution : 1/7/2019 dans Bifrost 95
Mise en ligne le : 12/10/2023

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Lottery (The) , 1969, Larry Yust (d'après le texte : La Loterie)
Histoires insolites ( Saison 1 - Episode 02 : Les Gens de l'été ) , 1974, Claude Chabrol (d'après le texte : Les Gens de l'été), (Episode Série TV)
Lottery (The) , 1996, Daniel Sackheim (d'après le texte : La Loterie), (Téléfilm)

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