1 - Un métier sans avenir (No Future in It, 1955), pages 9 à 20, nouvelle, trad. (non mentionné) 2 - La Poussière de l'espace (Puzzle for Spacemen, 1955), pages 21 à 54, nouvelle, trad. (non mentionné) 3 - Les Fontaines du ciel (The Windows of Heaven, 1956), pages 55 à 71, nouvelle, trad. (non mentionné) 4 - La Foire (Fair, 1956), pages 73 à 92, nouvelle, trad. (non mentionné) 5 - La Panne (Out of Order, 1957), pages 93 à 112, nouvelle, trad. (non mentionné) 6 - Ne pas déranger (Elected Silence, 1959), pages 113 à 150, nouvelle, trad. (non mentionné) 7 - Le Grand méchant loup (Badman, 1960), pages 151 à 172, nouvelle, trad. (non mentionné) 8 - Rapport sur la composition de la surface lunaire (Report on the Nature of the Lunar Surface, 1960), pages 173 à 176, nouvelle, trad. (non mentionné) 9 - Le Baudet de fer (The Iron Jackass, 1962), pages 177 à 202, nouvelle, trad. (non mentionné) 10 - Protégez moi de mes amis (Protect Me from My Friends, 1962), pages 203 à 209, nouvelle, trad. (non mentionné) 11 - Stimulus (Stimulus, 1962), pages 211 à 238, nouvelle, trad. (non mentionné)
Critiques
Le lecteur, même s'il est pressé, ne manquera pas de remarquer que les premiers paragraphes de chacune des nouvelles composant ce livre diffèrent par le ton, voire par le sujet, de ce qui les suit. Il réalisera assez rapidement que ces paragraphes initiaux sont un commentaire indépendant de l'auteur, expliquant généralement pourquoi et comment il a écrit ces récits. Cette particularité n'est indiquée explicitement nulle part dans ce livre, et il n'y a aucune différence entre la présentation typographique de ces « introductions » et celle des nouvelles proprement dites. N'eût-il pas valu la peine d'attirer l'attention du lecteur sur cette particularité, qui n'est pas si fréquente ?
Cela dit, on ne peut qu'applaudir à l'inclusion de ces textes. John Brunner est un auteur lucide, cultivé et souvent spirituel. Ses réflexions peuvent en susciter d'autres chez son lecteur – et elles sont naturellement écrites de façon à ne pas dévoiler le fin mot des récits à « chute ».
John Brunner est un auteur anglais remarquable par sa précocité et par la diversité de ses « manières ». Avant d'avoir atteint sa vingt-cinquième année, il avait écrit Threshold of eternity, épopée aux enchevêtrements van vogtiens qui révélait un souffle incontestable, et dont une traduction française parut furtivement il y a quelques années. Alors que la plus grande partie de ses premières œuvres fut publiée dans des magazines anglais – New Worlds principalement – sa prose traversa assez rapidement l'Atlantique, de sorte que l'on rencontra sa signature dans Analog, Fantasy and Science Fiction et Fantastic Universe. Comparé à son compatriote et aîné J. G. Ballard, John Brunner est peut-être un écrivain moins accompli, mais à coup sûr un meilleur écrivain de science-fiction. Autrement dit, il possède un style moins vigoureux et une puissance d'évocation certainement inférieure, mais un registre émotionnel plus étendu et, surtout, une imagination plus variée.
Tout n'est pas mémorable dans les onze nouvelles qui composent ce volume, mais on trouve continuellement – ou presque – la marque d'un narrateur-né, qui sait de plus trouver le ton qui convient à chacun de ces récits (cette dernière qualité, il faut bien le reconnaître, est particulièrement masquée par une médiocre traduction française, invariablement appliquée et souvent maladroite, et dont l'auteur ou les auteurs sont restés anonymes).
C'est la gravité du ton – qui est celle d'un rapport scientifique – qui fait le piquant de la farce intitulée Rapport sur la composition de la surface lunaire. L'idée est mince de substance et énorme d'absurdité ; elle est brillamment traitée en quelques pages où éclate le métier de l'auteur. C'est l'idée en revanche qui fait l'intérêt de Protégez-moi de mes amis, où John Brunner évoque l'infortune d'un télépathe condamné à percevoir toutes les pensées de son entourage. Le traitement, en revanche, pèche par la facilité : un style à la syntaxe torturée et à la ponctuation arbitraire qui risque de rappeler Surface de la planète à ceux qui n'ont pas eu la bonne fortune de bannir ce livre de leurs mémoires. Du moins la tentative de Brunner se limite-t-elle aux dimensions d'une nouvelle.
La poussière de l'espace comprend une première partie qui est fort minutieusement construite, avec l'évocation de la vie dans une station cosmique et la découverte d'un meurtre mystérieux, mais l'explication de ce mystère tourne court et donne à la nouvelle une conclusion qui n'est pas digne de son début. Les huit récits restants varient toutefois du bon à l'excellent. Il y a ainsi Le baudet de fer et Stimulus qui sont un peu le pendant l'un de l'autre : celui-ci un problème en biologie et celui-là un problème en psychologie des rapports entre l'homme et le robot. La foire est en somme le contraire de La poussière de l'espace. Ici, le récit s'ouvre par une description assez conventionnelle (pour l'habitué de science-fiction, tout au moins) d'un parc d'attraction du futur ; mais cette description a du relief, et les réactions du personnage central sont un moyen habile d'accentuer sa vraisemblance. Et, surtout, le récit a une conclusion adroite, surprenante et optimiste. La panne, d'autre part, est une charge assez alerte contre la Grande Entreprise de l'avenir – avec ici aussi, une conclusion qui prend le lecteur au dépourvu. Ce n'est pas aussi brillant que chez Fredric Brown, c'est moins « fonctionnel » – en ce sens que le récit n'est pas uniquement édifié en vue de cette fin – mais c'est du très bon travail tout de même. Il y a en particulier un petit animal synthétique, au passage, qui vaut son poids de lombric.
Variation sur un thème connu, voici Les fontaines du ciel, où il est question de la fin du monde d'une façon qui n'a rien de spécifiquement britannique. Le grand méchant loup présente une intéressante étude de psychologie des masses, avec une « chute » très réussie, alors que Un métier sans avenir raconte une très joyeuse rencontre entre le passé et le futur, un sorcier médiéval capturant, au lieu du démon espéré, un voyageur temporel.
Ne pas déranger est probablement celui de ces récits qui va le plus loin dans l'examen psychologique John Brunner y met en scène un homme qui fut prisonnier de l'ennemi durant vingt-huit ans d'une guerre cosmique, et le rend aussi pitoyable que ses réactions sont plausibles. Et cela est fait sans aucun recours au pathétique, sans effet grand-guignolesque. C'est peut-être l'histoire où il se passe le moins de choses sur le plan scientifique, et c'est sans doute celle où le personnage central est peint avec le plus de vraisemblance et de compassion.
Servi par de meilleures traductions, ce livre eût pu constituer une révélation véritable. Tel qu'il est, il permet tout de même de découvrir les divers aspects d'un talent sur lequel de grands espoirs peuvent être fondés pour l'avenir – John Brunner est né en 1934 – mais qui déjà s'affirme étonnamment souple et sûr. Il est simplement dommage que la narration se trouve ici alourdie de maladresses et d'approximations qui ne sont pas imputables à l'auteur.