Hanns Heinz Ewers est né à Düsseldorf en 1871. Il est mort en 1943. Il fut un grand voyageur et s'intéressa à l'occultisme et à toutes les formes du fantastique. En 1935, ses œuvres furent interdites en Allemagne.
Dans l'épouvante est une sorte de voyage aux enfers.
L'auteur y décrit une salsa, cérémonie si horrible que les participants, arrêtés par la police, préfèrent se couper la langue plutôt que d'en parler.
Il raconte l'aventure vécue — aujourd'hui — par une jeune Égyptienne, momifiée vivante en 2500 avant J.-C.
Il montre comment l'immolation d'un simple pigeon blanc peut engloutir une jeune fille dans un flot de sang.
Rarement volume aura mieux mérité son titre car les récits de Ewers sont plus que fantastiques, ils sont terrifiants.
1 - Le Pays des fées (Das Feenland, 1907), pages 5 à 10, nouvelle, trad. Marc HENRY 2 - La Sauce tomate (Die Tomatensauce, 1905), pages 11 à 37, nouvelle, trad. Félix GAUTIER 3 - Le Cœur des rois (Die Herzen der Könige, 1907), pages 38 à 71, nouvelle, trad. Félix GAUTIER 4 - La Jeune fille blanche (Das weiße Mädchen, 1907), pages 72 à 82, nouvelle 5 - Messieurs de la Cour (Die Herren Juristen, 1907), pages 83 à 100, nouvelle, trad. Félix GAUTIER 6 - La Fin de John Hamilton Llewellyn (John Hamilton Llewellyns Ende, 1904), pages 101 à 134, nouvelle, trad. Marc HENRY 7 - Journal d'un oranger (Aus dem Tagebuch eines Orangenbaumes, 1907), pages 135 à 172, nouvelle, trad. Marc HENRY 8 - Le Juif mort (Der tote Jude, 1907), pages 173 à 201, nouvelle, trad. Marc HENRY 9 - La Fiancée du Tophar (Die Topharbraut, 1904), pages 202 à 250, nouvelle, trad. Marc HENRY 10 - La Mamaloi (Die Mamaloi, 1907), pages 251 à 303, nouvelle
Maître allemand du récit de terreur et de la décadence, à la réputation sulfureuse, Hanns Heinz Ewers a bénéficié récemment de plusieurs rééditions, l’occasion de revenir sur une œuvre singulière et mordante.
Chez Ombres, précieux petit éditeur, on a ressorti l’an dernier le recueil Dans l’épouvante : Histoires extraordinaires, qui ne s’avère qu’assez rarement épouvantable, et guère plus extraordinaire. Le fantastique, quand il est présent, se fait généralement discret, et c’est davantage le sentiment du macabre qui associe ces contes, plutôt que l’angoisse ou l’horreur à proprement parler. À vrai dire, lus avec un siècle de décalage, ces textes brillent surtout par leur dimension de satire sociale grinçante, qui met en scène autant de personnages parfaitement répugnants et qu’on aime détester. Osera-t-on dire que cette force peut, parfois, se muer en faiblesse ? Car l’auteur, qui s’amuse beaucoup à décrire une bonne société qui est comme de juste la pire de toutes, s’y attarde et pas qu’un peu ; ce goût de la digression, sur la durée du recueil, produit parfois un ennui poli mais pas moins gêné chez le lecteur — trait qui sera à nouveau sensible dans le roman Mandragore. Parmi les contes les plus intéressants, « Le Cœur des rois » prête essentiellement à rire ; « Ces Messieurs de la cour » horrifie mais par son prosaïsme ; « La Fin de John Hamilton Llwellyn » a un vague élément SF dans l’ambiance, amusant mais tardif ; « Journal d’un oranger », plus classique, convainc dans son traitement de la folie du narrateur et son portrait de femme fatale, rappelant « L’Araignée » et anticipant Mandragore ; « La Fiancée du Tophar » et « La Mamaloi », en fin de recueil, sont les récits les plus horribles, le dernier surtout, qui s’étend à volonté sur une vision totalement délirante du vaudou, et qui noue le ventre avec son narrateur immonde. Mais, avec toutes ces indéniables qualités, l’ennui guette malgré tout le chroniqueur, régulièrement…
Sur un format bien plus ample, le roman Mandragore reproduit, voire exacerbe, aussi bien les réussites marquées de ces nouvelles, que leurs failles éventuelles. À partir d’un postulat qui peut rappeler Le Grand dieu Pan d’Arthur Machen, mais avec un traitement beaucoup moins frontalement imaginaire, Ewers décrit une bonne société corrompue jusqu’à l’os, qui, par jeu, crée de toutes pièces, via l’insémination artificielle, une femme fondamentalement maléfique et douée pour le crime. Mais, légende de la mandragore ou pas, on est porté à croire que l’éducation par l’exemple reçue par la jeune fille démoniaque, dans un milieu aussi cynique et pervers, suffit largement à développer en elle le goût du mal à l’état pur. Comme de juste, la créature s’avérera l’outil de la destruction de ses créateurs ; mais demeure le sentiment redoutable d’une société devenue totalement folle, à jouir ainsi du malheur des autres, pour la seule satisfaction de son ego démesuré et, au fond, en toute impunité, car le châtiment infligé par Mandragore n’est jamais qu’une variation également immorale sur les tares de ses victimes, aristocrates, médecins, juristes, etc. Des personnages délicieusement détestables — mais aussi d’interminables tableaux en profondeur de la turpitude de ces classes supérieures, qui ravissent souvent, ennuient parfois, même si le roman séduit avec plus d’efficacité que le recueil de nouvelles. Il est regrettable toutefois que cette réédition chez Terre de Brume soit aussi coquillée et abondante en mots oubliés…
Ces rééditions sont bienvenues : Ewers était un écrivain brillant, et un satiriste décadent de première, mais l’amateur d’Imaginaire ne sera pas immanquablement convaincu par ces récits somme toute très terrestres, et bien de leur temps.
Bertrand BONNET Première parution : 1/7/2018 Bifrost 91 Mise en ligne le : 8/5/2023