Arthur C. CLARKE Titre original : Imperial Earth / Imperial Earth: A Fantasy of Love and Discord, 1975 Première parution : Angleterre, Londres : Victor Gollancz, septembre 1975ISFDB Traduction de Georges H. GALLET Illustration de Bruce PENNINGTON
ALBIN MICHEL
(Paris, France), coll. Super + fiction n° (1) Dépôt légal : 1er trimestre 1977, Achevé d'imprimer : 19 janvier 1977 Première édition Roman, 312 pages, catégorie / prix : nd ISBN : 2-226-00435-1 Format : 13,5 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Couverture : Atelier Pascal Vercken / Document Thomas Schlück.
Arthur C. Clarke, né en 1917, est diplômé de physique et de mathématiques appliquées du King's College de Londres. Dès avant la guerre, durant laquelle il fut lieutenant de la RAF, spécialiste du radar, il était trésorier de la British Interplanetary Society. C'est lui qui a eu l'idée des trois satellites géostationnaires destinés à assurer la diffusion mondiale des télécommunications. Maintenant membre de la Royal Astronomical Society, il a participé de près au programme spatial américain. Ses ouvrages de vulgarisation scientifique lui ont valu le Prix Kalinga en 1962.
Depuis 1937, il n'a cessé de publier des romans de science-fiction qui comptent parmi les plus brillants, et qui l'ont rendu célèbre dans le monde entier : de La Cité et les astres à 2001, Odyssée de l'Espace et Rendez-vous avec Rama. Il habite aujourd'hui Colombo et s'intéresse particulièrement à la biologie sous-marine comme en témoigne son roman Les Prairies bleues que nous avons déjà publié.
L'expansion terrienne étant freinée par le coût exorbitant des transports interplanétaires, dû surtout au prix de revient prohibitif du combustible, l'ingénieur Malcolm Mackenzie a eu l'idée d'aller prendre l'hydrogène nécessaire directement dans l'atmosphère de Titan, le plus gros satellite de Saturne, qui en est exceptionnellement pourvu.
Malcolm est devenu l'administrateur en chef de la colonie titanienne, assisté maintenant de son fils Colin, et du fils de celui-ci, Duncan. Nous sommes en 2276 et, sur la Terre, se prépare la célébration du cinquième centenaire des États-Unis. Une invitation officielle est d'ailleurs adressée à l'honorable Malcolm Mackenzie. Ce sera Duncan qui fera le voyage.
Mais cela n'ira pas si facilement, à cause de la pesanteur terrestre à laquelle il lui faudra s'adapter, et aussi de bien d'autres problèmes plus dramatiques...
« Et ne l'oubliez jamais, la Déclaration d'Indépendance fut l'un des plus importants événements historiques des derniers 3 000 ans ». (p. 30). « L'un des plus grands dangers pour la civilisation technologique était le fou imprévisible (c'est moi qui souligne) qui tentait d'exprimer ses frustrations (id), consciemment ou non, par le sabotage » (p. 126). Les USA sont « la première constitution démographique qui ait réellement fonctionné et qui fonctionne encore ». (En 2276 !) (p. 293). « Le projet Apollo marqua le suprême accomplissement des Etats-Unis et leur plus grand moment de triomphe » (p. 293). Sic et resic ! Et je vous fais grâce de la monnaie en cours (le « solar »...), de la technologie made in NASA, de tous les vieux mythes ressuscites (y compris au sens propre, comme le Titanic), du rayonnement de la Terre dans le système solaire à partir de Washington, etc. Taxer Clarke d'américanisme aveugle est loin d'exprimer la vérité. Une telle foi, non seulement dans la science et la technologie, seules dispensatrices du progrès humain ( !), mais en plus dans l'impérialisme US, seul viable pour l'humanité cosmique ( ! !), est simplement prodigieuse. Si Dollar était un dieu, Clarke serait son plus fervent apôtre.
A part ça, on a quand même droit à de belles descriptions de Titan, de vaisseaux spatiaux, de la Terre (hyper-technologique mais propre ! Comment expliquez-vous ça ?), de radiotélescopes, etc. Vivement que le tourisme interplanétaire soit inventé, que Clarke nous ponde de belles et savantes brochures publicitaires !
Eh ! Tu n'as pas parlé de l'histoire, vous écriez-vous. Quelle histoire ? rétorque-je.
2276. Duncan Makenzie, âgé de trente ans, est le fils-clone de Colin, lui-même fils-clone de Malcolm, le colon terrien qui a installé une petite société permanente sur Titan et y prospère depuis en vendant l’hydrogène nécessaire au fonctionnement des vaisseaux à fusion. La société titanienne vit dans un univers hostile où le froid est intense et l’atmosphère empoisonnée, mais, de petite taille et très organisée, elle survit sans trop de difficulté au prix d’un indispensable commerce extérieur. La dynastie Makenzie dirige Titan avec bienveillance, et désormais il est temps pour Duncan d’aller sur Terre pour faire fabriquer le clone qui sera son fils. Il doit aussi représenter son monde aux cérémonies du cinquième centenaire de la déclaration d’indépendance des USA, pour lesquelles on vient de tout le Système solaire. Ce sera pour le jeune homme l’occasion de découvrir le monde de ses ancêtres, de renouer avec une histoire sentimentale passée, et de lever le voile sur un étrange trafic de titanite.
Que dire ? Le début est intrigant et certaines descriptions de paysages titaniens vraiment belles. Puis, entre le monde de prospecteurs, des rivalités interfamiliales qu’on voit poindre (et resteront mort-nées), le nom Makenzie, et la difficile adaptation de Colin à la gravité terrestre, on pense au Luna de Ian McDonald et on espère une histoire de la même eau. Hélas, c’est loin d’être le cas. Parti de Titan, Duncan voyage dans un vaisseau de tourisme et il ne s’y passe pas grand-chose — sinon qu’il peut inutilement jeter un œil au nouveau type de moteur à même de ruiner l’économie de l’hydrogène, et qu’il aurait pu pratiquer le sexe en apesanteur à l’occasion du retournement de l’astronef. Arrivé sur Terre, Colin visite le monde, fait un ersatz de « Grand Tour ». Nous découvrons alors avec lui une planète qui a drastiquement réduit sa population jusqu’à 500 millions, enterré ses bâtiments sauf les historiques, et connaît visiblement une grande prospérité. On s’y distrait beaucoup et on y utilise un réseau télématique qui évoque Internet. Le jeune homme y vivra quelques aventures diplomatiques et amoureuses.
On croise dans le roman quelques réflexions intéressantes sur un développement durable de la planète après l’âge des « Tourments ». On observe que Clarke est toujours un vulgarisateur à l’affût des avancées et des potentialités de la science. On remarque une fois encore son goût d’ingénieur pour la description détaillée des machines et des mécanismes qui rappelle Jules Verne. Mais le style est quelconque et l’histoire peu complexe, la primauté donnée aux USA sur l’humanité signe un manque désastreux de vision prospective, les personnages, aussi peu crédibles que les tourments amoureux de Duncan, sont des bons bourgeois des années 50 envoyés dans l’avenir avec leurs manières et leur habitus intacts (on les croirait exfiltrés d’un épisode de Doris Day Comedy) ; même la technologie du quotidien prête parfois à sourire. C’est un livre qui fait vieux, et qui faisait sûrement déjà vieux lors de sa publication en 1975. À la même époque, Delany écrivait aussi ; la comparaison est cruelle
Éric JENTILE Première parution : 1/4/2021 Bifrost 102 Mise en ligne le : 11/10/2024