Les Silver ont enfin trouvé la femme de ménage idéale, et cette femme de ménage n'est autre que Dieu ! Non content de nettoyer leur maison du sol au plafond jusqu'à lui donner une nouvelle jeunesse, il la range et la débarasse des vieilleries qui s'y sont accumulées, et fait resurgir du passé des objets, des souvenire que les Silver croyaient définitivement égarés...
Les enfants, Dieu, les chiens, les amours impossibles, les amis, la famille, la vie, la mort... En dix-sept nouvelles, tout le talent, les thèmes, la verve, l'humour et l'originalité de Jonathan Carroll.
« On range parfois les romans de Jonathan Carroll sous l'étiquette du réalisme magique. C'est sûr qu'il ya de la magie à l'oeuvre (...) : celle d'un écrivain à la voix originale et au style époustouflant. »
1 - Ménage en grand (Uh-Oh City, 1992), pages 9 à 81, nouvelle, trad. Hélène COLLON 2 - Collection d'automne (The Fall Collection, 1989), pages 82 à 90, nouvelle, trad. Hélène COLLON 3 - Copains comme chiens (Friend’s Best Man, 1987), pages 91 à 115, nouvelle, trad. Hélène COLLON 4 - La Tristesse du détail (The Sadness of Detail, 1989), pages 116 à 130, nouvelle, trad. Hélène COLLON 5 - Signe de vie, pages 132 à 138, nouvelle, trad. Hélène COLLON 6 - Salle Jane Fonda (The Jane Fonda Room, 1982), pages 139 à 145, nouvelle, trad. Hélène COLLON 7 - Mon Zoondel (My Zoondel, 1990), pages 146 à 156, nouvelle, trad. Hélène COLLON 8 - Apprendre à s'en aller (Learning to Leave, 1992), pages 157 à 166, nouvelle, trad. Hélène COLLON 9 - La Main-panique (The Panic Hand, 1989), pages 167 à 179, nouvelle, trad. Hélène COLLON 10 - La Gueule de l'ours (The Bear in the Mouth, 1989), pages 180 à 190, nouvelle, trad. Hélène COLLON 11 - L'Examen de passage (Postgraduate, 1984), pages 191 à 200, nouvelle, trad. Hélène COLLON 12 - L'Ange las (Tired Angel, 1989), pages 201 à 207, nouvelle, trad. Hélène COLLON 13 - L'Amour des morts (The Dead Love You, 1989), pages 208 à 227, nouvelle, trad. Hélène COLLON 14 - Florian (Florian, 1989), pages 228 à 234, nouvelle, trad. Hélène COLLON 15 - La Vie de mon crime (The Life of My Crime, 1992), pages 235 à 250, nouvelle, trad. Hélène COLLON 16 - Une roue dans le désert, des balançoires au clair de lune (A Wheel in the Desert, the Moon on Some Swings, 1994), pages 251 à 266, nouvelle, trad. Hélène COLLON 17 - Coup de foudre (A Flash in the Pants, 1995), pages 267 à 282, nouvelle, trad. Hélène COLLON
Critiques
Ce recueil se compose d'une longue novella (le premier texte) et de seize nouvelles plus courtes (la plupart d'une dizaine de pages). La quatrième de couverture mentionne la verve et l'humour de Carroll. Il est vrai que cet auteur s'est fait connaître par un premier roman intitulé Le pays du fou-rire. Mais il n'y a guère matière à rire dans ce livre. L'un des très rares textes ouvertement drolatiques, « Salle Jane Fonda », nous emmène sur les traces d'un homme mort qui arrive en enfer. Il a choisi la salle Jane Fonda, car il aime bien cette actrice. Il commence à penser que l'enfer n'est pas aussi terrible qu'on le dit, quand il comprend qu'il est condamné à visionner pour l'éternité la filmographie de la célèbre actrice... On le voit avec cette nouvelle, il y a peut-être parfois un vernis léger, mais si l'on gratte un peu, on s'aperçoit qu'il y a quelque chose derrière, de bien plus profond. Ce que confirme la novella initiale : un homme fait appel aux services d'une femme de ménage qui semble infatigable. Après une filature, il se rend compte qu'il a affaire à Dieu en personne !
Non, définitivement, ce recueil n'a rien à voir avec de l'humour. L'auteur préfère de loin s'intéresser aux psychologies individuelles, et propose de nombreux thèmes de réflexion – sans nécessairement apporter de réponse – tous liés à l'homme et à sa place dans l'univers. Ainsi, il n'est pas surprenant que le rapport à l'autre, la maladie et la disparition soient des leitmotiv des textes présents ici. Les personnages, fatalistes, s'accommodent sans trop se rebeller de leur destinée. Et on s'aperçoit au fil des pages que Carroll est un conteur subtil, profondément attaché à la description de l'être humain, cette créature imparfaite mais porteuse de tant de petites joies et de petits malheurs. Un conteur essentiel qui marche ici sur les pas du grand Theodore Sturgeon.
Le titre, poétique, rend fidèlement compte de l'ambiance de ces dix-sept nouvelles où Jonathan Carroll, s'il abandonne la forme du roman, n'en ressasse pas moins les mêmes thèmes avec le talent qu'on lui connaît. Il est en effet beaucoup question de la mort dans ces récits, dans une perspective métaphysique englobant le destin de l'individu comme le sens de la vie. C'est davantage l'approche de la mort qui pousse à la réflexion introspective et à la recherche de souvenirs, parfois d'une façon si obsessionnelle que tout devient affaire de détails. Des détails volontiers ironiques : c'est quand cet homme, qui se sait condamné, s'habille du dernier chic, qu'une femme s'éprend réellement de lui, au point qu' « Il n'en croit pas sa chance » !Et c'est la fillette mourante qui donne à l'adulte handicapé une leçon de vie, en même temps que des conseils dignes d'une voyante prodige (« Copains comme chiens »).
Comme souvent chez Carroll, il est question de Dieu dans ces récits, bien que celui-ci soit très éloigné de la conception classique qu'on peut s'en faire : quand Il perd la mémoire, une dessinatrice qui a le sens du détail est, par ses croquis, la seule personne à empêcher l'univers de s'effacer (« La tristesse du détail »). Une femme de ménage trop zélée ressuscite les fantômes du passé d'un universitaire, qui se considère pourtant honnête homme ; il est d'autant plus forcé de raviver des souvenirs lointains que l'enjeu concerne ici aussi la menace de la disparition de Dieu : trente-six humains, des élus d'une parfaite banalité, Le composent, mais leurs suicides de plus en plus fréquents, empêchant leur remplacement, Le menacent de disparition (« Ménage en grand »). Il est aussi question un peu de l'enfer... puisque celui-ci a un rapport évident avec le temps. Inutile d'imaginer d'atroces souffrances pour persécuter les damnés, étiré sur l'éternité, le plus doux des plaisirs devient un supplice {« Salle Jane Fonda »).
Il y a, à travers les textes fantastiques de Carroll, la quête d'une authenticité poursuivie avec patience et sans concession, la recherche d'une rédemption également, pour laver ses fautes passées. La simple lecture des titres est éloquente : « Apprendre à s'en aller » ; « Signe de vie » ; « La vie de mon crime » ; « L'amour des morts »... La lecture des textes, elle, se savoure lentement, tant la richesse du style permet de l'assimiler à une liqueur forte ou un parfum capiteux.