BUCHET-CHASTEL
, coll. Fantasy Dépôt légal : avril 2001 Première édition Roman, 512 pages, catégorie / prix : 21,71 € ISBN : 2-283-01852-8 ✅ Genre : Fantasy
Crispin, maître d'œuvre de la mosaïque, finit par arriver dans la cité légendaire de Sarance. Son seul désir est d'exercer son art au profit du somptueux dôme du sanctuaire de l'empereur Valérius. Mais des rueurs de guerre et d'intrigues grondent, tandis que de mystérieux feux s'allument et s'évanouissent dans la nuit.
Valérius lutte à l'Ouest contre l'éclatement de l'empire, ce qui pourrait avoir des conséquences directes sur la famille de Crispin et ses amis de Varèna. D'autre part, Crispin est obligé d'entretenir des liens avec l'Empereur et son propre monarque la jeune Reine Gisèle, exilée à Sarance. Bien d'autres – amis ou ennemis – compliquent ses tentatives pour rester à l'écart. Il semble qu'à Sarance, personne ne puisse se soustraire aux tumultes de la cour et de la ville.
Bientôt, un autre voyageur venu de l'Est arrive dans la cité impériale. Rustem de Kerakek, médecin de son état, apprend que même sauver la vie du Roi des Rois ne suffit pas à assurer la fortune d'un homme. Son voyage à Sarance est plus une mission qu'une récompense, mais dès l'instant où il en touche le sol, sa destinée semble lui échapper. Combattant pour trouver sa place, pour déterminer les loyautés et équilibrer les demandes de guérison et de mort, lui aussi sera happé par l'inextricable réseau de la cité de Sarance.
Les deux volets de La Mosaïque de Sarance – Le Chemin de Sarance et Le Seigneur des empereurs – forment un récit d'une fascinante et merveilleuse complexité. Ils nous offrent une méditation émouvante sur l'art et ses pouvoirs, et sur les façons dont, des plus puissants aux plus humbles, les hommes cherchent à inscrire leur nom dans l'histoire.
Second volet du diptyque « La Mosaïque Sarantine », Le Seigneur des empereurs fait suite à Voile vers Sarance, chroniqué dans le Bifrost 97. Il introduit un nouveau personnage, Rustem, un médecin Bassanien envoyé espionner Sarance, et qui, comme Crispin, est un autre étranger portant un regard extérieur sur les Sarantins. Un homme ordinaire évoluant, bien contre son gré, au cœur des intrigues tissées par trois femmes exceptionnelles pour s’emparer du pouvoir ou le conserver. Kay a toujours particulièrement soigné ses personnages, tout spécialement les féminins, mais il atteint sans doute ici le sommet de son art en la matière. S’il nous place au point où le paradigme bascule, où l’Histoire prend un nouveau cours, dans les pas des souverains et autres hauts personnages, il n’en oublie pas pour autant le sort des gens modestes. D’ailleurs, les scènes de plus grande envergure ne sont pas situées à la fin du roman, mais bien avant, et la conclusion met à nouveau en lumière l’art du mosaïste et celui qui lui donne vie.
La première partie (environ 240 pages) nous fait croire que le rythme restera aussi lent que dans le premier volet ; la seconde nous détrompe, faisant s’accélérer les événements et réservant au lecteur ébahi des scènes d’une intensité dramatique absolument extraordinaire. Si Voile vers Sarance pouvait laisser penser que le diptyque pouvait relever, dans un monde imaginaire où le surnaturel est réel, d’une allégorie du règne de Justinien et de Théodora, dans l’Histoire réelle, Le Seigneur des empereurs, en revanche, donne à ces personnages, ainsi qu’à l’équivalent de Bélisaire, un destin totalement inédit. Ainsi, la remarquable précision de la reconstitution de la Byzance de l’époque, jusque dans le comportement de ses souverains ou dans des citations à peine déguisées de L’Histoire secrète de Justinien, par Procope de Césarée, est mêlée à un cours de l’Histoire différent, et bien sûr à des phénomènes magiques.
Voile vers Sarance était un bon roman pour qui connaissait déjà et appréciait Kay. Le Seigneur des empereurs est d’un tout autre niveau, hissant l’ensemble du diptyque à des hauteurs vertigineuses, dignes du meilleur de sa bibliographie (qui regorge pourtant de très grands romans de fantasy historique). On ne pourra que recommander à qui veut découvrir la prose du Canadien de s’y intéresser (même s’il devra faire preuve de patience, tant la mise en place des dominos est lente – mais leur chute ébouriffante), et on conseillera même à ceux qui ne l’apprécient pas, d’habitude, de se faire violence, tant les événements d’une certaine nuit fatidique sont contés par l’auteur de manière extraordinaire, parfaitement servis par la remarquable traduction inédite de Mikael Cabon.
APOPHIS (site web) Première parution : 1/1/2021 Bifrost 101 Mise en ligne le : 29/6/2024