Certains racontent qu'autrefois la Terre était couverte de forêts, de prairies, de déserts et d'océans et que la glace et la neige n'étaient présentes qu'en certaines régions ou durant une certaine saison.
Mais depuis, il y a eu une guerre.
Tout a changé. La glace recouvre le monde.
Les hommes vivent désormais dans des cités-crevasses.
Leur existence est celle des marins et des pêcheurs de jadis.
Mais si leurs navires ont des voiles, ils ne connaissent qu'un océan solide et gris, celui de la gloire éternelle.
Le schooner de Konrad Arflane est le plus beau bâtiment de la cité de Brershill.
C'est à son bord que Konrad mettra le cap droit au nord, sur la mythique cité de New York...
Critiques
DANS LA POCHE
Michel Demuth, outre ses talents de traducteur, dirige avec soin l'entreprise de réimpression d'ouvrages de valeur en Livre de Poche. La rentrée nous apporte une nouvelle cargaison de titres. Pacotille, verroterie ou purs joyaux ?
Je ne m'attarderai pas sur Le son du Corde Sarban (ex-Galaxie Bis). Depuis Rêve de Fer, de Spinrad (rééd Livre Poche) les ouvrages sur le IIIe Reich, en SF, pâlissent même quand ils sont excellents. Alors, celui-ci... L'Ultime Fléaude Pohl (ex-Calmann Levy) n'est pas un des meilleurs de l'auteur. Malgré quelques scènes hallucinantes et une écriture thriller qui peut séduire, c'est d'une honnête moyenne, sans plus. Voilà pour la verroterie. Restent les joyaux : Le navire des glacesde Moorcock (ex-Opta) et Le monde de Rocannonde Le Guin (id).
Ces deux ouvrages, que rien en apparence ne rapproche ont une qualité commune, et qui se fait rare dans la SF par les temps qui courent. Ce sont des ouvrages lyriques, où les descriptions sont envoûtantes, et qui font appel à cette chose si démodée qui est l'identification du lecteur au héros et aux problèmes auxquels il s'affronte. Ce monde des glaces a parfois des relents du monde de Jack London, sans la moindre intention parodique. Ni le monde extérieur de Rocannon, ni cette Terre, sous les glaces ne sont notre monde ; nous ne partageons pas les convictions, croyances, superstitions des uns et des autres, leurs problèmes sont spécifiques : mais ils nous restent accessibles. Le lecteur se trouve devant un monde « décalé » — comme, par d'autres moyens chez Tolkien — ce qui n'empêche pas l'identification par empathie, mais permet assez de distance pour le plaisir de l'exotisme. En plein dans l'univers de la « Romance », loin du roman « réaliste » (Novel). Très souvent, la SF, par souci de respectabilité de faire sérieux (jeune cadre ou jeune savant dynamique, ou contestataire homologué) a voulu « concurrencer l'état civil » futur, nous ramener de la vision de l'étoile à celle des égouts : et c'est une bonne chose, cette oscillation entre le rêve et la dureté du réel c'est dans ce balancement que nait à la fois le futur et la SF. Parfois, néanmoins, comme ici, la SF s'offre (et offre au lecteur), une liberté — non pas de l'imagination, car les schémas narratifs sont très classiques, sauf dans les descriptions — une liberté de vagabondage.
En outre, ce Navire des Glaces,rapproché des mondes de Ballard, de Pavanede K. Roberts (Livre de Poche) et des Camps de Concentrationde Disch permettent de saisir une unité thématique secrète dans le groupe des auteurs qui gravitaient autour de New Worlds.Pas simplement dans leur projet, de donner à la SF des armes venues de la littérature moderne, mais au niveau de l'idéologie, se dégage un horizon singulier. L'ouvrage de Le Guin renvoie à ces chroniques d'un futur impensable, si proche et si lointain de celui de Cordwainer Smith (que le Livre de Poche devrait envisager de rééditer) et qui ont remplacé, dans le genre du rêve ces sortes d'histoires du futur qui avaient mobilisé, en leur temps Heinlein, Anderson et même Michel Demuth. Quel sens peut-on trouver à cette dérive loin de l'histoire, vers l'univers du conte ? Est-ce la preuve que de plus en plus l'histoire future échappe à ceux qui sont censé l'imaginer ?
La planète est recouverte d'une immense calotte glacière. Les hommes se sont adaptés à ces nouvelles conditions de vie et se sont inventés une mythologie autour de la Glace-Mère.
Konrad Arflane, capitaine sans vaisseau de glace à commander, quitte sa ville natale pour réfléchir à son avenir. Il envisage de se laisser mourir... Mais en chemin, il sauve un homme mourant qui n'est autre que Pyotr Rorsefne, l'Amiral en chef de la plus puissante cité des glaces. Celui-ci lui fait part de son intention de lui donner le commandement du plus grand de ses vaisseaux, L'Esprit des Glaces, afin qu'il dirige une expédition vers New York, la ville mythique où les légendes situent le siège de la Glace-Mère.
Le voyage commence dans une morne ambiance. Arflane s'est entiché de la fille de Rorsefne. Or, elle est mariée et son époux la surveille de près.
Deux compartiments de ce roman sont fascinants. Il ne s'agit pas de l'aventure en elle-même qui s'avère finalement assez banale et d'une lecture sans passion, excepté les premiers chapitres. Ce qui prédomine dans ce livre, ce sont les personnages qui tissent tout au long de l'histoire des relations compliquées et changeantes et l'univers inventé par Moorcock, ce monde de glace où les voiliers glissent sur des patins et où les marins sont pour la plupart de rudes chasseurs de baleine à demi-civilisés.
Cet accouplement entre une richesse psychologique peu familière aux romans de science-fiction et une rudesse dans l'imagination d'un décor froid comme la glace et néanmoins attrayant conduit à faire de ce roman une réussite en dépit, je le répète, d'un scénario incomplet.
Ceux qui aiment les romans lents, les romans d'atmosphère, seront ravis. Les autres s'ennuieront un peu, sauf s'ils se laissent envoûter par la magie des glaces...