Cet épais volume réunit en un seul tome les versions révisées de
Six héritiers et du
Serment orphelin, romans parus précédemment dans la collection Légendaire.
Six héritiers se fonde sur une situation intéressante. Les descendants de sages, dont le seul point commun est d'avoir participé à un mystérieux voyage il y a plus d'un siècle, se voient traqués et massacrés. L'idée est astucieuse car elle forge un lien fort entre des hommes et des femmes de peuples et de cultures différents, qui ressentent le passé glorieux de leurs ancêtres de diverses manières — fierté, indifférence ou rejet. Ignorant tout du secret qu'ont celé leurs aïeux, et victimes impuissantes d'une traque dont ils ne soupçonnent pas la raison, ces personnages n'ont d'autre choix que d'assumer leur héritage et de se regrouper pour mieux résister...
Dans cette première partie, l'intrigue est simple. Ni créatures fantastiques, ni événements fabuleux ne viennent pour l'instant accabler les personnages qui se contentent de fuir les tueurs lancés à leurs trousses. Le récit est axé sur cette petite troupe de survivants qui, bien qu'assez superficiels au début, sont immédiatement sympathiques et attachants.
Dans
Le serment orphelin, ce sont toujours ces mêmes personnages qui demeurent au centre de l'intrigue. Certains entrent dans une phase d'apprentissage et se découvrent guerriers, magiciens ou télépathes. La trame fantastique se fait plus présente, avec dieux et démons, la tension va croissant, et les péripéties se succèdent, même si au bout du compte on apprend peu de choses sur Ji, possible porte vers un autre univers.
Résumées ainsi en quelques mots, ces 500 pages peuvent sembler vides... Et pourtant, la magie du conteur opère totalement. Le style fluide de Pierre Grimbert rend la lecture particulièrement aisée et agréable, et
Le secret de Ji fait partie de ces romans que l'on dévore avidement, car au bout de chaque page on ne peut s'empêcher de glisser un oeil vers la suivante pour poursuivre le voyage, et on se trouve incapable de refermer le livre...
Oui, Grimbert est un habile conteur, probablement formé à l'école du jeu de rôle : chaque fois que l'attention pourrait se relâcher, il relance l'intérêt par une révélation ou une situation nouvelle, avec un réel sens du suspense, et il donne progressivement de la consistance aux personnages avec qui nous partageons cette quête.
Il n'y a au bout du compte rien de fondamentalement original dans cette histoire — pour l'instant —, mais le ton suffit à démarquer ce roman. Grimbert prend le temps de donner du corps à son univers. Celui-ci ne foisonne pas de créatures pittoresques, mais sa simplicité apparente n'en a que plus de force. Ainsi, la magie est rare, oubliée ou négligée, ce qui donne à l'apprentissage magique de Yan plus de gravité et à son talent plus de poids.
Un récit solide et sans faiblesse, très humain dans son approche, et au bout duquel nous n'avons qu'une hâte : nous plonger dans le second volume pour connaître enfin le fameux
Secret de Ji, en espérant qu'il sera à la hauteur de la quête.
Pascal PATOZ (lui écrire)
nooSFere