Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Ailleurs et demain Date de parution : novembre 1982 Dépôt légal : novembre 1982, Achevé d'imprimer : 19 octobre 1982 Première édition Roman, 276 pages, catégorie / prix : 72 FF ISBN : 2-221-01098-1 Format : 13,5 x 21,5 cm Genre : Science-Fiction
L'immortalité est une question de temps.
Quand Mark Jervann d'Angun ressuscite, dix mille ans après sa première mort, on prétend l'obliger à changer de nom. Parce qu'il refuse, il va lui falloir retourner dans l'univers-ombre.
Pour vingt mille ans.
Et quand il renaît une nouvelle fois sur la planète marine Maria 3, le monde a bien changé.
Les planètes du système solaire ont disparu ; elles ont été remplacées par la Sphère de Govan avec ses milliers de mondes artificiels qui entourent le soleil.
L'Orbe - les Seigneurs - et la Roue - les Ingénieurs - se disputent la Sphère. Mais un autre pouvoir, celui de la Sphère elle-même, risque de les rejeter dans les oubliettes de l'Histoire.
Critiques
Depuis Le temps incertain, chaque nouvel « Ailleurs et Demain » de Michel Jeury fait figure d'événement au sein de la SF française. Surtout après Les Yeux géants, chef-d'œuvre monumental et donc, dans une certaine mesure, défi ou limite à dépasser pour l'œuvre postérieure. Que nous dit L'Orbe et la Roue ?
Le partage symbolique de l'univers de la Sphère a la transparence d'une formule mathématique : la Roue symbole des cycles et du renouvellement ; l'Orbe comme limite infranchissable de ce mouvement possible si la Roue, qui le comprime, l'anéantit. Système clos, du même coup extrêmement fragile, qui réduit l'univers de la Sphère à sa propre représentation codée. C'est pourquoi le rapport des personnages à ce monde est ritualisé à l'excès ; les sentiments sont de pures formes, vides de contenu (l'amour de Mark Jervann d'Angun pour Grace-la-jamais-née). L'Histoire devient symbole, le projet d'éclatement de la Sphère est oublié (« Il n'en resta qu'un symbole dont le sens s'était perdu : le Révérend à la Hache », page 208). Les personnages n'ont pas d'intériorité, ils se réduisent aux caractères définis par leur nom de code. Pour reconquérir cette humanité perdue, il faut un baptême, recevoir un nom d'humain. A partir de quoi l'Histoire se remet en marche. Après les fastes imaginations des Yeux géants, l'univers jeuryen est un peu comme la Sphère de l'Orbe et la Roue, prise dans un même mouvement de circularité et de compression. D'où cette variation, belle et élégante.
Au milieu de la production de plus en plus abondante de Michel Jeury, nous en sommes venus à attendre des couvertures argentées d'« Ailleurs et Demain » les romans les plus ambitieux de sa plume. L'attente n'est pas déçue avec L'Orbe et la Roue.
Le début avait pourtant de quoi inquiéter : Mark Jervann d'Angun est ressuscité onze mille ans après sa propre époque, et se trouve plongé derechef dans une action échevelée où ne manquent ni les femmes ni les bagarres. S'il n'y avait pas le débordement imaginatif jeuryien — au niveau des noms, des gadgets de la vie dans la Sphère de Dyson où s'est établie l'humanité — on se croirait presque dans du Farmer.
Heureusement, les choses se compliquent vite. D'abord parce que Mark Jervann n'est pas vraiment Mark Jervann, mais aussi tout un tas de personnalités récoltées lors de ses plusieurs morts et résurrections. Le jeu entre ses personnalités est une des dimensions qui enrichit le roman, mais aussi le problème des « demi-humains », les hommes... ou homme-animaux qui ont été créés pour souffrir et obéir. Mais le plus intéressant, c'est cette lutte entre les Seigneurs — propriétaires traditionnels du pouvoir — et les Ingénieurs, ceux qui ont construit les mondes où vit l'humanité, et qui veulent continuer à créer et à produire des changements. Conflit bien à sa place dans la tradition de la science-fiction — un genre qui a toujours réservé ses sympathies aux Ingénieurs (les petite et moyenne bourgeoisies si chères aux théories de Gérard Klein, cf. Malaise dans la Science-Fiction...).Et en plus de tout cela, le roman se lit à 100 à l'heure. Chapeau...