« Pour sauver mon frère de la drogue, j'ai accepté les yeux fermés le poste proposé par l'Hôpital de Comté. Ironie du sort, l'école d'infirmières m'avait préparée à beaucoup de choses, sauf au service Y4 : une aile secrète du bâtiment dédiée à toutes les céatures surnaturelles possibles et imaginables. Et quand il y a urgence avec ce genre de patients, difficile d'en sortir indemne... »

     Lorsqu'il est question de sang, Cassie Alexander sait de quoi elle parle : infirmière en Californie et fan inconditionnelle d'urban fantasy, elle a fait de sa première série Emergency l'incarnation explosive de ses deux passions.

     Fan d'Urgences et de Docteur House, la série Emergency de Cassie Alexander est faite pour vous ! Infirmière, Edie a renoncé à une bonne place dans le secteur privé pour rejoindre l'unité Y4 de l'hôpital public, un endroit secret dont peu de personnes connaissent l'existence. Une décision qui n'a rien d'altruiste : la jeune femme a échangé ses services contre un salaire de misère, mais surtout pour un traitement mystérieux qui sortira son frère de sa dépendance à la drogue. En poste la nuit, elle prend en charge des malades un peu particuliers : vampires, métamorphes et autres créatures surnaturelles. Hélas, malgré une formation très poussée, Edie tue un patient par négligence. Rongée par la culpabilité, elle part à la recherche de ses proches et se retrouve mêlée aux manigances des vampires, mettant ainsi sa vie et celles de ses amis en danger.

     Après la pléiade de détectives, d'exécutrices et autres guerrières qui peuplaient les romans de bit-lit ces dernières années, proposer une infirmière en personnage principal est plutôt original d'autant que son métier est au centre de l'intrigue. Récemment arrivée dans le service hospitalier Y4, Edie ne maîtrise pas encore les codes de son nouvel environnement et ce changement de carrière a bouleversé durablement son quotidien. Formée à sauver des vies, elle perçoit les événements et réagit de manière différente d'une combattante aguerrie. Même si, après plusieurs coups durs, la jeune femme demeure méfiante, sa sensibilité la pousse à aider les autres, ce qui la précipite invariablement dans les ennuis. Ce comportement la rend tout de même attachante parce que n'importe quel lecteur peut se retrouver dans ce personnage. En effet, qui ne s'est jamais dit qu'on ne l'y reprendrait plus et qui pourtant ne peut s'empêcher de répondre présent quand une personne chère à son cœur a besoin de lui ?

     À la lecture des premiers chapitres, on constate que l'auteur maîtrise parfaitement le vocabulaire et les descriptions techniques du contexte médical. Entre le délabrement de l'hôpital public, la particularité des patients du service Y4, et les difficultés familiales et financières de la jeune femme, Cassie Alexander met en place une atmosphère glauque et sombre très réussie. Les détails sont soignés et donnent du relief à l'ensemble. Les amateurs de romances et de bons sentiments ne trouveront pas leur bonheur. Contrairement à ses pairs, l'auteur ne capitalise pas sur l'humour et les scènes cocasses. Le rire arrive plutôt dans un accès de nervosité après une accumulation de moments gores et déprimants à souhait. Le récit démarre lentement, mais s'accélère en enchaînant les rebondissements. L'ensemble a un côté foisonnant qui lui donne un aspect un peu désorganisé — il faut dire que l'héroïne se débat comme elle peut avec ses ennuis — , mais très riche en informations.

     Premier tome orienté sur la mise en place de l'univers, Morsure nocturne intègre aussi des personnages possédant des personnalités ambivalentes. Chaque protagoniste, humain ou créature surnaturelle, flirte avec sa part d'obscurité quand il ne bascule pas carrément du côté du Mal en raison de ses actions. Personne n'est épargné et il n'existe pas franchement de ligne de démarcation qui permette de séparer les gentils des méchants. Chacun applique son code moral personnel : Edie, elle-même, devra faire ses propres choix et juger du degré son implication dans les problèmes qui ne manquent pas de se présenter à elle. Ces incertitudes quant à jauger de la confiance que l'infirmière peut porter à ses alliés apportent une touche d'inquiétude et de complexité bienvenues dans ce type de scénario où le lecteur est généralement habitué à des interactions plus normées.

     De plus, si l'auteur ne révolutionne pas le mythe du vampire, elle dépoussière notre vision du zombie jusqu'à en faire un petit ami potentiel pour son héroïne. Un choix un peu déconcertant — peut-être une question de mode... — , car ces créatures se régénèrent grâce au cannibalisme. Soyons honnêtes, si cela dénote sûrement une belle force de caractère de la part d'Edie puisque celle-ci va au bout de ses convictions personnelles malgré le statut de son prétendant, les moments d'intimité entre ces deux-là manquent tout de même de glamour. Voilà qui nous change un peu de la demoiselle tombant systématiquement amoureuse de l'Alpha le plus sexy du coin !

     Surprenant et décalé, Morsure nocturne est une bouffée d'oxygène — putride et vicié — parmi les dernières parutions du genre. Amateur de nouvelles sensations, n'hésitez pas à vous laisser tenter !