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Voyage au pays de la quatrième dimension

Gaston (William Adam) de PAWLOWSKI



IMAGES MODERNES , coll. Inventeurs de formes
Dépôt légal : mars 2004
Réédition
Roman, 254 pages
ISBN : 2-913355-24-2
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     Publié par chapitre dans les numéros de Comœdia en 1911 et 1912, Voyage au pays de la quatrième dimension paraît dans son intégralité fin 1912 et connaît un succès immédiat, à tel point qu'il est plusieurs fois épuisé et réédité.
     Une édition définitive du roman paraît en 1923, enrichie d'un Examen critique de Gaston de Pawlowski, où celui-ci, à l'aune de son expérience de la Grande Guerre, approfondit certaines de ses intuitions initiales :
     « J'aurais pu, je le sais, en écrivant ces notes, recourir comme certains philosophes à un vocabulaire de convention, forger des mots obscurs pour masquer l'insuffisance du langage courant, mais ceci ne ferait que reculer la difficulté sans la résoudre. Je préfère donc raconter ces souvenirs de mes voyages au pays de la quatrième dimension tels qu'ils se présentent à mon esprit sans prétention littéraire, naïvement et en désordre, attendant tout de l'indulgence du lecteur, heureux seulement si je puis toucher en son esprit quelques idées endormies que personne, dans notre monde, n'avait pris soin jusqu'ici d'éveiller. »
 
     Le Voyage se présente comme un roman d'anticipation au carrefour de la fantaisie mathématique et de la réflexion morale. Pour autant Pawlowski ne partage plus, déjà, les grandes utopies de ce genre littéraire au tournant du siècle, liées à la foi dans le progrès et à l'espoir d'un monde que la science rendra meilleur.
     L'extraordinaire enthousiasme que suscite à l'époque la question de la quatrième dimension explique l'engouement que les milieux littéraires et artistiques ont eu pour ce livre et la portée singulière qu'il eut notamment pour Duchamp :
     « En tout cas, j'avais, à ce moment-là, essayé de lire des choses de ce Pawlowski (sic) qui expliquait les mesures, les lignes droites, les courbes, etc. Cela travaillait dans ma tête quand je travaillais, bien que je n'aie presque pas mis de calculs dans le Grand Verre. Simplement j'ai pensé à l'idée d'une projection, d'une quatrième dimension invisible puisqu'on ne peut pas la voir avec les yeux ».
     Cette inspiration, dont l'Introduction de Jean Clair établit toute la subtilité, nous a paru éclairer singulièrement Voyage au pays de la quatrième dimension et a motivé à nos yeux la réédition de ce texte, depuis beau temps épuisé.
 
     Gaston de Pawlowski (1874-1933), journaliste, directeur du Vélo et de L'Opinion, prend en 1907 la tête de Comœdia, quotidien au départ consacré aux arts du spectacle, qui connaît un développement de plus en plus littéraire, artistique et avant-gardiste sous son impulsion.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présence du futur (1962)

    La première édition de cet ouvrage fut publiée en 1912, à une époque où la quatrième dimension ne figurait pas au pain quotidien de l'amateur d'étrange. Son auteur, Gaston William Adam de Pawlowski, vécut de 1874 à 1933. Il fit une carrière de journaliste, s'occupa de critique dramatique, et dirigea plusieurs journaux – dont les titres n'évoquent guère l'insolite littéraire : « Le Vélo », « Comœdia », « L'Opinion ». 

    Ce « Voyage » n'est pas présenté comme un roman. Il est précédé d'un « Examen critique », dans lequel l'auteur explique qu'il résulte de la juxtaposition d'une série de nouvelles, de fragments divers dont il augmentait irrégulièrement la substance.

    En vérité, ce « Voyage » ne peut guère être assimilé à un roman. Il lui manque un commencement, un milieu et une fin, ainsi qu'une action. On ne peut pas y voir une œuvre purement statique : des civilisations diverses sont évoquées, on parle de leur développement, de leur sclérose et de leur chute, mais ces divers événements sont présentés d'une façon extrêmement discontinue, incomplète, qui est évidemment le résultat de leur rédaction irrégulière. Gaston de Pawlowski n'a pas jugé nécessaire de les récrire pour en faire un tout.

    Les cinquante premières pages de ce volume sont occupées par l'« Examen critique » mentionné plus haut. En un style confus et assez prétentieux, l'auteur s'efforce de justifier son œuvre et d'en expliquer la signification. Quelle est, pour lui, cette quatrième dimension qui figure dans le titre ? Il répond explicitement à cette question : il faut voir, sous ce terme, « le symbole nécessaire d'un inconnu sans lequel le connu ne pourrait pas exister. La Quatrième Dimension, dans notre monde à trois dimensions, c'est cette variable dont l'existence est indispensable dans toute équation de l'esprit humain mais dont la qualité s'évanouit au contact des chiffres dès que l'on tente de lui donner une valeur particulière ». Dans le cours de son roman, il assimile (au chapitre XLVIII) cette quatrième dimension à ce que nous appelons aujourd'hui le subconscient. En fait, il s'agit principalement d'une sorte de perception spiritualiste, qui met les êtres vivants en contact les uns les autres plus parfaitement que nos sens ne le permettent, et dont les effets peuvent être rapprochés de ce qu'Olaf Stapledon décrivait sous le titre de « moment suprême » dans son « Star maker ». Pour Gaston de Pawlowski, cette recherche de la quatrième dimension revient encore à « créer Dieu par l'homme et en lui ». Ce qu'il raconte dans son livre, ce sont en fait les étapes laborieuses de cette recherche (dans une sorte d'histoire future de l'humanité) et les bienfaits dont les vivants furent gratifiés le jour où ils parvinrent au but. 

    L'idée centrale du roman procède d'une réaction contre le collectivisme (qui conduit à la notion du « Leviathan », l'état-monstre vivant) et le machinisme (dont un aboutissement peut être constitué par une technocratie myope). Cette réaction est saine et louable, et le lecteur ne peut que partager l'aversion qu'éprouve l'auteur à l'égard de l'une et de l'autre de ces formes de gouvernement. Mais l'expression que Gaston de Pawlowski donne à son aversion est confuse, pesante et, au total, assez peu convaincante. Il prône, au passage, la nécessité du style, et en vante les bienfaits ; mais il ne prêche guère par l'exemple. Ses développements sont imprécis, laborieux, et présentés avec une lourdeur à côté de laquelle l'anglais de Stapledon – pourtant assez lent – possède la vivacité d'un roman policier. Le message de Gaston de Pawlowski était éminemment valable il y a cinquante ans, et il demeure toujours digne d'être entendu. Malheureusement, les prétentions philosophiques, stylistiques et satiriques de l'auteur le desservent considérablement.

    Évidemment, la présentation d'une histoire (même future) de l'humanité ne se prête guère à un style alerte ou entraînant. Dans le cas présent, la situation se trouve aggravée par le fait que cette histoire résulte de la juxtaposition d'un certain nombre de fragments discontinus, qui exposent l'auteur à des contradictions (par exemple lorsqu'il s'agit du sort d'un couple primitif conservé comme échantillon : chapitres XXV et XL) et qui privent le lecteur de toute vue d'ensemble. Cet avenir est présenté en tableaux vagues, maladroitement esquissés, insuffisamment développés, et dont le schéma pessimiste finit par être lassant par sa monotonie : une invention nouvelle est faite ; elle provoque d'abord des résultats favorables à l'humanité ; mais des conséquences néfastes, imprévues aux premiers moments, accablent bientôt les hommes de leurs méfaits. Dans son « Examen critique », Gaston de Pawlowski parle de l'humour, qu'il assimile à l'esprit de doute, au scepticisme ironique qui doit faire équilibre à la froide et trompeuse certitude des sciences. Une fois de plus, on est obligé de constater qu'il n'utilise guère, dans son œuvre, les principes très louables qu'il expose. L'humour est un des Grands Absents de ce livre.

    L'action lui fait également défaut. On le remarque d'autant plus facilement que les premiers chapitres, évoquant la découverte fortuite de la quatrième dimension par le narrateur, se distinguent par des notations assez adroites, et dont le développement eût permis l'amorce d'une intrigue : cette boîte dont on peut atteindre l'intérieur sans avoir à en soulever le couvercle, cette diligence qu'on peut prendre n'importe où et n'importe quand, ne sont, sous la plume de l'auteur, que des artifices rapidement abandonnés, peut-être à cause de leur côté futile. En fait, Gaston de Pawlowski avait une thèse à défendre. Il n'a pas cherché à raconter une action.

    Était-il vraiment nécessaire de rééditer un tel livre ? À en croire le texte de présentation, on a parlé, à son propos, de « philosophie-fiction ». Hélas, le passage d'un demi-siècle n'a guère été favorable au second aspect de l'œuvre : il en a souligné les défauts beaucoup plus clairement que les qualités. Pourquoi ne pas avoir plutôt présenté au public l'ouvrage de Stapledon mentionné plus haut, « Star maker », dont on attend encore la traduction française ? Là, le terme de « philosophie-fiction » peut s'appliquer avec beaucoup plus de justesse. Le livre de Gaston de Pawlowski ne mérite une place que dans un musée de la science-fiction – et, plus exactement, dans une aile un peu désaffectée.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/6/1962
Fiction 103
Mise en ligne le : 29/12/2024


Edition DENOËL, Présence du futur (1962)

    La première édition de cet ouvrage fut publiée en 1912, à une époque où la quatrième dimension ne figurait pas au pain quotidien de l'amateur d'étrange. Son auteur, Gaston William Adam de Pawlowski, vécut de 1874 à 1933. Il fit une carrière de journaliste, s'occupa de critique dramatique, et dirigea plusieurs journaux – dont les titres n'évoquent guère l'insolite littéraire : « Le Vélo », « Comœdia », « L'Opinion ». 

    Ce « Voyage » n'est pas présenté comme un roman. Il est précédé d'un « Examen critique », dans lequel l'auteur explique qu'il résulte de la juxtaposition d'une série de nouvelles, de fragments divers dont il augmentait irrégulièrement la substance.

    En vérité, ce « Voyage » ne peut guère être assimilé à un roman. Il lui manque un commencement, un milieu et une fin, ainsi qu'une action. On ne peut pas y voir une œuvre purement statique : des civilisations diverses sont évoquées, on parle de leur développement, de leur sclérose et de leur chute, mais ces divers événements sont présentés d'une façon extrêmement discontinue, incomplète, qui est évidemment le résultat de leur rédaction irrégulière. Gaston de Pawlowski n'a pas jugé nécessaire de les récrire pour en faire un tout.

    Les cinquante premières pages de ce volume sont occupées par l'« Examen critique » mentionné plus haut. En un style confus et assez prétentieux, l'auteur s'efforce de justifier son œuvre et d'en expliquer la signification. Quelle est, pour lui, cette quatrième dimension qui figure dans le titre ? Il répond explicitement à cette question : il faut voir, sous ce terme, « le symbole nécessaire d'un inconnu sans lequel le connu ne pourrait pas exister. La Quatrième Dimension, dans notre monde à trois dimensions, c'est cette variable dont l'existence est indispensable dans toute équation de l'esprit humain mais dont la qualité s'évanouit au contact des chiffres dès que l'on tente de lui donner une valeur particulière ». Dans le cours de son roman, il assimile (au chapitre XLVIII) cette quatrième dimension à ce que nous appelons aujourd'hui le subconscient. En fait, il s'agit principalement d'une sorte de perception spiritualiste, qui met les êtres vivants en contact les uns les autres plus parfaitement que nos sens ne le permettent, et dont les effets peuvent être rapprochés de ce qu'Olaf Stapledon décrivait sous le titre de « moment suprême » dans son « Star maker ». Pour Gaston de Pawlowski, cette recherche de la quatrième dimension revient encore à « créer Dieu par l'homme et en lui ». Ce qu'il raconte dans son livre, ce sont en fait les étapes laborieuses de cette recherche (dans une sorte d'histoire future de l'humanité) et les bienfaits dont les vivants furent gratifiés le jour où ils parvinrent au but. 

    L'idée centrale du roman procède d'une réaction contre le collectivisme (qui conduit à la notion du « Leviathan », l'état-monstre vivant) et le machinisme (dont un aboutissement peut être constitué par une technocratie myope). Cette réaction est saine et louable, et le lecteur ne peut que partager l'aversion qu'éprouve l'auteur à l'égard de l'une et de l'autre de ces formes de gouvernement. Mais l'expression que Gaston de Pawlowski donne à son aversion est confuse, pesante et, au total, assez peu convaincante. Il prône, au passage, la nécessité du style, et en vante les bienfaits ; mais il ne prêche guère par l'exemple. Ses développements sont imprécis, laborieux, et présentés avec une lourdeur à côté de laquelle l'anglais de Stapledon – pourtant assez lent – possède la vivacité d'un roman policier. Le message de Gaston de Pawlowski était éminemment valable il y a cinquante ans, et il demeure toujours digne d'être entendu. Malheureusement, les prétentions philosophiques, stylistiques et satiriques de l'auteur le desservent considérablement.

    Évidemment, la présentation d'une histoire (même future) de l'humanité ne se prête guère à un style alerte ou entraînant. Dans le cas présent, la situation se trouve aggravée par le fait que cette histoire résulte de la juxtaposition d'un certain nombre de fragments discontinus, qui exposent l'auteur à des contradictions (par exemple lorsqu'il s'agit du sort d'un couple primitif conservé comme échantillon : chapitres XXV et XL) et qui privent le lecteur de toute vue d'ensemble. Cet avenir est présenté en tableaux vagues, maladroitement esquissés, insuffisamment développés, et dont le schéma pessimiste finit par être lassant par sa monotonie : une invention nouvelle est faite ; elle provoque d'abord des résultats favorables à l'humanité ; mais des conséquences néfastes, imprévues aux premiers moments, accablent bientôt les hommes de leurs méfaits. Dans son « Examen critique », Gaston de Pawlowski parle de l'humour, qu'il assimile à l'esprit de doute, au scepticisme ironique qui doit faire équilibre à la froide et trompeuse certitude des sciences. Une fois de plus, on est obligé de constater qu'il n'utilise guère, dans son œuvre, les principes très louables qu'il expose. L'humour est un des Grands Absents de ce livre.

    L'action lui fait également défaut. On le remarque d'autant plus facilement que les premiers chapitres, évoquant la découverte fortuite de la quatrième dimension par le narrateur, se distinguent par des notations assez adroites, et dont le développement eût permis l'amorce d'une intrigue : cette boîte dont on peut atteindre l'intérieur sans avoir à en soulever le couvercle, cette diligence qu'on peut prendre n'importe où et n'importe quand, ne sont, sous la plume de l'auteur, que des artifices rapidement abandonnés, peut-être à cause de leur côté futile. En fait, Gaston de Pawlowski avait une thèse à défendre. Il n'a pas cherché à raconter une action.

    Était-il vraiment nécessaire de rééditer un tel livre ? À en croire le texte de présentation, on a parlé, à son propos, de « philosophie-fiction ». Hélas, le passage d'un demi-siècle n'a guère été favorable au second aspect de l'œuvre : il en a souligné les défauts beaucoup plus clairement que les qualités. Pourquoi ne pas avoir plutôt présenté au public l'ouvrage de Stapledon mentionné plus haut, « Star maker », dont on attend encore la traduction française ? Là, le terme de « philosophie-fiction » peut s'appliquer avec beaucoup plus de justesse. Le livre de Gaston de Pawlowski ne mérite une place que dans un musée de la science-fiction – et, plus exactement, dans une aile un peu désaffectée.

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Première parution : 1/6/1962
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