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Le Satellite sombre

Jérôme SÉRIEL

Première parution : Paris, France : Denoël, Présence du futur, 1962


DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur précédent dans la collection n° 59 suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1971, Achevé d'imprimer : 16 décembre 1971
Retirage
Roman, 224 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 10,8 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture

• Bob Allinquay n'a jamais fait que des bêtises. En ce moment, dans sa grosse crinonx Mercedes 800 SL, il doit foncer sur la géostrade Pékin-Paris, et je me demande dans quel pétrin il est encore fichu de m'entraîner. Et la veille de Noël par-dessus le marché !

• Il est passablement hallucinant de jouer aux cartes avec des robots d'acier de 2,50 m qui font grogner leurs cristaux magnétiques quand vous manquez de trèfle !

• Une partie extrêmement risquée. Si seulement je savais exactement ce qui est arrivé à la calculatrice électronique ? Aurais-je même le temps d'agir ? Si cette prétendue « mission » sur Vénus n'était qu'une ruse pour m'éloigner des laboratoires secrets ?
Et qui est Xarius ?

• L'espionnage existera toujours… même en l'an 2148.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présence du futur (1963)

    « Le satellite sombre » est l'un des romans d'anticipation français les plus intéressants qu'il nous ait été donné de lire ces temps derniers. (Incidemment, le livre de Jérôme Sériel est le 18e écrit originellement en langue française qui soit paru dans la collection « Présence du Futur », sur un total de 59. Cela dégage une proportion d'auteurs de langue française légèrement inférieure au tiers pour cette collection, ce qui, compte tenu des rééditions, reste tout à fait honorable.)

    Le précédent livre de Sériel, « Le sub-espace », avait reçu le Prix Jules Verne et avait été remarqué pour sa verve, pour les qualités certaines de visionnaire de son auteur, que celui-ci déployait sans échapper toutefois à une certaine confusion. Deux nouvelles publiées dans « Fiction » avaient montré qu'il disposait d'un sens indéniable de l'épique heureusement servi par une rare agilité verbale : Jérôme Sériel prend visiblement plaisir à créer des noms avec un bonheur si certain que leur aspect insolite ne les retient nullement de s'imposer à l'imagination.

    « Le satellite sombre » est très sensiblement meilleur que « Le sub-espace », en ce sens que la prose de Sériel a gagné en densité, en efficacité et aussi, quoique pas toujours, en clarté. Mais je reviendrai tout à l'heure sur ce problème de la clarté qui me semble déterminant.

    Il s'agit ici d'une invasion, mais d'une invasion d'un type nouveau, d'une invasion d'êtres à peu près inconcevables, et Sériel prend une grande peine à tenter de nous faire voir l'inconcevable, ce dont il faut lui savoir gré, d'êtres donc surgis du néant, ou plus exactement d'une région de l'espace dont je tairai le nom de peur de gâcher le plaisir du lecteur, bien que cela ait somme toute assez peu d'importance. De cette invasion qui intéresse tout l'univers, le programmeur Clarke est le premier averti. Avec l'aide d'un homme pour le moins singulier, Xarius, qui a tout d'un génie quelque peu doublé d'un initié au sens occultiste du terme (ce qui m'a fait un peu grincer des dents), Clarke parviendra à repousser l'invasion. Mais ces deux héros ne l'emporteront que d'extrême justesse et après que la quasi-totalité des peuples qui habitent notre galaxie aient été exterminés diaboliquement. L'action débute sur la Terre, se poursuit sur Vénus, puis éclate littéralement dans un cosmos riche de formes et de couleurs. (La richesse même de ce cosmos a permis à Sériel de donner des interprétations « matérialistes », sans avoir l'air d'y toucher, d'un certain nombre de grands mythes théologiques, comme par exemple des puissances infernales. S'agit-il de clins d'yeux au lecteur, ou bien Sériel croit-il réellement à la matérialité, à la littéralité des mythes plutôt qu'à leur valeur symbolique, ce qui le rapprocherait beaucoup de l'équipe de « Planète » ? C'est une question que nous ne résoudrons pas ici, mais sur laquelle il lui faudra bien s'expliquer un jour.) 

    Dans un cosmos, donc, poético-labyrinthique où l'on se laisse volontiers égarer, pour atteindre à l'extrême fin du livre une scène délirante qui échappe absolument à la raison, et dont les implications philosophiques semblent friser l'incohérence, mais qui pourtant parvient presque à emporter la conviction par la passion qu'elle dégage.

    D'une de ces scènes à l'autre, les liens sont le plus souvent fort lâches. En fait, le livre est une succession d'images souvent fulgurantes réunies en un scénario assez mal noué. La vérité psychologique des personnages est faible ou nulle et il est bien évident que les intentions de Sériel ne résident pas à ce niveau. Le prétexte initial du space opéra est bien vite abandonné. Les quelques naïvetés qui émaillent le livre sont si grosses qu'on peut douter qu'elles n'aient point été vues par leur auteur. Par exemple celle qui consiste a faire reposer le salut de tout l'univers sur les épaules du seul Xarius sans qu'on en voie bien la raison. Certes, il est l'homme chimère, l'homme de l'imaginaire qui seul, dit Sériel, peut accéder à la réalité, et en tant que tel, il est symbole. Mais l'imaginaire aussi est collectif ou du moins pluri-individuel, ce que néglige Sériel.

    Tous ces défauts font que sous l'angle strict de son récit, la prose de Sériel doit courir, galoper, pour éviter de tomber.

    Mais c'est là que s'opère le miracle. Cet assemblage si singulier ne tient que grâce aux qualités très sûres d'imagination de Sériel. Le portrait qu'il dresse en quelques pages du Paris de l'avenir est un petit chef-d'œuvre, ainsi que les images précises mais trop rapides de mondes étrangers, de machines étrangères. On dirait que le langage pousse Sériel en avant, qu'il le force à s'engager sur les marges du compréhensible, à s'aventurer sur sa lancée presque sauvage dans un dédale où le temps et l'espace et les apparences multiples et trompeuses de mondes parallèles se mélangent, se confondent et chatoient. Souvent, le mot précède le sens, comme si Sériel découvrait, à mesure qu'il l'expulse de lui, la signification de son souffle. Il y a, dans « Le satellite sombre », de l'inspiration. Et tout se passe comme si Sériel ne savait pas encore très bien ce qu'il a envie de dire, mais se laissait conduire par son instinct dans l'idée de découvrir un jour où il le mène. N'est-ce point le sort de Clarke, le narrateur, électronicien et maître de la grande Stellordinatrice (et sans doute frère de Sériel), que de partager son destin entre l'exactitude, la décision et la responsabilité, et la quête folle où il se laisse entraîner par Xarius au travers des hypermondes ? Si l'expression n'était pas exagérée, je dirais volontiers qu'il y a un peu entre Clarke et Xarius la même relation qu'entre Dante et Virgile dans « La Divine Comédie ».

    Et ce que Clarke-Sériel découvre, c'est qu'il existe une différence entre l'apparence du monde et sa réalité. Le propre de la réalité, c'est d'être cachée et le propos de la science c'est de l'élucider. C'est là bien sûr une vérité non seulement psychologique, mais aussi physique et qui possède des résonances métaphysiques. Au fond c'est de la caverne platonicienne que cherchent à s'échapper Xarius et Clarke, pour contempler les objets « réels ». Et ce n'est sans doute pas tout à fait un hasard si c'est bien dans une immense caverne naturelle emplie de lumières et d'agitation mécanique, que Xarius a logé les instruments qui lui permettent de dominer le temps et les espaces. Même si Sériel n'a pas fait consciemment le rapprochement.

    Qu'arrive-t-il à Xarius et à Clarke sortis de la caverne ? Ou plutôt, que nous arrive-t-il ? Nous pénétrons avec eux dans le torrent verbal, dans l'obscurité, voire dans la confusion, mats aussi dans un grand souffle. Et nous en comprenons aussitôt la raison. Sériel veut rendre compte d'une autre réalité, dotée d'une logique qui ne nous soit pas habituelle, d'une réalité aussi neuve pour nous que les images que nous nous faisons de la matière pourraient l'être pour des hommes d'il y a quelques siècles. Mais comme le principe et la cohérence d'une telle réalité lui échappent évidemment, il la décrit de manière impressionniste en sous-entendant son unité et ses structures. Je n'ai pas eu le temps d'analyser en détail les thèmes dominants, mais il y a ici peut-être artificiellement quelque chose de commun avec les visions provoquées par la mescaline ou encore par certaines intoxications. Ici le mot précède bien la chose nommée qui reste et restera sans doute parfaitement virtuelle. En quoi Sériel s'inspire des auteurs américains qui dotent leurs nouvelles de métiers et de sciences qui n'auront de sens que dans l'avenir et qui ne peuvent pas en avoir aujourd'hui. Il ne s'agit plus d'extrapoler une théorie cosmogonique, mais seulement de suggérer que la réalité découverte sera différente de la théorie d'aujourd'hui. Par là, Sériel abandonne le jeu logique et rejoint le fantastique. Mais il n'aboutit pas pour autant à cette sorte de sémantique du vide qui est généralement le résultat du jeu verbal, parce qu'il s'abandonne précisément à son inspiration poétique et au chant des mots.

    Si bien que sous couleur d'explorer un univers plus vaste et plus complexe que celui dont nous avons idée, Sériel, par le biais de son expression, s'explore lui-même, et visiblement, ne se tient pas encore, ne s'organise pas encore, mais se cherche porté par une foi inébranlable. On pourrait tenter une analyse fine des thèmes du « Sub-espace » et du « Satellite sombre » et s'efforcer d'élucider Sériel. Mais je pense qu'il le fera bien assez tôt lui-même, qu'il émergera de son propre torrent poétique, de son propre formalisme et qu'il mettra alors le jaillissement à peu près unique de sa spontanéité stylistique au service d'une conscience plus sûre et plus affinée. C'est la grâce que je lui souhaite et sur la voie de laquelle « Le satellite sombre » représente une étape importante.

Gérard KLEIN
Première parution : 1/1/1963
Fiction 110
Mise en ligne le : 8/12/2024

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