Le Facteur ascension est le quatrième et dernier tome du
Programme Conscience, après
Destination : vide, L'Incident Jésus et
L'Effet Lazare. C'est aussi l'ultime ouvrage de Frank Herbert, bien que rédigé en réalité par Bill Ransom, également co-auteur des deux précédents. Herbert, dans son œuvre, n'a jamais cessé de détruire ses propres mythes. Ses prophètes, ses messies, ses demi-dieux finissent toujours par montrer un visage inhumain et par commettre l'irréparable, souvent sous forme d'holocaustes. La prise durable du pouvoir, pour Herbert, conduit inéluctablement au fascisme et à la décadence.
Dans ce volume, les auteurs s'attaquent au mythe animiste érigé dans
L'Incident Jésus, ce varech pensant et omniscient, ainsi qu'au personnage de Raja Flatterie déjà rencontré dans
Destination : vide et
L'Incident Jésus, au passé lourd de symboles. Sur la planète Pandore, où les humains furent jadis amenés par Nef, le sixième clone de Raja Flatterie, le psychiatre-aumônier, a pris le pouvoir et règne en tyran paranoïaque grâce à un contrôle total de l'information. Tandis que les Pandoriens sont décimés, tués par la famine ou par les milices du Directeur, quelques individus tentent de résister à l'oppression. Mais le varech, cette conscience unique et collective qui contient toute la mémoire génétique de l'humanité et que Flatterie croyait maîtriser, est devenu dangereux...
Le Facteur ascension, comme
L'Effet Lazare, est avant tout un excellent roman d'aventures. Sa construction en chapitres parfois très courts, avec de multiples narrateurs — dont le varech lui-même — , la précision du style et la solidité de l'intrigue en font un thriller de science-fiction extrêmement efficace. Mais Herbert ne se contente pas de divertir. La tension dramatique est aussi induite par les enjeux philosophiques et politiques du récit. Le personnage de Flatterie, par exemple, est passionnant. Nous l'avons connu faible et indécis dans
Destination : vide, repentant et humaniste dans
L'Incident Jésus, il nous revient cette fois en despote arrogant et manipulateur. Il y a une bonne raison à cela : il s'agit de différents clones d'un même homme. Or le patrimoine génétique d'un homme — ou d'un varech, fût-il
sentient — n'est qu'un élément parmi d'autres. Le comportement de l'individu est soumis au feu de l'expérience, de l'environnement et de la culture ; c'est l'empathie, l'émotion, qui définissent l'humanité, mieux que la lignée ou l'apparence. Le fait que Flatterie, ce monstre moral, soit l'un des deux seuls rescapés des humains originels n'est pas anodin. La valeur d'un homme, nous dit en substance Frank Herbert, ne se mesure pas à l'aune de son ADN. Ceci peut paraître évident, mais à l'heure où le paraître revêt une importance riefenstahlienne, le message vaut la peine d'être entendu.
Notons pour l'anecdote que cette édition du
Facteur ascension est rigoureusement la même — jusqu'à la préface de
Gérard Klein et l'illustration de Manchu — que celle de 1993. Ce qui nous amène à une question « existentielle » : pourquoi une partie du
Programme Conscience est-elle rééditée chez
Ailleurs & Demain et une autre au Livre de Poche, sans aucune cohérence ? Les arcanes de l'édition, parfois, nous échappent...