On avait enlevé comme posément les viscères et cela faisait un grand trou très noir au milieu de ce corps. Une chose coupée en deux par l'absence de tripes. Et Christophe continuait à hurler, mais ce hurlement avait renoncé à sortir de sa bouche.
Critiques
Pascal Marignac, dit Corsélien, dit Kaa (celui qui publiait dans la défunte collection « Spécial Police » au Fleuve) nous revient dans la collection Gore avec un second ouvrage. Après ce demi-échec qu'était « L'état des plaies », un livre qui s'engluait dans les clichés et les stéréotypes du genre, c'est-à-dire du sang et du sexe à profusion, le pire était à craindre d'un livre au titre aussi évocateur : Bruit crissant du rasoir sur les os. Avec un titre pareil, on pouvait s'attendre à des torrents d'hémoglobine et à des charcutages en tout genre. Et bien, non ! Rien de tel. Du sang, il y en a mais cette fois, le dosage est parfait ; quant au sexe, il a quasiment disparu. Monsieur Corsélien aurait-il compris qu'un bon gore, c'est aussi et surtout une histoire ?
Et cette fois, une histoire il y en a une ! Le livre démarre très fort. Un médecin découvre chez lui un fœtus de sept mois et une lettre agrémentée d'un dessin représentant une croix plantée dans un cœur saignant. Le fantastique prend ici naissance dans ces éléments discordants qui constituent une rupture dans la réalité quotidienne. Et puis, il y a cette curieuse secte, des moines en soutane qui font du jogging en rangers (rien que ça !) sous une chaleur torride. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est assez inhabituel. Difficile de ne pas être frappé par cette image insolite. Le mystère s'épaissit après la découverte de deux cadavres, celui d'un moine au sexe atrophié et pourvu d'ovaires, et celui d'une femme privée des siens. A quelle fin de telles expériences ? Quel secret se dissimule derrière ces moines fanatisés dont le supérieur manie le rasoir avec des intentions peu avouables ? Comme on le voit, le livre contient beaucoup d'éléments insolites qui concourent à créer une atmosphère angoissante. De ce point de vue, le livre est une réussite. Un bandeau jaune précise que l'ouvrage a reçu le Grand Prix du roman Gore au Festival d'Avoriaz 1988. Distinction probablement méritée. Mais de là à dire que c'est le meilleur gore de la collection, comme l'ont affirmé certains, cela me paraît excessif. Que dire alors de Terminus sanglant, l'ouvrage de Michel Honaker ?
Cela dit, le livre est bon, encore que le style de Corsélien soit parfois barbant avec ses phrases qui commencent sans sujet et plein d'autres petits détails qui donnent l'impression qu'il n'est pas nécessaire de savoir écrire pour pondre un gore. Ce sont des petites choses mais cela finit par devenir agaçant à la longue. Heureusement, l'histoire est bonne, originale et l'intrigue est menée de main de maître. Espérons que Corsélien continuera dans cette voie.